YULCOM, la firme canadienne qui veut accélérer l’usage de l’I.A en Afrique – Entretien avec son PDG Youmani Jerôme Lankoande
Économiste et entrepreneur, Youmani Jérôme Lankoande est le PDG de YULCOM Technologies Inc., une société d’ingénierie informatique basée à Montréal.
Titulaire d’une maîtrise en macroéconomie de l’Université de Ouagadougou (Burkina Faso), d’une maîtrise en économie politique de l’Université Laval (Canada), et d’une formation en gestion de projets informatiques à l’Université McGill (Canada), M. Lankoande cumule plus de dix années d’expérience de recherche interdisciplinaire sur l’innovation technologique au Canada et aux États-Unis. Il a également été chercheur invité à ATHGO International (Los Angeles) pendant plusieurs années.
Avant de se lancer dans les affaires, il fut analyste économique à Partenariat International (Montréal), auteur de nombreuses publications et intervenant à des conférences aussi bien au Canada, aux USA qu’en Europe sur l’Entrepreneuriat, l’innovation numérique et l’intelligence artificielle. Youmani Jerôme Lankoande a été président de la Jeune Chambre de commerce et d’industrie de Saint-Laurent (2012-2014) et a siégé au conseil d’administration de plusieurs organisations dont l’Université Laval et l’Office Québec Monde pour la Jeunesse au Canada. En 2015, il est sélectionné parmi le top 20 des jeunes leaders du Canada par Action Canada. Il a également été nommé vice-président du conseil de la Caisse Desjardins de Saint-Laurent (2017-2018).
Votre entreprise YULCOM TECHNOLOGIES déploie à ce jour des solutions sur quatre continents. Pouvez-vous nous la présenter brièvement ? Quelles sont ses offres et quelle est sa spécificité par rapport à la concurrence ?
YULCOM est une firme multinationale canadienne de services-conseils en technologie de l’information, d’intégration de systèmes, et de solutions utilisant l’intelligence artificielle, dont le siège social est établi à Montréal.
Depuis sa création en 2012, YULCOM a réalisé des centaines de projets pour ses clients sur quatre continents (Afrique, Asie, Europe et Amérique) pour plusieurs clients dont le gouvernement du Canada, la Banque Mondiale, le PNUD, l’Organisation Internationale de la Francophonie, ENABEL….
A ce jour, YULCOM a des bureaux dans 12 pays dont le Canada, les États-Unis, la Belgique, le Maroc, et dans plusieurs pays francophones de l’Afrique de l’Ouest.
Nous proposons des services de gestion de projet informatique, de développement de logiciel, de gestion de Big Data, d’intégration d’algorithmes d’intelligence artificielle, et d’hébergement cloud.
YULCOM se différencie de ses concurrents sur plusieurs points : d’abord la qualité et la diversité de ses ressources humaines constituées de plus de 20 nationalités, ensuite son investissement continu en recherche et développement pour améliorer les solutions que nous mettons sur le marché.
Enfin, notre expérience acquise sur 4 continents nous permet d’apporter plus rapidement des solutions aux défis de nos clients lors de l’exécution des projets.
Votre entreprise a remporté le prix ALPHA 2021 de Recherche & Développement à Montréal. Que fait YULCOM en termes de R&D qui pourrait intéresser l’Afrique ?
Effectivement en 2021 YULCOM Technologies a remporté le prix Alpha 2021 au Canada pour son investissement en Recherche & Développement et sa croissance à l’international dans la catégorie “Recherche & Développement et Technologies Diverses PME”. A YULCOM nous faisons un investissement considérable dans la R&D dans le domaine de la fintech, dans l’éducation à distance et dans la santé.
Plus précisément, dans les finances YULCOM s’intéresse à la gestion des côtes de crédits des PME à travers le développement de solution web intégrant d’algorithmes d’intelligence artificielle au profit des banques et des institutions de microfinances.
En éducation nous nous intéressons à la gestion des difficultés d’apprentissage à travers l’intégration de l’IA dans les plateformes de e-learning. Pour ce qui est de la santé, nous travaillons sur la détection précoce de certaines maladies en utilisant l’IA. L’ensemble de ces domaines de recherche s’applique bien dans le contexte africain, et la solution dans le domaine financier intéresse déjà plusieurs institutions financières africaines avec qui nous travaillons depuis quelques temps.
