INTERVIEWLA UNE

Management féminin. Ariane Sessou, DGA Société Générale-Tchad « Le chemin est encore long mais le contexte est favorable »

Juriste de formation, Ariane SESSOU est titulaire d’une maîtrise en droit des affaires obtenue à l’université de Bouaké (Côte d’Ivoire) et d’un DESS en Droit Financier. Elle a complété ce parcours académique avec des formations professionnelles dont l’ITB du Centre de la formation professionnelle bancaire de Paris (CFPB) et un Certificat de Management Général des Activités Bancaires (BCEAO et HEC).
Sa carrière professionnelle démarre véritablement en juillet 2000 au sein d’un cabinet d’avocats.
Elle rejoindra Société Générale Côte d’Ivoire en mars 2006 où elle exercera plusieurs métiers comme manager : Juridique, Fiscalité, Secrétariat général, Logistique et Achats.
En 2012, elle rejoint une structure mutualisée Finance, créée par le Groupe au sein de la filiale de Côte d’Ivoire et qui couvrait la zone Afrique Subsaharienne.
Elle aura en charge, dans un premier temps, la supervision du pôle fiscal avec une équipe repartie entre Abidjan et Douala. Par la suite, elle sera nommée responsable dudit Centre pour la zone Afrique de l’Ouest avec un périmètre fonctionnel qui couvrait les métiers de la finance ainsi que les projets associés.
En août 2017, elle est nommée Secrétaire Générale puis Directrice Commerciale de la Clientèle des Particuliers et Professionnels à Société Générale Burkina Faso. Depuis Janvier 2021, elle assure la fonction de Directrice Générale adjointe de Société Générale Tchad avec un périmètre fonctionnel de Chief Operating Officer.
Dans cet entretien qu’elle a accordé au Magazine BUSINESS AFRICA, Ariane SESSOU partage son sentiment sur l’évolution du management féminin en Afrique, et évoque son expérience personnelle au sein du Groupe bancaire Société Générale.

Quel est votre sentiment sur l’évolution du management féminin en Afrique et plus spécifiquement dans le secteur financier ? Pensez-vous que les femmes sont promues sur les mêmes critères que les hommes aux fonctions managériales ?

Je constate avec satisfaction une évolution favorable de la place des femmes dans le management en Afrique y compris dans le secteur financier.
Il y a de plus en plus de femmes dans les Comités de direction des banques. Ce n’était pas le cas, lorsque j’ai intégré ce secteur il y a une quinzaine d’année. Dans la filiale où j’ai démarré ma carrière il n’y avait aucune femme au CODIR en 2006.
La situation a changé depuis lors, avec une part des femmes au CODIR en constante progression dans les filiales Africaines. J’ai la chance d’être dans un Groupe qui s’attache à promouvoir l’équité et veille notamment à l’équilibre des genres et des profils au sein de ses équipes.
Lancée en 2018, l’initiative « Diversity for Africa » a pour objectif de co-construire, avec l’ensemble des salariés, une entreprise qui incarne l’équité et favorise la diversité.
Cette initiative nous permet aujourd’hui, avec fierté, d’avoir porté la proportion moyenne de femmes dans les comités de direction à 33,4% (cet objectif a même été dépassé dans certaines filiales qui comptent plus de 40% de femmes dans leurs comités de direction).
Par exemple, la direction régionale Afrique Centrale est assurée par une femme qui était auparavant directrice générale de la filiale du Cameroun.
Le chemin est encore long, mais le contexte est favorable et les esprits sont disposés à faire bouger les lignes.
Nos Etats ont pris des engagements forts pour atteindre l’égalité hommes-femmes qui est un enjeu crucial de développement durable.
Les entreprises qui sont des acteurs clés de l’économie, sont fortement incités à contribuer à l’atteinte de cet objectif. Elles sont d’ailleurs conscientes que la mixité et au-delà, la diversité, est un levier de performance.
Tout ceci devrait contribuer à accélérer le mouvement vers plus d’égalité dans le top management des entreprises.
En ce qui concerne les critères de promotion aux fonctions managériales, ils devraient être les mêmes pour les hommes et les femmes.
Mais dans la pratique, le fait que certains postes aient été historiquement occupés plus par des hommes que des femmes, crée des biais qui peuvent influencer ces critères.
Déconstruire ces biais dont certains sont hérités de plusieurs décennies de pratiques patriarcales va prendre du temps. Il nous faudra donc être patientes.

Vous êtes aujourd’hui une des rares femmes au top management d’une filiale africaine d’un groupe financier de renom. Cela est-il la preuve que le combat est loin d’être gagné ?

