ENTREPRISE

« L’ambition du Restructuring n’est pas de déposséder le chef d’entreprise de ses prérogatives, mais de lui apporter les clés opérationnelles pour redresser rapidement sa performance » Baréma BOCOUM, Associé en charge des activités Restructuring & Turnaround Transformation chez KPMG France


Le Restructuring est un métier relativement nouveau en France et encore balbutiant en Afrique. Il consiste essentiellement à accompagner des entreprises en difficultés ou sous-performantes, dans le but de mettre sur pied un calendrier de sortie de crise, en proposant à la Direction une vision claire et objective de sa situation financière et les solutions pour éviter le pire.. Chez KPMG France, cette activité est le quotidien de Baréma BOCOUM, Associé au sein du Cabinet, et spécialiste en charge du « Restructuring », qui intégra le cabinet, il y’a de cela une vingtaine d’années.

D’origine malienne, M. BOCOUM a bénéficié d’une bourse d’excellence du gouvernement français afin de poursuivre ses études supérieures en France. Après une prépa HEC, il est admis à l’EDHEC et effectue un Master en Finance de marché en Angleterre avant de rejoindre KPMG en tant que junior. Il débute sa carrière professionnelle dans le département Audit où il passe quelques années, avant de poursuivre sa carrière à Londres. C’est là qu’il découvre les rudiments du « Restructuring », il en fera son métier. En 2008, alors que la crise financière bat son plein, il retourne en France et participe à la construction d’une équipe dédiée à la sous-performance des entreprises De5 personnes, l’équipe Restructuring de KPMG France compte aujourd’hui plus de 120 collaborateurs rassemblés par une passion unique, celle d’apporter des solutions concrètes aux entreprises.

Dans l’interview qu’il a bien voulu accorder au Magazine BUSINESS AFRICA, Baréma BOCOUM présente les contours de cette activité clé en période de crise, et explique en quoi cet accompagnement peut être, pour les entreprises en grande difficulté, une véritable bouée de sauvetage.  INTERVIEW


En quoi consiste le métier de « Restructuring » ?  Qu’englobe ce terme ?

Notre métier est d’accompagner les entreprises en difficultés financières. Nous accompagnons non seulement les entreprises mais également toutes les parties prenantes autour, c’est-à-dire les créanciers, les actionnaires, les salariés…l’idée étant toujours de poser les bons diagnostics, et d’activer ensuite les bons leviers pour redresser la situation. Si notre cœur de métier est la restructuration financière, nous intervenons aussi tout ce qui est reprise d’entreprise, autour de la restructuration opérationnelle et sociale des acteurs économiques. Enfin nous intervenons dans la mise en place de solutions de trésorerie, par exemple des solutions de financement de bas de bilan ou de financement de plus long terme.

C’est effectivement une activité qui englobe un large spectre d’activités. Quelles formations conduisent à ce métier ?

La meilleure formation est celle de terrain. Nous recrutons souvent des profils école de commerce ou des BAC +5 spécialisés en Finance, que nous formons sur des missions dans un environnement très exigeant.

Comment en vient-on à une procédure de restructuration ? Quelles sont ces difficultés qui contraignent les entreprises à recourir à vos services ?

De mon expérience personnelle, plusieurs facteurs peuvent amener une entreprise vers des difficultés.
La première cause c’est souvent le marché. Comment fait-on quand il y a plus de marché alors qu’on a des structures de coûts fixes et de la dette ?
La deuxième cause qui revient fréquemment, c’est l’accident industriel. C’est, par exemple, une unité industrielle qui connaît un retard à l’allumage alors qu’il y a un gros investissement qui a été fait. L’entreprise court après le temps pour essayer de rattraper le coup.
La troisième cause a trait à des problématiques managériales. Un dirigeant qui n’arrive pas à mettre en œuvre sa stratégie, ou qui n’arrive pas à prendre les tournants stratégiques nécessaires.  Cela arrive souvent dans le cadre de transactions, lorsqu’une entreprise a acquis d’autres sociétés pour lesquelles l’intégration est difficile.  
Une quatrième raison peut arriver lorsqu’une entreprise se trouve à un niveau de la chaîne de valeur où elle n’a que peu de poids face à ses fournisseurs, et n’est pas maîtresse des hausses de prix par exemple : ses marges se restreignent alors progressivement jusqu’à la rupture. La dernière cause est une problématique de trésorerie, due à une discontinuité entre le financement qui est mis en place et le cash flow.

