Sidiki TRAORE est le Directeur Régional Afrique de l’Ouest de QOTTO, un opérateur de services essentiels dont la mission consiste à rendre accessible aux populations mal desservies les services essentiels, contribuant ainsi à l’atteinte de leur autonomie. QOTTO concentre principalement ses activités sur la fourniture d’énergie solaire, l’accès à Internet et la facilitation des services financiers digitaux. Les responsabilités de M. TRAORE couvre précisément le Bénin, le Burkina Faso et plus récemment la Côte d’Ivoire. Dans cet entretien qu’il a bien voulu accorer au Magazine BUSINESS AFRICA, il revient sur les défis énergétiques en Afrique et explique en quoi les solutions proposées par l’entreprise QOTTO peuvent y répondre.
En tant qu’acteur du secteur, quelle est votre appréciation globale de la politique énergétique des pays que vous couvrez pour le compte de l’entreprise Qotto ?
Nous observons clairement une volonté politique des États en vue d’atteindre l’autosuffisance énergétique.
Cette détermination des états se traduit par la mise en place de programmes de développement des énergies renouvelables tels que le cofinancement du Millenium Challenge Corporation (MCC- MCA) en partenariat avec Qotto au Bénin qui a pris fin en Juin 2023.
De plus, le programme EndeV dans de nombreux pays dont le Bénin ainsi que l’Africa Enterprise Challenge Fund (AEF) au Burkina Faso, entre autres initiatives, témoignent de cette orientation vers les énergies renouvelables.
Cependant, il est essentiel de noter que la politique fiscale mise en place dans les pays concernés ne favorise pas toujours les activités commerciales.
Le niveau des taxes et droits de douane imposés, ainsi que l’incertitude sur leur traitement par les services, constituent des obstacles à la compétitivité des entreprises opérant dans notre secteur. Une suppression , ou un forfait à minima avec des conditions claires d’application, de ces droits et taxes douanières appliquées aux équipements d’énergies renouvelables serait un soutien précieux pour favoriser le développement optimal du secteur.
Comment expliquez-vous que, malgré ses nombreuses potentialités en ressources énergétiques, l’Afrique continue à avoir la couverture la plus faible en électricité ?
Plusieurs facteurs contribuent à la faible couverture énergétique en Afrique, malgré ses riches potentialités en ressources énergétiques.
●Manque de compétences spécialisées: L’Afrique fait face à une pénurie de ressources humaines qualifiées pour l’installation et la maintenance des infrastructures énergétiques.
La formation et le renforcement des capacités sont essentiels pour garantir une mise en œuvre efficace et une maintenance durable des systèmes énergétiques.
●Défis de financement : Mobiliser des financements pour de grands projets énergétiques est un défi majeur en Afrique.
Les risques perçus, les taux d’intérêt élevés et le manque de mécanismes de financement adaptés entravent les investissements dans le secteur.
●Programmes d’aide au développement court-termistes : quasiment tous les programmes de construction d’infrastructures oublient la maintenance et la nécessité de conserver une organisation humaine capable d’intervenir dans le temps pour maintenir les équipements en condition opérationnelle.
Qui n’a pas vu de centrales solaires hors d’état de fonctionner !
●Coût élevé des infrastructures de distribution : La vaste géographie de l’Afrique et la dispersion de sa population rendent l’extension des réseaux électriques coûteuse.
Construire des infrastructures pour atteindre les zones reculées et peu denses nécessite des investissements importants rarement justifiables dans une logique de rendement
●Marché perçu comme non attractif : Malgré le potentiel, notamment d’un point de vue économique global,le retour sur investissement est souvent perçu comme trop long, en raison des tarifs énergétiques subventionnés et des problèmes liés à la solvabilité des consommateurs.
Cela rend le marché africain moins attractif pour de nombreux investisseurs potentiels.
●Énergies renouvelables et coûts initiaux : Bien que les énergies renouvelables soient une solution viable, leurs coûts initiaux, notamment pour l’énergie solaire, peuvent être prohibitifs pour de nombreux pays africains.
●Stabilité politique et réglementaire : L’incertitude politique et les changements fréquents de réglementation peuvent dissuader les investisseurs et les partenaires internationaux d’investir dans le secteur énergétique.
L’Afrique possède un potentiel énorme en termes de ressources énergétiques, mais pour exploiter pleinement ce potentiel, elle doit surmonter ces obstacles et créer un environnement favorable à l’investissement, à la formation et à la mise en œuvre de solutions énergétiques durables
Quelle peut être, selon vous, la meilleure stratégie d’exploitation des ressources énergétiques, afin de permettre aux africains d’en tirer le plus grand bénéfice ?
Une approche prometteuse consisterait à additionner les énergies renouvelables décentralisées avec les méthodes conventionnelles : une vision dans laquelle les États investissent directement sur la production centralisée et la distribution dans les zones denses , et installent en parallèle les conditions réglementaires et fiscales afin que les solutions décentralisées se déploient avec un coût minimal pour les États.
Il est possible que ce coût minimal soit simplement d’attendre plusieurs années avant de remonter des taux de prélèvement pour que le secteur se soit développé et soit devenu rentable.
En parallèle, il est nécessaire de favoriser des investissements dans la formation spécialisée (en aidant les acteurs de la filière à structurer celle-ci) afin de développer les compétences locales dans la recherche et le développement, comme le prévoit la Côte d’Ivoire.
Il y a également une opportunité incroyable de construire une industrie en amont dans les énergies renouvelables avec l’assemblage de panneaux et le recyclage de batteries.
Pour cela, il est crucial d’établir des partenariats avec des acteurs locaux et internationaux afin de tirer parti de technologies de pointe et de financements appropriés.
Les énergies renouvelables ont le vent en poupe sur le continent. Mais l’Afrique pourrait-elle raisonnablement compter sur le soleil pour amorcer son développement, notamment industriel ?
En effet, le soleil constitue une ressource abondante en Afrique et offre un potentiel considérable en matière d’énergie.
Et comme je le disais, il existe des opportunités de création d’usines pour le solaire. Néanmoins, afin d’assurer un développement industriel solide dans d’autres secteurs, il est nécessaire de combiner l’énergie solaire avec d’autres sources d’énergie car le solaire n’est pas la meilleure technologie pour les industries électro-intensives.
Dernière question, quelles sont les ambitions que portent QOTTO pour lutter contre la précarité énergétique sur le continent africain ?
Tout d’abord, je tiens à exprimer ma gratitude pour l’opportunité que vous me donnez de partager mon point de vue sur une question cruciale en Afrique. QOTTO nourrit l’ambition d’étendre son impact sur le continent en rendant les services essentiels accessibles à un nombre croissant de personnes. Nous ambitionnons d’ici 2025 apporter ces services essentiels (Énergie, internet, Services Financiers) à plus d’un demi-million de familles installées en zones mal desservies.
Pour atteindre cet objectif, QOTTO formera des centaines de commerciaux et techniciens, contribuant également au développement humain des zones rurales.
Nous espérons ainsi apporter notre contribution au développement énergétique et économique en Afrique surtout dans la sous région rurale sub saharienne et participer ainsi à l’autonomisation de la population.
Interview réalisée par A.C. DIALLO – ©Magazine BUSINESS AFRICA