INTERVIEWLA UNE

« Nous créerons les champions de l’économie du Sénégal de demain » Mme THIAM Ndeye Binta DIOP, Administratrice Directrice Générale de MICROSEN Sénégal

Mme Thiam Ndèye Binta Diop est l’Administratrice, Directrice Générale de Microsen Sénégal. Native de Thiès, elle dispose de plus de dix ans d’expérience dans le secteur de la microfinance au Sénégal aussi bien dans le privé que dans le public. En effet, elle a tour à tour occupé les postes de Chef de bureau des vérifications à la Direction de la Règlementation et de la Supervision des Systèmes Financiers Décentralisés (Ministère des Finances), Responsable de la qualité du service à la clientèle à Baobab Sénégal, Responsable du contrôle interne, responsable du risque, Chargée de mission auprès du Directeur Général chez Cofina Sénégal.
Titulaire d’un Master 2 en finances, audit et contrôle de gestion à SUPDECO Dakar, Ndèye Binta est particulièrement intéressée par les questions d’inclusion financière, et socio-économique. En outre, elle attache une grande importance aux défis liés à l’accès au financement pour les TPE PME et les femmes primo entrepreneurs avec une offre de services adaptés à leurs besoins de croissance, gage de valeur ajoutée pour notre croissance nationale.

Vous êtes la Directrice Générale de MICROSEN, quelles sont les activités de cette entreprise et quelle est la spécificité de son approche ?

Détenue majoritairement par SF Capital depuis Août 2022, Microsen SA est une institution financière créée en 2011 qui a pour mission d’accompagner l’ensemble des acteurs économiques dans le financement de leurs activités et projets en proposant des services financiers agiles et adaptés. La vision de Microsen SA se traduit par un engagement pour une croissance économique inclusive et un positionnement de référence dans le secteur financier en Afrique. Elle apporte des solutions innovantes et accessibles aux PME/PMI et dans une dimension plus structurée, aux femmes et aux jeunes. Microsen SA a des valeurs fondamentales articulées autour de la satisfaction du client, le sens la responsabilité, de la réactivité, de l’innovation et de l’intégrité. Notre offre s’appuie sur des partenariats publics/privés solides permettant de proposer une diversité de produits et services financiers tels que le crédit direct, les engagements par signature, les produits d’épargne, avances sur factures,….

Quel est votre sentiment sur l’évolution du secteur de la microfinance en Afrique et plus particulièrement au Sénégal ?

Le secteur de la microfinance au Sénégal et en Afrique dans son ensemble a connu des évolutions positives significatives, notamment un accès plus important aux services financiers pour les communautés traditionnellement exclues. Cela a permis aux particuliers et aux petites entreprises d’accéder à des produits de crédit, d’épargne et d’assurance, leur permettant ainsi de démarrer ou d’accroitre le niveau de leurs activités. Avec la croissance des institutions de microfinance, davantage de personnes peuvent désormais accéder à des services financiers qui étaient auparavant hors de portée. Le secteur de la microfinance au Sénégal a également attiré les banques commerciales, entraînant une concurrence et le développement de nouveaux produits financiers et nous voyons naitre une nouvelle vague de SFD rattachés à ces banques. Cela a permis l’accès aux services financiers offrant ainsi le choix aux PME et aux particuliers (A enlever). Toutefois, malgré la croissance et l’impact positif du secteur de la microfinance sur les populations, il reste des défis à relever. En effet, les institutions de microfinance sont toujours confrontées à des contraintes réglementaires et opérationnelles. Par exemple l’impact de la Covid 19 sur les IMF et sur les activités de la clientèle, démontre qu’il est important de renforcer la résilience du secteur et de ces clients. Par ailleurs, au titre des évolutions positives, la digitalisation a permis une certaine démocratisation du crédit ces dernières années. Cependant, il est nécessaire de poursuivre la mise en place de mécanismes et d’outils innovants et adaptés pour garantir la durabilité et l’efficacité du secteur de la microfinance en Afrique.

La microfinance est perçue, en Afrique, comme un vecteur essentiel d’inclusion financière, mais elle peine à jouer pleinement son rôle. Que faut-il faire, selon vous, pour inverser la tendance afin que ce secteur soit à la hauteur des attentes ?

