Après plus de 10 ans en audit financier et en transaction services en France, Malick OUATTARA est rentré en Côte d’Ivoire en 2012 pour créer « Footprint Advisory », un cabinet spécialisé dans le conseil financier et opérationnel à l’attention des corporates, fonds d’investissements et institutionnels. En 2014, il rejoint la société de gestion ghanéenne « Oasis Capital » pour diriger les opérations en Côte d’Ivoire et dans l’UEMOA. Depuis août 2022, avec d’autres partenaires, il a lancé « Footprint Capital », une société de gestion de capital investissement, basée à Abidjan.
En quoi consiste les activités de Footprint Capital et quelle est sa spécificité de son approche ?
Footprint Capital a pour vocation de gérer des fonds de capital investissement. Nous sommes actuellement dans la démarche de levée d’un premier fonds d’une taille cible de 30 milliards de francs CFA, qui va identifier et accompagner des entreprises ivoiriennes et sous-régionales à devenir des champions dans leurs secteurs respectifs, à travers des prises de positions minoritaires.
Chez Footprint Capital, notre approche est spécifique dans le sens où nous nous appuyons sur une connaissance fine du marché locale et de ses acteurs. Nous disposons également d’une maîtrise approfondie des enjeux des secteurs des services essentiels qui s’adressent à la classe moyenne émergente (éducation, santé, agro-industrie, services financiers) et des secteurs qui tirent la croissance de nos pays, secteurs dans lesquels nous investissons. Enfin, nous adoptons une stratégie spécifique et sur mesure de création de valeur au sein des entreprises partenaires que nous accompagnons, en la mettant en œuvre dès l’instruction des dossiers d’investissement.
Comment appréciez-vous l’évolution du secteur du Private Equity en Afrique (notamment subsaharienne francophone) notamment au regard du contexte international ?
Le secteur est en plein développement, avec l’arrivée de nombreux acteurs, en plus des acteurs historiques déjà bien implantés.
Toutefois, les besoins du secteur privé restent massifs, et tous ces acteurs ont leur contribution à apporter pour combler ce fossé.
Ce que nous constatons par ailleurs à la demande des investisseurs, c’est l’émergence de fonds locaux totalement impliquées dans les réalités locales et sur le terrain, pour accompagner au mieux les entreprises.
Dans quelle mesure, selon vous, le Private Equity peut-il être un véritable levier de développement pour les pays africains ?
Le constat est clair : nos Etats vont connaître des besoins de financement croissants du fait de l’urbanisation rapide et croissante de nos sociétés, de l’évolution du pouvoir d’achat des ménages, des mutations géographiques, sociales et mutations technologiques en cours ou attendues.
Dès lors, nos gouvernants ont pris des engagements et des initiatives fortes pour encourager la participation du secteur privé au financement de nos économies (Déclaration d’Abidjan dans le cadre du processus IDA 20 de la Banque Mondiale, PNUD, Plan Phoenix, notamment).
La participation active de ce secteur privé (et les PME en particulier) est cruciale pour faire face à ces besoins, et prendre le relais de l’Etat sur certains sujets.
Or, les outils de financement existants sont insuffisants pour faire face a la croissance de ces entreprises.
C’est là que le Capital Investissement intervient, en complément des autres sources de financement (banque, microfinance, bourse, etc.) pour adresser les questions d’accès au financement, d’accès aux marches, de renforcement des capacités du management et d’amélioration de la gouvernance, principalement. Les fonds investissent de manière temporaire dans les entreprises (5 à 7 ans) pour les aider à se développer.
Au-delà, de l’impact sur les entreprises que nous accompagnons, notre action apporte des ressources additionnelles pour l’Etat en termes de fiscalité, permet de créer des emplois et génère des points de PIB supplémentaires.
Quels sont les éléments déterminants dans la stratégie d’investissements d’un fonds de Private Equity ?
Trois paramètres fondent généralement notre décision d’investissement. Tout d’abord, la qualité et le « track record » de l’entrepreneur et de l’équipe dirigeante, ainsi que leur capacité à définir une vision claire pour leur entreprise et une stratégie robuste et cohérente pour y arriver.
Nous analysons ensuite l’entreprise elle-même, ses forces et ses faiblesses et sa capacité à mettre en place les moyens pour délivrer cette stratégie.
Nous nous prononçons enfin sur le secteur d’activité, afin d’en bien comprendre les dynamiques et les perspectives de croissance.
Considérant l’écart entre l’Afrique anglophone et francophone dans la mobilisation des capitaux étrangers, comment éviter une Afrique de l’investissement à deux vitesses ?
Tout d’abord, en renforçant le cadre réglementaire et fiscal en zones UEMOA et CEMAC pour faciliter le développement de cette industrie.
Ensuite, par l’action volontariste de nos Etats d’allouer des ressources pérennes à cette industrie sur le modèle de ce qui a pu être fait dans des pays de l’espace anglophone.
Enfin, par la constante amélioration du « Doing Business », qui permettra aux entreprises de libérer leurs énergies dans un environnement sain et de qualité. Une société performante qui évolue dans un environnement sain, sera toujours attractive pour des investisseurs, qu’ils soient locaux ou étrangers.
Pensez-vous que, d’une manière générale, le « Private Equity » demeure en Afrique, une classe d’actifs incontournable pour les investisseurs, tant institutionnels que particuliers ?
C’est déjà une classe d’actifs incontournable, si nous apprécions les volumes de fonds levés en direction du continent : à fin 2016, le volume de fonds cumules levés à destination du continent était de 16,5 milliards USD. A fin 2020, ce volume cumulé s’établissait à 26,7 milliards (source « The African Private Equity & Venture Capital Association »). Cette accélération des flux est la meilleure démonstration de la volonté de diversification du portefeuille des investisseurs quels qu’ils soient, et de la pertinence de cet instrument de financement du secteur privé.
La prochaine étape pour nous africains est de pouvoir accueillir massivement les investisseurs locaux (institutionnels et prives) au sein de cette classe d’actifs, qui reste encore largement alimentée par les organismes de développement internationaux et autres investisseurs étrangers. Mais nous constatons que les choses vont dans ce sens, certes de manière progressive, et nous sommes convaincus que les différents dispositifs réglementaires et fiscaux en cours d’établissement vont y contribuer.
Propos recueillis par A.C. DIALLO
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