« En plus de fournir le capital, les réassureurs doivent en assurer l’optimisation » Philippe KANGA, Directeur régional Afrique de l’Ouest à Munich Ré
De nationalité camerounaise, Philippe KANGA a effectué des études universitaires en Finance et Investissements à New York. Il débute sa carrière professionnelle à la banque d’affaires américaine Lehman Brothers avant d’être recruté par Mackenzie Investment à Toronto au Canada.
Après avoir côtoyé le monde de la haute finance, il signe son retour au pays en 2011 et entame une carrière dans le secteur de l’assurance, notamment au sein du groupe Beneficial (aujourd’hui acheté par Prudential) comme Directeur Commercial adjoint du groupe. En 2015 il est approché par Swiss Ré pour être leur Vice-président Afrique Sub-saharienne en charge du département Vie et Santé et avec résidence au Cap en Afrique du Sud. Philippe KANGA rejoint quelques années plus tard Munich Re où il officie depuis 2018 comme Directeur Régional Afrique de l’Ouest. A noter que Munich Ré est le premier groupe mondial de réassurance puisqu’il existe depuis 130 ans et est présent sur le continent africain depuis une cinquantaine d’années.
Pouvez-vous nous dire en quoi consiste votre activité au sein de Munich Ré ?
Mon activité consiste à mettre en œuvre la stratégie de Munich Ré en Afrique de l’Ouest. Cela se traduit par le développement de partenariats avec les compagnies d’assurance, les pouvoirs publics, le régulateur mais également les nouveaux entrants dans notre industrie comme les AssurTech, les Fintech et d’autres partenaires, afin d’augmenter le portefeuille de Munich Ré dans la zone à travers des partenariats bénéfiques pour toutes les parties.
Quelle appréciation portez-vous sur l’évolution de l’industrie de l’assurance en Afrique ?
L’Afrique ne représente aujourd’hui qu’à peine 3% des primes émises dans le monde avec une pénétration du marché qui est de 2,7%.
Et lorsque l’on prend le marché Ouest-africain, on constate que les primes émises comparées au volume global des primes sur le continent est autour de 3,9% avec une répartition de 70% en non vie et 30 % en assurance vie.
Ces chiffres montrent bien qu’il reste encore beaucoup d’opportunités à saisir dans notre industrie.
Notre stratégie à Munich Ré, consiste à nous engager activement avec nos clients.
Par ailleurs, il faut savoir que les solutions de réassurance ont beaucoup évoluées.
Ce n’est plus la réassurance traditionnelle qui consistait à être juste un fournisseur de capitaux.
Aujourd’hui, en plus de fournir le capital, les réassureurs doivent assurer l’optimisation du portefeuille d leurs clients.
Il y a la digitalisation qui entre en jeux ainsi que comme je l’ai évoqué, la prise en compte des nouveaux entrants.
Il faut donc, en tenant compte de tous ces éléments, atteindre le niveau d’efficacité et de gestion de risque les plus appropriés à travers des produits adaptés.
Quels impacts la crise du Covid-19 a t-elle eu sur l’industrie de l’assurance en Afrique ?
Avant la crise du Covid-19, il était prévu une croissance du marché de l’assurance entre 2019 et 2025 de l’ordre de 7% entre 2020 -2025.
Cette projection plaçait notre marché à une croissance supérieure à deux fois celle de
L’Amérique du Nord, 3 fois celle de l’Europe et un peu plus de celle d’Asie qui était estimé a 6%.
Ce qui veut dire qu’on était sur la bonne lancée.
Aujourd’hui, avec l’impact de la pandémie, il y a naturellement des ajustements et des nouvelles orientations à faire notamment en ce qui concerne la stratégie en matière de digitalisation et d’optimisation des canaux de distribution.
Il faudra, en mon sens, améliorer la relation avec les consommateurs, mettre en place des produits innovants adaptés à nos marches tels que dans l’Energie renouvelable, pour les PMEs, indiciels dans l’agriculture et risques climatiques afin d’anticiper sur les inondations, les sécheresses et couvrir nos planteurs en particulier et les populations en générale…
Quels sont les défis auxquels le secteur assurantiel africain devra faire face ?
Ils sont nombreux.
Il y a bien sûr le problème des infrastructures sur le continent avec des besoins annuelles de presque $77milliards qui présentent des opportunités s’il y a une réelle volonté de conserver les primes sur le continent.
Il y a également la stabilité politique et les compétences en ressources humaines.
Sur ce dernier point je note qu’au niveau de la diaspora africaine, il y a des cadres bien formés.
Malheureusement dans nos pays, on a encore tendance à valoriser plus l’expertise étrangère que locale.
Je voudrais également mentionner la culture d’assurance à développer et améliorer les conditions de vie de nos concitoyens afin qu’ils puissent affecter une partie des revenues aux produits d’assurance.
Enfin il faudra rendre l’assurance obligatoire pour plusieurs types de risques afin de croitre la pénétration tout en sensibilisant les populations et aussi on pourrait y lier des avantages fiscaux pour croitre la consommation et le volume des produits d’assurance.
Aussi on espère que les recapitalisations en cours dans plusieurs marches pourront permettre l’avènement de nouvelles compagnies / groupes d’assurance bien structurées avec assez de capitaux pour investir dans la technologie, des équipes dynamiques afin de croitre notre industrie.
Y aura t-il un avant et un après Covid-19 dans le secteur de l’assurance en Afrique ?
Oui il y aura un avant et un après covid19 dans le secteur de l’assurance mais tout dépendra des stratégies qui seront adoptées par les compagnies d’assurance pour capitaliser sur les opportunités et la perspicacité et diversité des équipes managériales chargées de les mettre en œuvre.