Les institutions de microfinance jouent un rôle essentiel dans la fourniture de services financiers aux communautés mal desservies, car elle adresse très souvent une cible qui peine à accéder aux systèmes de financement classiques et/ou n’est pas bien informée sur les voies et moyens d’accès aux financements. Cependant, il reste des efforts à faire pour une amélioration du taux d’inclusion financière. Cela passe par :

  • Le renforcement de la supervision et la révision du cadre réglementaire des IMF pour une meilleure croissance et solidité du secteur et également pour un niveau de protection des clients plus accru. Des efforts significatifs sont en cours mais il est urgent de revisiter le cadre règlementaire des microfinances en intégrant la dimension Client pour une meilleure structuration des offres et services innovants que nous mettons sur le marché.
  • Le renforcement des acteurs de la microfinance par l’assistance technique mais aussi avec des programmes de formation sur mesure qui permettront de faire une meilleure analyse de la cible, une meilleure compréhension de leurs besoins
  • L’accroissement des opportunités d’obtention de ressources longues à faibles coûts avec l’appui des gouvernements, des institutions de développement, des fonds d’investissement mais aussi par le biais de partenariats stratégiques et de modèles de financement innovants. Nous l’avons expérimenté dans le cadre de notre partenariat avec l’USAID Entreprenariat et Investissement ce qui constitue un soutien fort nous permettant de soutenir nos ambitions de financement des femmes et des jeunes surtout en milieu rural.
  • L’accélération de la pénétration de l’infrastructure technologique qui est encore timide et/ou limitée. De nombreuses communautés n’ont pas encore accès aux services financiers de base, notamment aux services bancaires mobiles et aux paiements numériques, ce qui peut limiter leur capacité à participer au secteur financier formel. Pour relever ce défi, les IMF doivent investir dans des technologies innovantes et des plateformes numériques capables d’étendre leur portée et d’améliorer l’efficacité et l’accessibilité de leurs services.
  • L’amélioration de l’expérience client : beaucoup de clients se plaignent aujourd’hui de la lenteur du traitement de leurs requêtes au niveau des institutions financières. Cela passe nécessairement par la mise en place de process simples, clairs et rapides afin que les opportunités gagnées par nos clients ne soient pas freinées par une chaine de décision lourde et par forcément communiquée au client tout au long du processus

En relevant ces défis, la microfinance en Afrique pourrait exploiter son potentiel en tant que vecteur essentiel d’inclusion financière et construire un système financier plus inclusif et équitable qui profite à tous.

Les Institutions de microfinance ont désormais recours aux marchés internationaux des capitaux pour se financer, notamment par le biais des fonds d’investissements internationaux. Quel peut être l’impact d’une telle opportunité ?

L’accès aux marchés des capitaux internationaux offrent aux institutions de microfinance des opportunités de financement mais également leur permet d’élargir leurs portefeuilles de prêts et d’atteindre un plus grand nombre de clients, contribuant ainsi à la croissance économique. En outre, la disponibilité de financements via les marchés de capitaux internationaux aide dans la diversification des sources de financements des IMF et ce qui réduit la concentration sur le marché local. Également, cette ouverture profite aux clients dans la mesure où, au niveau des confrères, l’innovation serait de mise dans le développement de nouveaux produits et services innovants afin d’absorber ces lignes de financements.

Par ailleurs, cet accès aux marchés internationaux permet de jouer favorablement sur le coût des crédits que nous offrons à notre clientèle. Cette réduction des taux d’intérêt favorise une meilleure inclusion financière via un meilleur accès au crédit pour les PME et les particuliers même si cet impact relève des conditions spécifiques du marché et de l’environnement réglementaire dans lequel les institutions de Microfinance opèrent.

Un autre point très important également qui mériterait d’être souligné dans ces opportunités de financements c’est le renforcement de la gouvernance d’entreprise, la maitrise des risques et le niveau de contrôle interne. Ce sont des points auxquels les bailleurs de fonds accordent énormément d’importance et par ricochet renforcent la crédibilité de l’institution.

Le Mobile Banking continue de connaître, une percée grâce à l’innovation des opérateurs Télécoms. Comment percevez-vous ces nouveaux acteurs de l’inclusion financière ? Sont-ils de redoutables concurrents ou sont-ils vos alliés ?

Il existe un débat sur la question de savoir si les opérateurs de télécommunications sont des concurrents ou des alliés en matière d’inclusion financière. Les prestataires de services financiers traditionnels peuvent craindre l’arrivée des opérateurs mobiles dans la distribution de services financiers. Cependant, je fais partie de ceux qui pensent que les opérateurs de télécommunications sont des alliés essentiels dans la promotion de l’inclusion financière, car ils disposent des ressources et des infrastructures nécessaires pour atteindre des populations encore exclues du système classique. En s’associant avec des banques et d’autres institutions financières, les acteurs de télécommunications peuvent contribuer à élargir l’accès aux services financiers, stimulant ainsi la croissance économique et améliorant la vie de millions de personnes.

