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Droit des Affaires – L’irrésistible ascension du Cabinet CHAZAI & PARTNERS

Il y a tout juste trois ans, un nouveau cabinet d’avocats d’affaires ouvrait ses portes à Douala au Cameroun. Un pari risqué au vu du contexte économique et sécuritaire qui prévalait. Pari si bien gagné cependant, que CHAZAI & PARTNERS, après avoir renforcé son équipe, s’apprête à étendre son expertise dans toute la zone CEMAC. Pour comprendre cette fulgurante ascension, le Magazine BUSINESS AFRICA s’est entretenu avec Aurélie CHAZAI, associée gérante et co-fondatrice du Cabinet. Me CHAZAI est Avocate aux Barreaux du Cameroun et de Paris, sa pratique est axée sur les opérations de fusions-acquisitions, private equity, marchés de capitaux, financement bancaire, financement de projets, contrats commerciaux, restructurations d’entreprises et transactions immobilières. Elle intervient notamment sur les aspects corporate et financier de nombreuses transactions en Europe et en Afrique (notamment dans des pays membres de l’OHADA). Avant de co-fonder en 2017 avec deux co-associés, le cabinet CHAZAI & PARTNERS, basé à Douala (Cameroun) et Paris (France), Me CHAZAI a été collaboratrice au sein du bureau parisien du cabinet anglais Ashurst LLP avant de rejoindre en 2014 le bureau parisien du cabinet américain Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP. Elle a également travaillé au sein des cabinets d’avocats Willkie Farr & Gallagher LLP, Herbert Smith Freehills LLP, Linklaters LLP, CMS Bureau Francis Lefebvre et Ernst & Young à Paris, ainsi qu’au sein du département droit boursier et financier de la société de gestion d’actifs AXA Investment Managers. INTERVIEW.

Quel jugement portez-vous sur l’évolution du climat des affaires au Cameroun, pays où vous avez décidé d’ouvrir un cabinet depuis maintenant 3 ans ?

Je voudrais d’abord préciser que nous sommes dans un contexte particulier, puisqu’en 2020 la pandémie du Covid-19 a sévèrement frappé les économies de nombreux pays africains, dont le Cameroun. Parler de l’évolution du climat des affaires au Cameroun suppose d’une part de présenter la situation qui prévalait en 2020 et d’autre part d’évoquer les aménagements qui ont été mis en place notamment au travers de la nouvelle loi de finances 2021. Il est vrai que depuis toujours existent au Cameroun, des contraintes qui ont longtemps rendu assez délétère son climat des affaires. Dans les différents classements comme le « Doing Business », il était question de fortes pressions fiscales, de lourdeurs administratives, de faible développement des infrastructures énergétiques ou de communication, etc. A ces contraintes, il faut ajouter la persistance de la crise sécuritaire dans le Nord-Ouest du pays.

Toujours à ce sujet, le rapport 2020 de l’Union Européenne sur les investissements européens au Cameroun a prescrit cinq « bonnes pratiques » qui pourraient améliorer le climat des affaires et il s’agit notamment de (i) faciliter l’accès au financement, (ii) la simplification et la numérisation des procédures administratives, (iii) la prolongation du délai de paiement de l’impôt et le raccourcissement du délai de remboursement de la TVA, (iv) la favorisation de l’arbitrage et de la médiation commerciale comme mode de résolution des litiges et (v) la dématérialisation des appels d’offres afin de promouvoir la transparence.

Ainsi, nous pouvons relever que suite à ces constats, confirmés par les prescriptions de l’Union Européenne, l’Etat camerounais s’emploie depuis un moment à assainir son environnement économique. Des réformes structurelles concernant l’investissement ont été prises, notamment pour faciliter la création d’entreprises avec, par exemple, la vulgarisation des Centres de Formalités et de Création des Entreprises (CFCE) et la réduction du capital social minimum des Société à Responsabilité limitée (SARL). Il y a eu également des réformes concernant la dématérialisation de certaines procédures administratives à travers l’instauration de la télédéclaration et la consécration du télépaiement pour les contribuables relevant de la Direction des Grandes Entreprises.

Enfin les deux dernières lois de finances, en l’occurrence celles de 2020 et 2021, ont mis en place plusieurs mesures destinées à diminuer la pression fiscale à l’égard des entreprises. Nous pouvons évoquer entre autres la réduction du taux de l’impôt sur les sociétés pour les Petites et Moyennes Entreprises (PME) à savoir celles qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 3 milliards de Francs CFA.  Je peux donc affirmer qu’il y a une note d’espoir pour la suite.

D’une manière générale, comment la mission de l’avocat d’affaires est-elle perçue par les acteurs économiques, notamment dans ce contexte difficile ? Ont-ils recours à vos services, naturellement ?

