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Achille SARR, Africa Director – APL DATA CENTER : «La souveraineté numérique est un enjeu central en matière de stockage de données»

L’Afrique subsaharienne a pris un peu de retard dans la mise place de data centers. Le retard est-il en train d’être comblé ?

Avec l’augmentation rapide de la connectivité internet et l’utilisation croissante des smartphones, la demande en infrastructures numériques comme les centres de données s’accélère en Afrique subsaharienne. Des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Kenya, l’Afrique du Sud et le Ghana sont devenus des pôles de développement pour les data centers, répondant à une demande croissante de services de cloud, de streaming, d’e-commerce et de fintech.
Les investissements dans les data centers ont considérablement augmenté ces dernières années.
Selon Intelligent CIO, le marché africain des data centers devrait attirer 5 milliards de dollars d’investissements d’ici 2026. Les progrès dans les infrastructures de connectivité, tels que le déploiement de câbles sous-marins à fibre optique, ont également joué un rôle crucial dans le développement des data centers en Afrique subsaharienne.
Les gouvernements de la région commencent également à reconnaître l’importance des data centers pour la transformation numérique.
Par exemple, des initiatives pour favoriser le développement des infrastructures numériques, améliorer l’accès à l’énergie et offrir des incitations fiscales aux opérateurs de data centers sont en cours de déploiement dans plusieurs pays.

En dehors de l’existence de données, quels sont les autres préalables indispensables à la création d’un data center ?

Tout d’abord, l’accès à une énergie stable et fiable est primordial, car les datacenters peuvent être amenés à consommer des quantités importantes d’électricité, à la fois pour le fonctionnement des serveurs et pour le refroidissement des infrastructures. Ensuite, il faut pouvoir garantir une connectivité internet à haut débit pour préserver la fluidité des échanges de données entre le data center et ses utilisateurs.
Une fois le data center conçu, il est impératif d’assurer une exploitation pérenne de l’infrastructure.
Cela passe notamment par l’accès à des compétences humaines qualifiées pour la gestion technique, ainsi que pour la mise en place de plans de maintenance et de croissance évolutifs. L’exploitation d’un data center doit également reposer sur des mesures de sécurité comme la surveillance, les contrôles d’accès, et la protection contre les catastrophes naturelles.
Enfin, tout cela doit s’inscrire dans un environnement réglementaire favorable qui intègre des lois sur la protection des données et des incitations fiscales.
Ce sont aujourd’hui des facteurs indispensables pour le bon développement de l’industrie en Afrique.

Selon vous, quels sont les grands enjeux liés à la mise en place de data centers en Afrique ?

Aujourd’hui, dans de nombreux pays, les infrastructures énergétiques sont encore fragiles, ce qui rend l’approvisionnement instable. Il faut donc envisager des solutions énergétiques alternatives comme le recours à l’énergie solaire ou à d’autres sources renouvelables.
Le deuxième enjeu est la connectivité : bien que l’Afrique ait fait des progrès en termes d’accès à internet, certains pays manquent encore de réseaux à haut débit fiables, ce qui peut limiter l’efficacité des data centers.
Enfin, le cadre réglementaire pose des défis, notamment en matière de protection des données, de cybercriminalité, et de conformité avec les lois locales et internationales. Surmonter ces obstacles est essentiel pour que les data centers puissent soutenir le développement numérique du continent.

Pensez-vous que la règlementation en la matière dans les pays africains, favorise la création de data centers ?

La réglementation varie d’un pays à l’autre en Afrique, mais certains pays commencent à adopter des lois favorables pour attirer les investisseurs dans le secteur des data centers. Par exemple, le Nigeria et le Kenya ont mis en place des lois sur la protection des données qui favorisent la confiance des entreprises internationales. Cependant, dans d’autres régions, la réglementation est encore en développement et pourrait bénéficier de davantage de soutien pour encourager l’implantation de ces infrastructures.

L’accès à l’énergie est, comme vous l’avez souligné, un défi majeur dans de nombreux pays africains, toutefois les data centers nécessitent de l’énergie pour se refroidir. Comment faire ?

Face aux défis énergétiques, plusieurs stratégies peuvent être adoptées :
•Les énergies renouvelables : Intégrer l’énergie solaire ou éolienne pour pallier les pannes d’électricité et réduire la dépendance aux réseaux énergétiques instables.
•L’efficacité énergétique : Améliorer l’efficacité des systèmes de refroidissement en adoptant des techniques comme le refroidissement liquide ou par air libre, ce qui réduit la consommation d’énergie.
•Les partenariats publics-privés : Collaborer avec les gouvernements et les fournisseurs d’énergie pour améliorer la stabilité du réseau électrique et promouvoir des infrastructures énergétiques durable
Chez APL Data Center, la problématique énergétique est un sujet central dans nos discussions avec nos clients. Nous avons à cœur de leur offrir des solutions qui soient les plus efficientes possibles et qui tiennent compte les contraintes environnementales, règlementaires, et financières auxquelles les entreprises font face.

Vous dirigez les activités de APL Data Center en Afrique. Quelles sont ses offres et comment jugez-vous l’appétence des organisations africaines pour les solutions de stockage de données numériques ?

Chez APL Data Center, nous répondons aux exigences du leadership africain quant à la conception et réalisation des projets datacenter sur le continent.
Avec une population relativement jeune (75% des habitants ont moins de 35 ans), l’Afrique est un continent de plus en plus connecté (environ 60 câbles sous-marins) d’où la nécessité de construire ses propres infrastructures pour héberger ses données. Cet impératif fait écho à la question cruciale de la souveraineté numérique, qui est aujourd’hui un enjeu central pour les organisations africaines en matière de stockage des données.

Quelles sont vos perspectives sur le continent africain et quel est votre avantage comparatif par rapport à la concurrence ?

Les perspectives d’APL sur le continent africain sont en ambitieuses, avec un turnover avoisinant les 7 millions d’euros en 2023. Nous continuons de nous développer avec des projets de maîtrise d’œuvre, de formation et d’accompagnement en certification data center en cours à Djibouti, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en Ouganda, au Maroc, en République du Congo pour ne citer que ces pays.
J’ai la conviction que l’avantage d’APL Data Center réside dans raison d’être.
Depuis notre création il y a plus de 40 ans, nous avons toujours eu à cœur de minimiser l’impact des data centers sur leur environnement et de contribuer à une économie numérique responsable.
Cette mission, nous l’avons nommée : « Organic Design ». Elle consiste à créer pour nos clients des data centers en symbiose avec l’environnement. Avec cette approche, nous nous engageons à accompagner nos clients dans toutes les étapes du cycle de vie de leurs infrastructures, de la conception à l’exploitation, avec le souci constant de garantir des data centers sûrs, performants, évolutifs et responsables. Chez APL Data Center, nous répondons aux exigences du leadership africain en prenant en compte la réduction des émissions carbone dans la conception et réalisation des projets data center sur le continent.

Propos recueillis par A.C. DIALLO – ©Magazine BUSINESS AFRICA

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