La microfinance est, aujourd’hui, reconnue comme un des instruments privilégiés d’inclusion financière, par sa capacité à contribuer au développement économique et à la réduction de la pauvreté. Le Groupe BAOBAB participe à cet effort, en aidant les personnes n’ayant pas accès au financement bancaire de disposer d’un crédit.
Quelle est la spécificité de son approche et quelles sont ses perspectives dans un environnement devenu très concurrentiel ? Entretien avec M. Ruben DIEUDONNÉ, Directeur Général de Baobab Côte d’Ivoire et Directeur Régional Zone UEMOA.
Quelle appréciation générale portez-vous sur l’évolution du secteur de la microfinance sur le continent africain ?
Le développement de la microfinance en Afrique a connu une percée relativement forte ces 20 dernières années.
Après les difficultés enregistrées dans le secteur de la microfinance vers la fin des années 90, et à la suite de la crise financière globale de 2008, les activités des Institutions de Microfinance (IMFs) sur le continent africain, notamment en Afrique subsaharienne, ont fortement progressé tant en termes de portée (augmentation du nombre de clients, de guichets, de l’encours de crédit et de dépôts) que d’innovations (développement de nouveaux produits, de nouveaux canaux, partenariats et digitalisation des offres).
Cet essor a contribué notablement à l’amélioration de l’inclusion financière sur les marchés africains. Sur cette période, les performances financières des IMFs et particulièrement les indicateurs du risque, se sont fortement améliorés, ceci malgré une perturbation ponctuelle en 2020/2021 liée aux répercussions de la pandémie Covid 19 et de la guerre en Ukraine, etc… Le secteur des IMF a su jusque-là résister et continuer sa croissance en prouvant si besoin en était sa grande résilience.
Dans cette dynamique, le groupe Baobab, leader de la microfinance dans la zone UEMOA, a enregistré de bonnes performances notamment au Mali et au Burkina ces dernières années malgré les récentes crises politiques et sécuritaires que ces pays traversent.
Ainsi, la microfinance a su trouver sa place dans le secteur financier en Afrique, et est en train de jouer pleinement son rôle de catalyseur de l’inclusion financière.
Peut-on raisonnablement estimer que les dérives relevées lors des premières années des IMF en Afrique, n’ont plus cours ?
Je parlerais plutôt de problématiques inhérentes au secteur que de dérives.
En effet, les IMFs sont assez souvent confrontées à des problèmes de gouvernance et des problématiques de gestion de risques, notamment le risque crédit.
Ces problématiques pourraient s’expliquer d’une part par la vulnérabilité de sa clientèle adressée ainsi que le développement relativement récent du secteur (moins de 50 ans d’existence). Fort heureusement, il est observé depuis quelque temps une professionnalisation du secteur, résultat d’un ensemble de mesures salutaires prises par les autorités de supervision.
En conséquence, on constate l’amélioration des performances de certaines IMFs, notamment dans la zone UEMOA.
Les performances opérationnelles et financières des filiales du groupe Baobab dans cette région (Burkina, Côte d’Ivoire, Mali et Sénégal) le confirment avec d’excellents ratios de gestion, une bonne maîtrise du risque, une structure de contrôle et de gouvernance reconnue et appréciée sur le marché.
En définitive, la microfinance en Afrique joue aujourd’hui pleinement son rôle d’accélérateur de l’inclusion financière en proposant des services financiers adaptés à des populations vulnérables qui n’y avaient pas accès.
Quelles sont selon vous, les mesures à prendre pour que ce secteur puisse pleinement jouer sa partition dans un objectif d’inclusion financière ?
Une amélioration du cadre réglementaire (dans la continuité de ce qui se fait déjà) pourrait être bénéfique dans le but de permettre aux institutions de microfinance d’être plus performantes.
Certains gouvernements/pouvoirs publics africains ont accompagné le développement du secteur via des incitations fiscales, c’est le cas notamment de la Côte d’Ivoire.
Le secteur a besoin du soutien continu des pouvoirs publics dans la mesure où les clients desservis constituent un catalyseur important de croissance et de développement économique de nos populations.
Toutefois, il y a encore des marges d’amélioration dans d’autres pays notamment en termes d’encadrement / formation du personnel, d’allègements de process et d’une fiscalité moins agressive.
Des problèmes de gouvernance subsistent encore chez certaines IMFs, notamment au sein des entités mutualistes.
Il est important de signaler le projet salutaire d’amélioration de la gouvernance, en cours et piloté par la Banque Centrale des États Africains en Afrique de l’Ouest.
En résumé, il s’avère important d’avoir un cadre légal et fiscal approprié pour le secteur de la microfinance qui, soit dit en passant, dessert une clientèle fragile nécessitant ainsi des mécanismes spéciaux de gestion et de recouvrement des prêts.
Les IMF ont désormais recours aux marchés internationaux des capitaux pour se financer, notamment par le biais des fonds d’investissements internationaux. Comment cette opportunité a-t-elle influé sur la performance sociale des IMF ?
Certaines DFI et bailleurs internationaux ont, de plus en plus, développé des produits de refinancement en faveur des IMF et spécifiques au secteur.
Cela contribue à la poursuite de la croissance des activités et incidemment à l’amélioration de l’inclusion financière en donnant de plus en plus accès aux services financiers à des populations non desservies par les circuits « classiques ».