YULCOM peut aider à utiliser l’IA de deux manières :
- Développement de logiciels d’entreprise basés sur l’IA : gestion des flux de travail et automatisation des processus. En utilisant l’IA, nous pouvons par exemple améliorer la gestion des dossiers administratifs pour le secteur public et pour les grandes entreprises.
- Développement de systèmes robotiques alimentés par l’IA : robots équipés d’IA pour l’éducation, la santé et l’internet des objets.
En 2022 vous savez signé une entente de partenariat avec la Confédération des Institutions Financières d’Afrique de l’Ouest dans le domaine de la Big Data et de l’IA.
En quoi consiste ce partenariat ?
La confédération des institutions Financière d’Afrique de l’Ouest (CIF) est un regroupement régional de coopératives financières installées dans les pays de la zone de l’UEMOA.
Avec plus d’un milliard de dollars US d’actifs et plus de 4 millions de clients la CIF est l’un des plus grands regroupements d’institutions de finance inclusive en Afrique. Et nous sommes reconnaissants envers les dirigeants de la CIF pour cette marque de confiance.
Avec cette entente, YULCOM va accompagner les différentes institutions membres de la Confédération dans leurs projets numériques, notamment l’évolution de leurs plateformes numériques. Nous devons notamment les apporter des services conseils en gestion de Big Data et l’intégration de l’intelligence artificielle dans leurs futurs outils numériques.
Vous avez ouvert récemment votre bureau régional pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Pourquoi le choix du Maroc ?
Nous avons choisi Rabat au Maroc, parce que cette ville offre des infrastructures numériques modernes et essentielles à nos activités de développement de solutions de Big Data et d’intelligence artificielle.
Le Maroc est devenu un hub de services numériques et un carrefour entre l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient. Cela offre un cadre propice aux activités de développement d’affaires et de soutien technique de YULCOM dans cette région du monde.
En quoi consiste la transformation digitale des entreprises et comment YULCOM peut aider les entreprises africaines qui s’intéresse aux solutions d’IA ?
Elle consiste au remplacement de tous les processus métier manuels et physiques d’une entreprise par des alternatives numériques.
Elle impacte positivement plusieurs aspects dans l’entreprise en augmentant le gain de temps, la productivité des acteurs, la transparence, en améliorant la relation client et l’innovation. Elle a pour but d’améliorer les performances des entreprises.
Quelle appréciation portez-vous sur la transformation digitale des entreprises en Afrique, notamment francophone ? Le continent n’a-t-il pas raté le train encore une fois ?
En ce qui concerne la transformation digitale, l’Afrique a été lente au démarrage mais je pense qu’elle est sur une bonne lancée actuellement.
On peut noter à ce titre beaucoup d’engouement concernant le numérique sur le continent. La formation au métier du digital se diversifie, la jeunesse africaine s’intéresse de plus en plus au numérique, et très connectée aux tendances numériques dans le monde.
Ainsi elle perçoit mieux et plus rapidement ce qui pourrait être bénéfique au continent.
De plus, on constate chez cette jeunesse l’ambition de changer les choses avec le numérique.
Autre facteur important, les pouvoirs publics ont compris la nécessité et l’impact du numérique sur l’économie, la santé, l’éducation et tous les autres aspects de la vie quotidienne.
L’Afrique anglophone a certainement une longueur d’avance sur l’Afrique francophone, mais l’ensemble du continent est dans une dynamique d’accélération de la digitalisation tous azimuts.
Et cela, au bonheur des populations.
Qui dit transformation digitale, dit également gestion de la data.
Comment peut-on rendre le stockage des données informatiques plus sûr et à un coût adapté au continent ?
Nous sommes actuellement à l’ère du Big Data (données massives), et le stockage de données informatiques dans ce contexte requiert énormément de ressources financières, matérielles et énergétiques.
A ce jour la majorité des pays africains n’ont pas toutes ces infrastructures et ressources indispensables à la gestion de la data.
Pour plusieurs d’entre eux le cadre juridique de gestion de la donnée reste à mettre en place.