Il est vrai que beaucoup d’opérateurs économiques n’avaient pas systématiquement recours à un avocat pour la structuration de leurs affaires. On ne faisait appel à un avocat qu’en cas de contentieux. Il nous a donc fallu faire preuve de pédagogie et expliquer qu’avoir un avocat d’affaires à ses côtés en amont de la structuration d’un deal représente certes un coût mais cela permet d’éviter bien des désagréments par la suite. La pandémie de Covid-19 et les challenges économiques qui en ont découlé ont augmenté les réflexes de consultation dans les cabinets d’avocats.

En outre, aujourd’hui les entreprises camerounaises ont de plus en plus besoin de structuration dans la mesure où le Cameroun n’est pas un pays isolé du reste du monde et ces entreprises sont ou ont besoin d’être en relation d’affaires avec les autres pays. Ainsi, ces entreprises ont besoin d’avoir un certain formalisme, être structurées d’une certaine manière et c’est à ce niveau que nous intervenons en amont des litiges, sur le volet conseil, en aidant ces entreprises à avoir une structuration qui leur ouvre les portes de l’international.

L’accord sur la zone de libre échange commercial africaine (Zlecaf) est entré en vigueur le 1er janvier 2021. En tant que conseil des entreprises, quels sentiments ont-elles sur cette nouvelle disposition, censée développer le commerce intra-africain ?

Nous sommes en effet sollicités par nos clients pour en savoir plus sur les implications juridiques de la Zlecaf. Il s’agit notamment d’entreprises qui ont des projets d’expansion régionale ou continentale. Ces entreprises veulent comprendre les méandres des réglementations, qu’est-ce qui leur serait applicable, à quoi devraient-elles se conformer, comment pourraient-elles exporter sur des pays cibles, etc.

Il s’agit en fait de questions précises nécessitant des réponses concrètes.

Nous leur proposons de mettre en place une stratégie juridique leur permettant de tirer parti des opportunités de la Zlecaf. Cette stratégie rejoint la structuration évoquée au point précédent à savoir celle qui permet d’arrimer les entreprises aux standards internationaux. Le but étant de rendre ces entreprises compétitives dans un marché qui s’en va être continental avec la libre circulation des personnes, des capitaux des marchandises et des services.

Pour rappel, l’objectif principal poursuivi par l’accord est l’intégration économique du continent avec la libéralisation progressive des barrières tarifaires et non tarifaires au commerce des marchandises, ainsi que la coopération en matière d’investissement.  

Quelques mots sur l’Ohada, qui fête cette année son 28e anniversaire. Selon vous, cet instrument a-t-il besoin d’un toilettage ? Faut-il reformer certaines dispositions des actes uniformes ?

Avant d’envisager un toilettage, il convient de reconnaitre les effets positifs de l’OHADA. En effet, l’OHADA c’est aujourd’hui dix actes uniformes couvrant les aspects majeurs du droit des affaires. En un peu plus de deux décennies, ces actes uniformes ont contribué à instaurer un climat des affaires stable basé sur la prévisibilité des règles juridiques applicables. Egalement durant cette période, plusieurs actes uniformes ont été révisés pour ainsi dire qu’il y a toujours lieu d’apporter des améliorations. A cet effet, l’acte uniforme portant sur les sociétés commerciales et les groupements d’intérêt économique qui avait déjà fait l’objet d’une réforme en 2014 pourrait être réformé de nouveau pour le rendre plus pratique mais surtout plus axé sur les technologies numériques qui occupent désormais une place prépondérante dans le monde des affaires.

Par ailleurs, on va souhaiter que l’avant-projet d’acte uniforme relatif au droit des contrats soit adopté mais également qu’il y ait une meilleure disponibilité de la jurisprudence, son absence a de l’impact sur notre pratique quotidienne car cela nous contraint à raisonner en droit comparé pour conseiller nos clients sur des cas qui ne sont pas légiférés en droit Ohada.

Vous avez créé il y a trois ans le Cabinet CHAZAI & PARTNERS, quelles sont ses perspectives de développement ?

Nous avons effectivement fondé le Cabinet il y a trois ans à Douala avec mes deux co-associées, Me Flora WAMBA et Me Sarada NYA, toutes deux également avocates aux Barreaux du Cameroun et de Paris. Nous avons accueilli un 4ème associé en 2019, Me Emmanuel MASSODA, avocat au Barreau du Cameroun, afin de développer notre département contentieux et arbitrage.

Après l’ouverture d’un bureau à Paris en 2018, nous venons d’ouvrir une présence au Gabon en partenariat avec un confrère gabonais. Nous disposons donc actuellement d’une équipe de 20 avocats et juristes répartis dans nos trois localités.

Cette année, nous allons continuer à développer notre présence dans la sous-région afin de proposer à nos clients un accompagnement le plus intégré possible et une qualité de service conforme aux standards internationaux.

Propos recueillis par A.S. TOURE

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