La Banque Outarde: Près de 300 Milliards FCFA de crédits à l’économie sénégalaise.
Diplômé en économie et en finances de Sciences Po et de l’École Supérieure de Commerce de Paris, Olivier SANTI démarre sa carrière dans une banque américaine puis dans le trading, avant de passer dix années chez BNP Paribas à Genève sur les marchés d’Afrique et du Moyen-Orient. Dans le cadre de ses responsabilités à BNP Paribas, il rencontre M. Abdoulaye Diao qui cherchait à créer une banque au Sénégal et qui lui propose de prendre en main cet ambitieux projet. Quel bilan tirer après cinq années d’activités et comment la Banque Outarde se démarque t-elle, dans un environnement bancaire marqué par une forte concurrence. Entretien avec son directeur général.
Pouvez-vous nous expliquer l’opportunité de la création de la Banque Outarde, sa spécificité et son positionnement sur la place financière dakaroise ?
Ingénieur centralien, spécialisé dans le domaine pétrolier, chef d’entreprises reconnu dans le monde l’énergie, M.Diao voulait ouvrir une banque privée sénégalaise pour aider les entrepreneurs de son pays. La Banque Outarde, du nom de l’oiseau qui est synonyme de prospérité et d’indépendance, est née le 25 Janvier 2017, jour de l’obtention de l’agrément de la Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest. Elle a ouvert ses portes au public le 22 Janvier 2018. La spécificité de La Banque Outarde, ou LBO, est d’être une banque locale et d’agir en fonction de cet ADN de banque sénégalaise et à taille humaine. Nous voulons, par nos services, contribuer à l’envol des entreprises et des entrepreneurs sénégalais. Même si elle compte des actionnaires institutionnels sous-régionaux comme la Banque Ouest Africaine de Développement, son capital est sénégalais, sa direction est au Sénégal, ses prises de décisions se font au Sénégal, son staff est sénégalais, ses crédits s’orientent en direction des entreprises et des privés sénégalais.
Comment se porte la Banque Outarde aujourd’hui, après 5 années d’activités ? A t-elle trouvé son équilibre financier ?
Après 5 années d’activité, dans un contexte économique chahuté, marqué par une concurrence forte sur la place de Dakar, LBO gagne de l’argent. Avec un capital de FCFA 17.7 Milliards et plus de FCFA 60 Milliards de total bilan, la banque a trouvé son équilibre financier et sa place dans le paysage bancaire sénégalais. Avec l’aide précieuse du Président du Conseil d’Administration, les orientations éclairées des membres du Conseil d’Administration et le dévouement sans faille de son personnel, notre banque s’est développée harmonieusement, sans maison mère, ni aide extérieure. Le parcours accompli est d’autant plus louable, qu’il a fallu tout construire et partir de zéro. Ainsi, la banque, grâce à sa qualité de service qui allie conseil personnalisé et gouvernance locale a su développer une clientèle diversifiée et fidèle, des produits bancaires et des services digitaux adaptés à son marché, des opérations fiables à des tarifs compétitifs, des correspondants bancaires locaux et étrangers qui la soutiennent, des procédures et un reporting crédibles, un système informatique de dernière génération, une organisation resserrée, etc. Le chemin parcouru, grâce à la mobilisation de tous, permet aujourd’hui de regarder l’avenir avec sérénité.
Les banques sont en première ligne dans le financement de l’économie, comment la Banque Outarde joue t-elle sa partition. Existe t-il des secteurs spécifiques que vous financez prioritairement ?
LBO s’est positionnée sur le segment des entreprises locales, notamment les entreprises de taille intermédiaire actives dans l’énergie, l’agro-industrie, le commerce international et la santé notamment. De même LBO s’est positionnée sur le secteur des particuliers en ciblant d’abord la clientèle des chefs d’entreprises. Un seul chiffre permet de comprendre l’engagement de notre banque à accompagner les entreprises et les entrepreneurs : depuis son installation, la banque a réalisé près de FCFA 300 Milliards de crédits à l’économie sénégalaise.