Il serait essentiel que les pays collaborent pour développer des infrastructures numériques régionales pour faire des économies d’échelle et rendre le coût de stockage et de transport plus abordable pour les utilisateurs. Cette collaboration pourrait servir aussi à faire un partage des meilleures pratiques en termes de sécurité des données.
Je crois aussi que plusieurs grandes entreprises présentes sur le continent peuvent être aussi des alliés pour accélérer dans la mise en place des infrastructures.
Une concurrence saine entre ces entreprises permettra en bout de ligne à une réduction des coûts.
Quels seront, demain, les grands enjeux liés à la gestion de la Data ?
A l’ère de l’économie du savoir et la Data en est devenue une matière première extrêmement importante.
Et bien évidemment cela s’accompagne d’enjeux majeurs.
Le premier enjeu est le stockage de ces données comme dit précédemment.
Ensuite, il faudra garantir la sécurité de ces données d’autant plus qu’elles peuvent être sensibles.
Enfin le dernier, et non des moindres, sera la propriété et l’utilisation de la donnée.
Comme vous le savez, plusieurs pays ou entreprises confient la gestion de leurs données à de grandes entreprises, fautes ressources techniques ou financières.
De même plusieurs citoyens utilisent des applications web et mobiles sans trop savoir où et comment sont gérées leurs données personnelles.
Le contrôle de ces données, reconnues comme de la matière première dans l’industrie du savoir, sera donc au cœur des enjeux de demain.
Le continent africain à travers ses entreprises, doit être a mesure de transformer ces données, en utilisant notamment l’intelligence artificielle.
La donnée devrait permettre d’améliorer les connaissances sur les enjeux de sociétés, notamment dans la santé, l’alimentation, la production, le commerce, etc.
Si elle est bien exploitée, la donnée permettra de résoudre les problèmes actuels des populations et de mieux prédire l’avenir.
Tout cela doit se faire bien évidemment dans un cadre éthique, avec une protection des données personnelles pour préserver le respect de la vie privée de tous.
Les métiers du digital évoluent très vite, ne craignez-vous pas qu’il y ait en Afrique un manque de ressources humaines qualifiées dans ce secteur ?
Il est vrai qu’il y a un manque de ressources humaines qualifiées en Afrique et dans le numérique, mais le problème est mondial.
Le COVID-19 a révélé l’urgence d’accélérer la digitalisation des services des gouvernements et des entreprises dans tous les pays du monde.
Tous les pays ressentent donc cette insuffisance de ressources humaines pour faire face aux besoins de digitalisation.
Cependant, nous sommes dans un monde où la formation est vraiment démocratisée.
Avec une connexion internet, on peut se former sur les sujets et les domaines les plus pointus en compagnie d’experts mondiaux et tout cela en restant chez soi.
Je pense que là se trouve la clé de la solution pour l’Afrique. Il faut rendre l’accès à internet abordable et encourager l’auto-formation à travers les plateformes de formation à distance. Ainsi, pour ce qui est du numérique au moins, nous pourrons acquérir facilement et rapidement les ressources humaines nécessaires pour combler le gap qui existe actuellement.
L’Afrique doit donc former en quantité et qualité mais également travailler à bâtir un écosystème numérique vertueux pour le développement des métiers y relatifs afin de que ces jeunes formés trouvent un emploi décent.
Quels sont les grands axes de développement de YULCOM pour les années à venir ?
Les grands axes de développement de YULCOM sont:
D’abord le renforcement de nos positions sur le segment des projets informatiques sur mesure dans tous les pays où nous sommes présents à travers le recrutement et la formation d’experts en informatique, en big data et en intelligence artificielle.
Ensuite, nous allons continuer à investir dans la recherche et développement appliquée à l’intelligence artificielle pour être plus compétitif.
On a aujourd’hui les preuves de la valeur que peut apporter l’IA dans la productivité des entreprises et dans l’efficacité des services publics et parapublics. Les décideurs adoptent de plus ne plus cette technologie.
Il nous reviendra donc la tâche d’apporter des solutions plus abordables aux entreprises publiques et privées.
Enfin, pour les années à venir, nous allons poursuivre notre diversification géographique à travers le développement de nouveaux marchés en Amérique Latine et en Asie.
Propos recueillis par A.C. DIALLO – © Magazine BUSINESS AFRICA