Afin d’assurer le succès des services financiers mobiles, nous allons devoir travailler ensemble pour convaincre les utilisateurs de la sécurité et de la fiabilité de ces services. En outre, les opérateurs de télécommunications devront continuer à innover et à améliorer leurs offres, afin de garder une longueur d’avance sur la concurrence et de répondre aux besoins changeants des clients. Les progrès réalisés par les services bancaires mobiles en termes d’inclusion financière sont considérables, et il est clair que les opérateurs de télécommunications continueront à jouer ce rôle essentiel.

Quelles sont les perspectives de MICROSEN dans les prochaines années ? Prévoyez-vous un développement dans la sous-région ?

Cela fait tout juste 1 an que Microsen a été rachetée par SF Capital et nous prévoyons une forte croissance de notre activité dans les 3 prochaines années notamment une expansion vers la sous-région. Sur l’année 2024 nous souhaitons consolider notre positionnement dans la méso finance sur le marché sénégalais et renforcer l’accompagnement des Groupements de femmes et le financement du monde rural.

Aujourd’hui l’impact commence à être visible sur l’économie sénégalaise. En Effet, en à peine 1 an, Microsen enregistre un résultat positif depuis sa création et nous enregistrons un total bilan de près de 10 Milliards, plus de 5 Milliards d’encours de crédit et ceci est soutenu par un réseau de 07 agences comparativement au mois  d’Août 2022 (Période du rachat) où le total bilan se chiffrait à peine à 800 Millions avec un encours de crédit de 500 Millions pour un réseau de 4 agences. Il faut également noter qu’après l’acquisition, nous avons porté le capital de 700 Millions à 2 200 Millions FCFA sans oublier le rebranding de toutes les agences de l’institution et la mise à disposition de moyens humains et financiers pour un alignement avec la nouvelle stratégie. Nous avons pour ambition d’être plus proche de nos clients avec l’ouverture de nouvelles agences garantissant une qualité de service remarquable. L’écoute client étant une valeur fondamentale à Microsen nous travaillons à mettre en place un dispositif d’assistance à la clientèle complète et proactive. La croissance que nous envisageons n’est pas seulement financière elle est aussi humaine : Nous voulons grandir avec des collaborateurs de talent, conscients de leur potentiel et prêts à écrire une nouvelle ère dans laquelle Microsen créera les champions de l’économie du Sénégal. Microsen en 2023 s’est fait remarquer par une variété de partenariats impactants et nous continueront dans cette dynamique gage de confiance et de crédibilité afin de continuer à répondre au besoin d’accompagnement de nos cibles prioritaires. Pamis ces cibles nous avons les femmes et les jeunes pour qui nous avons dédié une enveloppe spéciale pour l’année 2024. Pour rappel, nous avons lancé en Octobre 2023  à Kaolack, notre Desk dédié uniquement aux financements des Femmes. L’ouverture de 3 nouvelles agences (Point E, Touba et Kaolack) sur une même année témoigne de notre ambition à nous rapprocher d’avantage des clients pour apporter des solutions à leurs besoins.

On note ces dernières années au Sénégal, une présence plus forte des femmes dans le Top management des Banques et Etablissements financiers. Selon vous, à quoi cela est-il dû ? Pensez-vous qu’il s’agit d’un effet de mode ou d’une tendance de fond ?

A Microsen, nous avons la chance de faire partie d’un Groupe où la vision du Chairman est connue de tous : l’implication des femmes dans les instances de décision (women emporwerment). Mais pour répondre à votre question, je ne dirais pas que c’est un effet de mode mais je l’expliquerais de mon point de vue, par 2 fondamentaux qui sous-tendent une institution financière : la gestion du risque et la maitrise des charges pour une croissance durable.  Et aujourd’hui pour le premier point je dirais que les femmes savent bien le faire. Mais aussi, hormis le Sénégal, en Afrique maintenant, on remarque de plus en plus que les femmes ont des parcours académiques très inspirants et parfois même dans des domaines où historiquement on ne voyait que des hommes. Donc là je ferais plutôt appel aux talents et aux compétences avérés des Femmes mais également à leurs capacités d’innovation et d’organisation.
Tous ces facteurs combinés expliquent cette présence de plus en plus forte des femmes au niveau du Top management.

Et pour finir, il est important de noter que la diversité en termes de genre dans les postes de direction est bénéfique tant pour les entreprises que pour la société dans son ensemble. Les femmes apportent des perspectives différentes et une plus grande diversité de pensées, ce qui peut contribuer à une prise de décisions plus équilibrée. Je souhaite donc que cette tendance se poursuive.

Propos recueillis par A.C DIALLO – ©Magazine BUSINESS AFRICA

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