Même si le nombre de femmes au top management reste encore faible, il s’est sensiblement amélioré ces dernières années comme je l’ai indiqué tantôt.
De plus en plus de femmes occupent des positions de dirigeantes même dans des géographies dites difficiles.
Les limites s’effacent donc petit à petit. Le défi est de faire en sorte que ces petits pas tracent des sillons durables qui pourront guider davantage de femmes vers le sommet.

Dans vos fonctions de manager, pensez-vous que le fait d’être une femme est un atout ou un obstacle ?

Cela fait un peu plus de 15 ans que j’occupe des fonctions managériales.
Ce qui a été un atout pour moi c’est ma force de travail, ma résilience et mon engagement.
Je suis consciente que notre condition féminine peut parfois nous pénaliser.
La gestion de l’étape de la maternité dans la vie professionnelle d’une femme en est un exemple.
En ce qui me concerne, j’ai eu la chance de me reconvertir après mon retour de congés de maternité sur une position qui m’a ouvert des opportunités au sein du Groupe. Ce n’est malheureusement pas le cas pour toutes les femmes.
Mais, la réussite dans une fonction de manager est davantage une question de compétences que de genre.
Les obstacles que nous pourrions rencontrer dans la vie professionnelle ne doivent pas nous tétaniser mais nous inciter à travailler davantage notre capacité de résilience.

Les femmes ont-elles une manière spécifique de manager ? Si oui quels en sont les éléments distinctifs ?

Le style de management n’est pas, à mon avis, spécifique à un genre.
On attend des femmes qu’elles soient plus bienveillantes, compréhensives y compris dans l’environnement professionnel parce que nos sociétés ont tendance à leur attribuer des rôles sociaux plus orientés vers le soutien affectif et émotionnel. Mais, les valeurs de bienveillance et d’attention à l’autre sont universelles en matière de management.
Si les femmes sont plus enclines à les incarner en raison de leur éducation, c’est un atout qu’elles doivent préserver et renforcer.
Cependant, la société s’attend tellement à voir les femmes adopter ce style stéréotypé de management que dès qu’une femme s’en éloigne, elle peut être mal perçue. Pour moi, le plus important pour une femme c’est de rester authentique dans son style de management tout en intégrant les valeurs universelles de leadership.

Avec les responsabilités qui sont les vôtres, comment arrivez-vous à concilier vie professionnelle et vie
familiale ?

Au début de ma carrière, j’ai eu beaucoup de mal à gérer cet équilibre vie professionnelle et vie familiale.
Ma vie professionnelle prenait toujours le dessus.
Mais, depuis quelques années, j’essaie de trouver un meilleur équilibre pour mon épanouissement personnel et celui de mes filles. Notre métier génère beaucoup de stress et il est important de s’accorder des moments de qualité avec ses proches et en s’adonnant à des activités qui nous passionnent.
J’essaie donc, autant que possible, de préserver mes temps libres pour les consacrer à ma famille, à mes activités associatives et à mon bien-être personnel.

Quels sont, selon vous, les verrous à faire sauter pour accroitre le nombre des femmes dans le Top management en Afrique ? Certains préconisent la discrimination positive, y êtes-vous favorable ?

Je partage l’avis de ceux qui préconisent la discrimination positive car les inégalités entre hommes et femmes sont si profondes qu’il faut donner plus de chance aux femmes d’accéder au top management.
C’est une approche à utiliser cependant en prenant en compte des critères objectifs de compétences pour ne pas desservir la cause des femmes.
De plus, c’est la performance des femmes aux postes où elles sont nommées qui va accélérer le changement pour plus de diversité au sein des entreprises. Cela nous met une forte pression !
Il y a malheureusement beaucoup de verrous à faire sauter qui sont liés aux biais de genre inconscients. Les femmes elles-mêmes ont un rôle à jouer pour faire sauter ces verrous au sein des entreprises. Elles doivent davantage travailler sur leur confiance en soi, s’affirmer et prendre la parole pour faire savoir qu’elles savent faire et que la société doit compter avec elles.
En ce qui me concerne, j’ai eu la chance de bénéficier au sein du Groupe de plusieurs programmes de leadership dont un programme dédié au leadership féminin.
Je participe également à titre personnel à des initiatives qui encouragent le développement du leadership féminin auprès des jeunes.
Ce genre de programmes peut contribuer à faire sauter les verrous.

Dernière question, avez-vous au cours de votre carrière, été victime de sexisme ordinaire ? Le cas échéant comment y avez-vous fait face ?

Certains comportements sexistes sont tellement subtils, qu’il peut être parfois difficile pour nous de savoir si la ligne a été franchie.
Pour ma part lorsque je fais face à une situation qui me met mal à l’aise, je préfère en discuter avec mon interlocuteur pour m’assurer de ne pas avoir mal interprété son comportement et pour recadrer les choses si nécessaire.

Propos recueillis par A.S. TOURE

© Magazine BUSINESS AFRICA

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