ANALYSE

Nouveau code minier malien: réflexion critique sur certains aspects. Par Dr Ahamadou Mohamed MAIGA, Senior Associate – Minerals Institute

Une nouvelle réforme minière incluant une loi spécifique sur le contenu local a été promulguée par le Président de la Transition malienne, le 29 août 2023.Cette nouvelle réforme fait suite à un rapport d’audit des compagnies minières faisant ressortir des manquements aux obligations légales et conventionnelles. Plébiscitée et saluée par les acteurs institutionnels et certaines organisations de la société civile, le Ministre de l’Économie et des Finances déclarait, à l’adoption de ladite loi par le Conseil National de Transition, que « cette réforme minière devrait rapporter à l’Etat au minimum 500 milliards de francs CFA (762 millions d’euros) au budget annuel », en sus des appuis conséquents aux sous- traitants miniers maliens grâce à la nouvelle loi sur le contenu local. Face à ces différentes déclarations, il est important d’apporter une réflexion critique sur certains aspects fondamentaux du nouveau code minier et de la loi sur le contenu local afin, non seulement de comprendre leur teneur, mais aussi d’apporter une nuance permettant d’établir des perspectives adéquates et efficientes dans le processus d’opérationnalisation de la nouvelle règlementation.

Les dispositions relatives, notamment à la participation de l’Etat, aux obligations socio-économiques, à travers les fonds miniers et la préservation des droits des communautés locales, ainsi que le dispositif fiscal et les obligations de contenu local feront l’objet d’analyse particulière. Ces différentes analyses essayeront de démontrer les innovations du nouveau code minier et de la loi sur le contenu local ainsi que leur insuffisance majeure.

1. Statu quo sur l’objectif d’uniformisation ou d’harmonisation du régime fiscal applicable aux compagnies minières

Entre les différentes déclarations officielles et discussions passionnées, le secteur minier reste soumis aux obligations légales et conventionnelles établies. A cet égard, l’idée d’uniformisation ou d’harmonisation des compagnies minières au même régime fiscal reste dogmatique. En effet, les clauses de stabilité fiscale prévues dans les conventions minières signées avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2023 restent soumises à leur régime initial. La préservation de ce droit acquis est prévue dans les dispositions transitoires et finales du nouveau code minier. Dans ce sens, l’article 218 prévoit que « (…) les permis d’exploitation et les autorisations d’exploitation des carrières en cours de validité, restent soumis, pour leur durée restante et pour les substances pour lesquelles ils ont été délivrés, aux dispositions législatifs et réglementaires ayant présidé leur délivrance (…). » Cette garantie des droits acquis vaut également pour les détenteurs des permis de recherche. Toutefois, le législateur prévoit que tout renouvellement du titre minier entraine la caducité de la convention minière. Ce renouvellement étant sujet à l’application du code minier en vigueur. Cette disposition rend caduc toutes les conventions minières signées avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2023, en cas de renouvellement des titres miniers attribués. En guise d’illustration, dans le code minier de 2019, la durée de la convention minière – 20 ans – excède celle du permis d’exploitation de grande mine – 12 ans. En conséquence, l’Etat pourrait soulever les dispositions de l’article 218 du Code minier de 2023 relatives à la caducité de la convention minière, en cas de renouvellement des titres miniers attribués en 2019 ou soumis aux codes miniers antérieurs, afin de soumettre les compagnies minières au code minier en vigueur.

2. La participation de l’Etat dans le capital social des sociétés minières d’exploitation

Les dispositions relatives à la participation de l’Etat dans le capital social suivent les mêmes principes que ceux prévus dans le code minier de 2019. Toutefois, le législateur apporte quelques modifications majeures. En ce qui concerne la participation gratuite de l’Etat, contrairement à l’article 65 du Code minier de 2019 qui fixait les actions gratuites de l’Etat à 10%, la nouvelle formulation dans la réforme de 2023 est sujette à interprétation. En effet, l’article 78 du nouveau code minier dispose que « (…) l’octroi par l’État du permis d’exploitation lui donne droit à une participation gratuite fixée à dix pour cent (10%) minimum du capital social d’exploitation. » Cette nouvelle disposition supprime donc la fixation d’un plafond de pourcentage gratuit que l’Etat pourrait détenir dans une société minière. En d’autres termes, l’Etat pourrait, au regard de l’importance économique d’un projet minier, acquérir plus dix pour cent (10%) au titre de sa participation gratuite.

Par ailleurs, cette participation gratuite est assortie de dividende prioritaire lorsqu’un bénéfice net comptable est constaté par l’Assemblée générale de la société d’exploitation sanctionné par une décision d’affectation des bénéfices. En pratique, ces dividendes prioritaires prennent la forme monétaire. La réforme minière prévoit la possibilité pour l’Etat de percevoir en partie ou la totalité ses dividendes en nature. Les conditions et modalités de perception de ces dividendes en nature seront définies dans le décret d’application. Au regard de cette nouvelle disposition, les dividendes prioritaires de l’Etat pourraient être constitués de minerais bruts ou raffinés, en particulier l’or.