Devant ces différents facteurs notre première action est toujours de bien distinguer si la difficulté est d’ordre structurelle ou conjoncturelle. Ensuite nous déterminons combien de temps nous avons pour restructurer l’entreprise pour cela nous nous referons essentiellement au cash dont elle dispose.

Concrètement, comment se passe la procédure de Restructuring ? Est-ce qu’au niveau managérial vous prenez tous les leviers, ou s’agit-il plutôt d’accompagner de manière souple ?

Cela dépend bien sûr des situations, il y a autant de situations que d’accompagnements. D’une manière générale, chez KPMG nous n’aimons pas évincer le management de l’entreprise car le but n’est pas de déposséder le chef d’entreprise de ses prérogatives mais plutôt de l’accompagner au plus près de ses besoins et e de l’épauler pour sortir l’entreprise de la situation dans laquelle elle se trouve.
Il peut nous arriver de positionner un manager de transition pour faciliter le pilotage opérationnel : les opérations de restructuration sont très chronophages.

Combien de temps prend, en moyenne, une procédure de restructuration d’entreprise ?

C’est extrêmement variable. Tout dépend de la complexité des difficultés mais aussi de la taille de l’entreprise. Nos missions peuvent aller de 2 ou 3 semaines à 2 voire 3 années. Si la cause est financière cela peut aller vite mais si elle est opérationnelle cela prend plus de temps.

Quelles peuvent être les contraintes ou obstacles qui rendent une mission de Restructuring disons compliquée ?

Ce sont des situations où il n’y a pas de management du tout. C’est rare mais cela arrive. L’autre cas c’est lorsque la situation de l’entreprise est irrémédiablement compromise. Dans le contexte de cette crise sanitaire, nous rencontrons des entreprises en très grande difficulté et pour lesquelles les solutions sont difficiles à trouver.

Le Restructuring est-il une activité réglementée ? Vos procédures obéissent-elles à des textes spécifiques ?

Oui c’est assez encadré, par deux procédures à distinguer : la procédure amiable et la procédure judiciaire.
Dans la procédure amiable, on essaie de trouver une solution négociée pour stabiliser l’entreprise.
Mais lorsqu’elle n’arrive pas à respecter ses engagements et qu’elle est en cessation de paiement, c’est la responsabilité du mandataire social de déposer le bilan. Démarre alors la phase judiciaire, et les tribunaux de commerce prennent le relais. Cette phase peut dans certains cas être salvatrice pour l’entreprise et lui éviter la liquidation.

Comment évolue l’activité de Restructuring ? On suppose qu’elle est en pleine croissance compte tenu du contexte de crise sanitaire et ses conséquences sur le tissu économique.

Aujourd’hui, les défaillances des entreprises en France ont été divisées par deux grâce aux mesures de soutien proposées par les Etats pour sauver les entreprises durant cette crise sanitaire.
Ce filet de sécurité ne va pas durer,  et les entreprises devront à nouveau financer leurs fonds de roulement. C’est à ce moment que les réels problèmes vont se poser.
Contrairement à la crise 2008-2009 qui était déjà assez violente mais qui était d’ordre financier, on estime que la crise qui arrive sera beaucoup plus violente. Beaucoup d’entreprises « zombies » vont apparaître et les professionnels du Restructuring sont déjà pleinement mobilisés.

L’activité de Restructuring est-elle développée en Afrique ?

Elle n’est pas encore organisée et encadrée en Afrique comme elle peut l’être en France. En revanche il est clair qu’il y a des besoins importants, notamment dans la partie gestion de la trésorerie et plus généralement toutes les problématiques liées au cash dans les entreprises en pleine croissance.
En Afrique on constate un manque d’alignement entre la structure de financement, souvent assez courte, de 10 à 15 ans, et les investissements qui sont structurellement longs, amortis sur 30 voire 50 ans, et ceci sur un marché où le chiffre d’affaire croit de manière exponentielle.
Les outils du Restructuring se révèlent dans ce type de schéma, particulièrement pertinents sur le marché Africain.

Propos recueillis par A.S. Touré

© Magazine BUSINESS AFRICA – Juillet 2021

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