« Nous voulons renforcer notre impact dans la sous-région » Fanta CONDE, Managing Director de CrossBoundary Advisory – Afrique de l’Ouest
Fanta Condé est Managing Director couvrant l’Afrique de l’Ouest (hors Nigeria) pour CrossBoundary, un groupe d’investissement avec une présence mondiale à travers 23 bureaux, dont 10 en Afrique. CrossBoundary possède plusieurs filiales dont trois sont des plateformes d’investissement et une quatrième, celle où travaille Fanta Condé, intervient dans le conseil aux entreprises désireuses de lever des fonds auprès d’investisseurs.
De New-York à Bamako
Native de Kamsar, petite bourgade située au Nord-Ouest de la Guinée, Fanta Condé y effectua ses études primaires et secondaires avant de rejoindre le lycée français Albert Camus de Conakry. Après l’obtention du baccalauréat avec mention, la jeune guinéenne se retrouve à New York où elle entame des études universitaires en Finance, à l’issue desquelles elle obtient son Bachelor et sort majore de sa promotion. Après quelques stages en banque d’investissement notamment chez JP Morgan, elle rejoint le géant mondial de la gestion d’actifs BlackRock, comme business analyste. Quatre années plus tard, elle décide de retourner sur les bancs de l’école, dans la perspective d’obtenir un MBA. Elle est alors admise à la prestigieuse Wharton School of Business de l’Université de Pennsylvanie, reconnue mondialement pour son programme rigoureux en Finances. Fanta Condé en profitera pour parfaire ses connaissances mais également étoffer son carnet d’adresses. De nombreuses opportunités ne tardent d’ailleurs pas à se présenter. Elle est recrutée pour quelques mois au sein de bureau de Crossboundary au Mali. Cette expérience sera reconduite, mais cette fois à temps plein, dans un projet en Guinée, piloté par Crossboundary en partenariat avec IFC.
Un modèle original de facilitation d’investissement
La mission principale de Crossboundary est d’attirer les capitaux sur des marchés mal ou peu servis. S’agissant de l’activité conseil, les services de Crossboundary sont sollicités directement par les entreprises ou des fonds d’investissement pour déployer du capital. Selon Fanta Condé, ce mécanisme requiert une analyse fine de l’entreprise pour déterminer si elle est suffisamment mature pour la levée de fonds sollicitée et si son plan d’investissement est viable. « Nous essayons de mieux comprendre le fonctionnement de l’entreprise, son historique, son besoin en capitaux, etc…C’est à la suite de cette analyse qu’un dossier d’investissement très détaillé est développé suivi d’une présentation de l’opportunité à plusieurs investisseurs » précise-t-elle.
Pour mieux mener sa mission, Crossboundary a développé un modèle de facilitation d’investissement subventionné par des organisations de développement. Ce fut par exemple le cas au Mali ou en Guinée, pays dans lequel CrossBoundary a déployé un programme de facilitation d’investissement, supporté par IFC, pour notamment développer le secteur agricole. « Au Mali, à travers la plateforme Malienne de Facilitation d’Investissement financée par l’USAID, j’ai supporté la levée de fond pour un projet d’implantation de la première usine de transformation de beurre de karité au Mali, créant une centaine d’emplois et impactant des milliers de femmes à travers le Mali» explique l’experte en finance.
Pour Fanta Condé, malgré les efforts consentis de part et d’autre, l’accès des entreprises africaines aux marchés des capitaux demeure encore limité, pour plusieurs raisons.
En premier lieu, elle estime que le coût d’accès aux capitaux est très élevé pour de nombreuses entreprises en Afrique. Elle cite également l’existence d’une asymétrie d’informations entre les pourvoyeurs de capitaux et ceux qui en cherchent. Ce qui conduit, selon elle, fatalement à une mauvaise appréciation du risque.
Selon ses dires, il y aurait un besoin de plus de formalisation des entreprises ouest africaines. Elle mentionne aussi la nécessité d’un changement de mentalité au sein des entreprises formelles, capables d’absorber des capitaux autres que de la dette. « Certains chefs d’entreprises sont opposés aux investissements de types « equity », alors que cela pourrait être un outil efficace pour leurs expansions dans un environnement à hauts taux d’intérêts » ajoute-t-elle.
S’agissant du rôle que les pouvoirs publics peuvent jouer pour inverser la tendance, Fanta Condé pense que la mission fondamentale des gouvernements, en la matière, est d’assurer la stabilité socio-politique du pays et garantir un environnement favorable au climat des affaires. Il y a également la disponibilité d’infrastructures de base comme l’électricité, l’eau, et les transports. « L’indisponibilité de ces infrastructures ont un coût important qui entrave l’attractivité des investissements » regrette Mme Condé.
Des freins qui la confortent dans l’idée de s’investir davantage auprès des entreprises ouest africaines. Un bureau de CrossBoundary Advisory est d’ailleurs en phase d’ouverture au Ghana et la Côte d’Ivoire est en ligne de mire. « Nous voulons développer nos activités et renforcer notre impact dans la sous-région » conclut Fanta Condé.
Par A.S. TOURE – © Magazine BUSINESS AFRICA