3. La scission des conventions d’établissement

Contrairement au code minier de 2019, la réforme minière prévoit la signature de deux (2) conventions distinctes en phase de recherche et d’exploitation. Ce nouveau mécanisme permet à l’Etat d’avoir une marge de manœuvre dans le processus de négociation en phase d’exploitation.

La convention d’établissement en phase de recherche requiert l’avis favorable des ministres chargés des mines et des finances et approuvée par décret pris en Conseil des Ministres. Elle nécessite également la cosignature des ministres précités (Article 17(a) ). La convention d’établissement en phase d’exploitation, suit les mêmes principes de signature après son approbation par décret pris en Conseil des Ministres (Article 17(b) ).

4. De l’aliénation du consentement des propriétaires du sol ou des ayants-droits au droit d’expropriation de l’exploitant minier

La détention d’un permis d’exploitation crée un droit d’occupation au profit de l’exploitant minier. Conformément au nouveau Code minier, ce droit d’occupation nécessite un consentement préalable du propriétaire du sol ou de ses ayants-droits. Ce consentement préalable du propriétaire du sol ou de ses ayants- droits se manifeste dans un accord de négocié entre les différentes parties et prévoit les droits et obligations régissant la relation contractuelle. Cet accord de consentement mentionne également les conditions d’utilisation du sol mis à disposition.

5. Les fonds miniers

La réforme minière met en place cinq (5) types de fonds miniers, dont

  • –  Le fonds minier de développement ;
  • –  Le fonds de réhabilitation, de sécurisation des sites miniers artisanaux et de lutte contre l’usage des produits chimiques prohibés ;
  • –  Le fonds de financement de la promotion du secteur minier ;
  • –  Le fonds de financement de la recherche géologique, du renforcement de capacité et de la formation et ;
  • –  Le fonds de réalisation des infrastructures énergétiques, hydrauliques et de de transport. S’agissant du fonds minier de développement local, il est affecté au financement des plans nationaux, régionaux et communaux de développement. Contrairement au Code minier de 2019 qui prévoyait un mécanisme d’alimentation basé sur 0,25% du chiffre d’affaires hors taxes au cours du mois ou de la valeur des produits extraits au cours du mois des titulaires titres miniers d’exploitation et les bénéficiaires d’autorisation d’exploitation industrielles de carrières, mais aussi sur une part contributive de l’Etat à hauteur de 20% des redevances proportionnelles collectées, liées à la valeur des produits extraits et/ou vendus, la réforme minière prévoit une augmentation de la contribution desdits exploitants miniers à 0,75% du chiffre d’affaires réalisé au cours du trimestre, tout en supprimant la contribution de l’Etat.

Deux obstacles majeurs pourraient rendre ineffectifs ce nouveau mécanisme, d’une part l’augmentation du niveau de contribution des exploitants miniers – la suppression de la contribution étatique, et d’autre part, les clauses de stabilités fiscales dont ils bénéficient.

6. De l’ambiguïté relative au changement des régimes légaux des substances minérales à l’aliénation du droit d’opposition du propriétaire du sol

Les articles 15 et 16 de la réforme minière prévoient le principe de changement du régime légal des substances minérales en mine ou carrière par le biais d’un décret pris en Conseil des Ministres fixant les conditions de reclassement ainsi que les modalités de classement d’une substance minérale non prévue et son rattachement éventuel à l’un des groupes prévus dans le code. Sans pour autant effectuer d’analyse technique, des réflexions devront être menées sur l’ordonnancement juridique d’un tel Décret pris en Conseil des Ministres. En effet, le régime légal étant déterminé par la « loi portant Code minier », le reclassement devra être effectué sur la base d’un amendement audit Code et dans la même forme. En outre, le projet de loi accorde également le maintien du régime initial des autorisations d’exploitation ou titres miniers d’exploitation jusqu’à l’expiration desdits titres et autorisations. Ce maintien accorde plus de garanties aux compagnies minières, tout en créant un décalage entre la période de changement du régime légal initial et l’application effective du nouveau régime. Par ailleurs, aucune disposition n’est prévue pour les détenteurs desdits titres ou autorisations qui souhaiteraient, de leur volonté, être soumis au nouveau régime légal en cas de changement.

Face à ce changement de régime légal des substances minérales, l’alinéa 2 de l’article 16 prévoit l’impossibilité pour le propriétaire du sol à s’opposer à une exploitation due au changement. Cette interdiction exclut toute possibilité de réclamer des compensations supplémentaires ou indemnisations dues au changement de régime. Or, les techniques et conditions d’exploitation d’une substance minérale soumises au régime des mines ou des carrières étant différentes et les droits d’exploitation n’étant pas similaires, l’élément déterminant le consentement initial du propriétaire foncier pourrait être entaché.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page