“Dans l’UEMOA, l’environnement de la titrisation a mûri” Adji Sokhna M’BAYE, D.G de BOAD Titrisation
BOAD Titrisation a été créée en 2011 avec pour mission principale d’être un moteur de développement de la titrisation dans les pays de l’UEMOA.
L’entité est agréée pour gérer les fonds communs de titrisation de créances (FCTC). Elle a également été la société de gestion du premier FCTC (Sukuk Côte d’Ivoire) agréé en 2014. Depuis sa création, BOAD Titrisation a contribué à près de 30% du volume total des opérations de titrisation réalisées en UEMOA. Entretien avec sa Directrice générale Mme Adji Sokhna M’BAYE.
Qu’est-ce que la titrisation ? En quoi consiste son mécanisme ?
La titrisation consiste à céder un portefeuille de créances (souvent bancaires) à un fonds (FCTC) qui émet des titres adossés à ces créances à des investisseurs, d’où le terme « titrisation ».
A l’échelle macro-économique, la titrisation permet un meilleur accès au financement pour l’ensemble des acteurs et participe du développement et de l’approfondissement des marchés financiers.
La titrisation offre une alternative aux crédits bancaires et aux financements obligataires, elle augmente les capacités des banques de continuer à financer l’économie par la libération de ressources permettant et elle stimule le développement des marchés financiers grâce à des volumes de titres accrus et une liquidité plus importante pour les investisseurs potentiels (institutionnels et internationaux).
Pourquoi, malgré tous les avantages, les entreprises africaines ne recourent à la titrisation que très faiblement ?
Existe-t-il des contraintes règlementaires ou psychologiques ?
Ne faut-il pas élargir la base d’actifs éligibles à la titrisation ?
La réglementation relative à la titrisation est récente et remonte au début des années 2010 dans l’UEMOA, comparée aux années 2000 au Maroc et 1970 aux Etats-Unis.
Après bientôt 10 ans d’existence, la titrisation s’est jusqu’ici peu développée dans la zone UEMOA avec une faible pénétration, notamment en raison d’un accès facilité aux modes de financement classiques.
Aujourd’hui, nous constatons une évolution favorable de la réglementation dans l’UEMOA et une sensibilisation accrue pour cette technique de financement, confirmée par un nombre de plus en plus important d’opérations réalisées.
La diversification tant au niveau des actifs éligibles que dans les modalités de structuration sont des conditions nécessaires pour la démocratisation de cet outil puissant.
On constate par ailleurs des partenariats forts entre SGI, société de gestion et instances réglementaires pour parvenir.
La titrisation demeure, malgré tout, une technique complexe et qui n’est pas sans danger. Quels sont les risques liés à une opération de titrisation et quelles sont les techniques utilisées pour en limiter les effets ?
Toute opération financière comporte un risque, l’important est savoir le mesurer correctement, notamment avec des données fiables et aussi complètes que possible, des outils de simulation robustes et ayant fait leurs preuves et enfin une vigilance et une rigueur opérationnelle tout au long de l’existence du fond.
Dans le cas spécifique d’une opération de titrisation, une fois que les risques sont bien mesurés, il existe différentes techniques de rehaussement de crédit pour limiter le risque de crédit sur les créances titrisés.
Le coût engagé pour une opération de titrisation peut paraître dissuasif, notamment en Afrique, ne faut-il pas des mesures d’incitations fiscales, par exemple, pour mieux promouvoir cette technique ?
Le coût engagé peut effectivement paraître dissuasif dans le cadre d’une opération singulière. Toutefois, de plus en plus de programmes se mettent en place afin d’amortir ces coûts sur plusieurs opérations.
De nombreux économistes avaient accusé la titrisation d’être à l’origine de la crise financière mondiale de 2007-2008, ne pensez-vous qu’une utilisation avec précaution de cette technique devrait être privilégiée, notamment en ces temps incertains ?
On ne peut nier le stigma qu’a causé la crise financière en 2008 et qui a appelé à améliorer le modèle de la titrisation, avec notamment une régulation beaucoup plus stricte mais également un processus plus rigoureux dans la mise en œuvre d’une opération. Aujourd’hui, en Europe et en particulier aux Etats-Unis, cet outil de refinancement est normalisé, avec un encours avoisinant les 1 600 milliards US Dollars au Etats-Unis à fin 2021.
Dans l’UEMOA, l’environnement de la titrisation a mûri et bénéficie aujourd’hui de facteurs porteurs en matière d’offre avec un potentiel de cédants croissant. Du côté de la demande, on note l’appétit grandissant des investisseurs pour ces actifs au couple risque/rendement intéressant.
Comment la titrisation est-elle régulée dans la zone UEMOA, les textes en vigueur sont-ils, à vos yeux, adaptés au contexte ?
La titrisation est régulée par le Conseil Régional de l’Epargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF) à travers le règlement N° 02/2010/CM/UEMOA relatif aux fonds communs de titrisation de créances et aux opérations de titrisation dans l’UEMOA.
Vous êtes à la tête de BOAD Titrisation depuis peu, quels sont les grands chantiers que vous souhaitez mener au cours de votre mandat ?
J’ai rejoint BOAD TITRISATION au début du mois d’Avril de cette année, et je constate avec enthousiasme le fort potentiel de cet outil dans la région. Nous avons pour ambition de nouveaux types d’opérations et d’élargir l’utilisation de cet outil dans tout l’UEMOA.
Propos recueillis par A.C. DIALLO
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