La bancarisation demeure un des défis majeurs du secteur financier africain ? Comment, selon vous, l’Afrique peut-elle améliorer le taux de bancarisation de ses populations ?
Le défi que rencontre l’Afrique dans la bancarisation de ses populations est un challenge majeur. Le secteur bancaire et financier, actif et performant, s’intègre de plus en plus aux populations par le biais du mobile et par la dématérialisation accrue des transactions financières, surtout dans les paiements, bientôt dans l’épargne et le crédit. Le principal frein au développement à la bancarisation me semble surtout à chercher du côté de la prégnance du secteur informel, mais ce n’est pas le seul obstacle.
Ne pensez-vous pas que le développement des Fintech en Afrique, va pousser les banques traditionnelles à revoir leur modèle économique, voire redéfinir leur rôle ?
La banque entièrement mobile a fait son apparition dans les pays occidentaux sans pourtant s’imposer largement au secteur bancaire traditionnel. Les banques restent incontournables pour le financement de l’économie. Certes, les banques occidentales ferment de plus en plus d’agences et multiplient les services bancaires digitaux. La Covid a poussé à une dématérialisation accrue en incitant les particuliers à utiliser leur carte bancaire en lieu et place des espèces, et ce même pour de très petits montants, comme pour acheter son pain. Par conséquent, les banques africaines s’adaptent au développement des Fintech en développant et en améliorant constamment leur offre de produits et services sur internet, surtout à partir du téléphone mobile ; ce que fait LBO également avec une offre digitale très complète et une plateforme Outarde Connect de dernière génération.
Après des années de Covid-19, aujourd’hui le conflit russo-ukrainien et ses conséquences inflationnistes, mais aussi les crises sécuritaires dans certains pays, le secteur bancaire africain, et plus spécifiquement sénégalais peut-il encore faire preuve de résilience ?
La Covid a permis aux banques sénégalaises et plus largement ouest africain de s’adapter à des crises majeures et de faire preuve de beaucoup de résilience. Le Superviseur et la Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest ont joué un rôle majeur d’ancrage et de boussole dans cet environnement international de poly-crises. Ainsi, la solidité et les fonds propres des banques ont augmenté, le taux des crédits non performants ont diminué, les infrastructures, les personnels et la gouvernance se sont grandement professionnalisés, si bien que d’autres banques cherchent à prendre place dans la zone UEMOA ; signe que l’Afrique, en particulier l’Afrique de l’Ouest, attire énormément et qu’elle représente le continent de tous les possibles, au potentiel de développement le plus élevé.
Pour revenir à la Banque Outarde, quelles sont ses perspectives pour les dix prochaines années ?
La Banque Outarde a la chance et la grande opportunité de se trouver sur un marché porteur et en pleine croissance, le Sénégal étant le pays africain ou le taux de croissance sera l’un des plus élevés en 2023 et dans les années à venir. La banque, qui a maintenant pris son envol, doit assurer son futur avec détermination, en développant, entre autres, son réseau d’agences bancaires sur le territoire sénégalais, en faisant mieux connaitre ses produits et ses services, notamment ceux à destination de la clientèle des particuliers, et en se positionnant plus vigoureusement sur les secteurs phares de son plan stratégique.
LBO a pour objectif pour les années à venir de :
– Se positionner comme un acteur majeur du secteur de l’énergie, à la lumière des découvertes de pétrole et de gaz au Sénégal ;
– D’être une banque commerciale à impact social et environnemental durable, utile aux populations locales et aux entrepreneurs en particulier, surtout ceux qui contribuent à l’essor des secteurs stratégiques de l’économie, comme l’énergie, la santé, l’agriculture, l’industrie ;
– Développer encore plus les instruments digitaux permettant une dématérialisation des produits et services bancaires pour faire de La Banque Outarde une référence sur la banque commerciale et la banque digitale.
Propos recueillis par A.C. DIALLO – ©Magazine BUSINESS AFRICA