Ces financements sont le plus souvent adossées à des subventions d’assistance technique permettant de financer la montée en compétence des IMF.
Toutefois, des améliorations peuvent encore être apportées à ces mécanismes de refinancement telles que la durée de montage de ces dossiers, la flexibilité sur le mode de financement (devise locale), la flexibilité sur les garanties demandées…
Ceci permettrait de donner aux IMF les ressources financières dont elles ont besoin pour mieux se projeter sur le long terme.
Nous assistons en Afrique à un développement croissant des Fintech et notamment du Mobile Banking, impulsé par des opérateurs télécoms. Ces nouveaux acteurs sont-ils des concurrents sérieux aux IMF ou ont-ils plutôt une mission complémentaire à la vôtre ?
En Afrique, nous observons en effet une croissance significative des fintechs, notamment dans le domaine du mobile Banking, souvent impulsée par les opérateurs télécoms. Ces nouveaux acteurs peuvent être à la fois des concurrents sérieux et des partenaires complémentaires pour les IMF.
Ils offrent souvent des services financiers innovants et accessibles via les téléphones mobiles, ce qui peut concurrencer les IMF dans certains domaines et notamment sur les plus petits montants.
Cependant, ils peuvent également compléter l’offre des IMF en en leur permettant d’atteindre plus facilement des segments de la population se trouvant dans des zones géographiques éloignées.
Le groupe Baobab considère que la présence de ces nouveaux acteurs offre des opportunités de collaboration, où les IMF et les fintechs peuvent travailler ensemble pour améliorer l’accès aux services financiers.
Les fintechs et les IMF peuvent coexister en adoptant des approches collaboratives, ce qui peut profiter à l’inclusion financière globale en Afrique.
Vous êtes Directeur Régional du Groupe BAOBAB dans la zone UEMOA, pouvez-vous nous en dire quelques mots et nous présenter la spécificité de son offre ?
Baobab est l’un des groupes les plus performants du secteur de la microfinance en Afrique sub-saharienne.
Le groupe opère dans 7 pays en Afrique, avec des positionnements, des tailles et des offres variées suivant différents types de licence : une licence de microfinance classique en RDC, une licence de banque à Madagascar, une licence de banque de microfinance au Nigeria, et des licences de SFDs article 44 dans la zone UMOA.
Aujourd’hui, le groupe Baobab, c’est un portefeuille de presque 800 millions d’euros, près de 500 000 clients actifs, et un niveau de rentabilité l’année dernière autour de 22 millions d’euros.
Le groupe Baobab est spécialisé dans le financement des activités génératrices de revenus et offre toute une panoplie de produits, de crédits, d’épargnes et d’assurances répondant aux besoins de ses clients.
Le groupe Baobab se veut être l’Institution financière la plus proche de ses clients en privilégiant un style de management de proximité, avec ses équipes qui au final assurent cette proximité au quotidien avec le client.
Les processus du groupe Baobab sont digitalisés et les clients sont interconnectés avec l’écosystème financier via le mobile et l’Agency Banking.
Donc ce sont des institutions de microfinance, très performantes, qui sont totalement intégrées dans le système financier des pays où elles opèrent.
Dans la zone UEMOA, le groupe Baobab a des filiales très matures, notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire, qui sont en plus d’être locomotives du groupe en Afrique, leaders sur leur marché respectif, surtout en termes d’initiatives et innovation.
BAOBAB a récemment conclu un partenariat avec IFC, de quoi est-il question ?
IFC est un partenaire de très longue date de Baobab. IFC a été actionnaire du groupe dès sa création vers le milieu des années 2000 et est sorti du capital depuis 2015 après avoir accompagné son expansion.
IFC a également été actionnaire directement au niveau de certaines filiales du groupe comme le Sénégal, Madagascar et Nigéria.
Depuis, la collaboration a continué sur de nombreux projet de financement et la dernière opération en date concerne une ligne de refinancement de près de 50 millions de dollars destinée à 5 pays : Baobab Sénégal, Baobab Côte d’Ivoire, Baobab Madagascar, Baobab RDC et Baobab Mali.
Quelles sont les perspectives africaines de BAOBAB dans les dix prochaines années ?
Pour les 10 prochaines années, Baobab a de fortes ambitions sur le continent africain.
Clairement, Baobab va continuer à être le groupe de référence dans le secteur de la microfinance, pour renforcer l’inclusion financière, en atteignant à terme la barre des 5 millions de clients, tout en continuant à bien gérer les risques inhérents à son activité.
Il s’agit pour le groupe Baobab d’être leader dans tous les marchés où il opère, Baobab étant déjà leader dans 2 des 7 pays de présence.
Dans les dix prochaines années, le modèle va continuer à faire ses preuves en améliorant les performances des institutions existantes et en supportant de nouvelles implémentations.
Le processus de digitalisation va s’accentuer pour améliorer les processus de traitement des opérations pour plus de rapidité, de fiabilité et in fine de meilleurs services aux clients.
Le groupe opère déjà avec des licences bancaires dans deux pays en Afrique, l’idée est de pouvoir travailler sur une meilleure synergie avec les IMF afin de servir aux mieux la clientèle et aussi améliorer l’inclusion financière dans tous les pays où nous opérons.
Propos recueillis par A.C. DIALLO – ©Magazine BUSINESS AFRICA