ANALYSE

« Le coaching peut être mieux intégré dans la stratégie RH des entreprises » Safietou NDIAYE SARR, Directrice Générale du cabinet Leaders Vision

Safietou NDIAYE SARR a étudié à Dakar jusqu’au Baccalauréat avant de poursuivre ses études supérieures à Montréal à l’Université McGill où elle décroche un Bachelor en Économie. C’est alors qu’elle part à Washington DC retrouver mon mari. Aux États-Unis, elle entame un MBA en Finance à American University, avouant toutefois que le choix de l’économie et de la finance n’était pas le sien mais une suggestion de sa mère. Un choix néanmoins assumé par Safietou d’autant plus que cette formation lui permit d’avoir une base solide et l’a rendue plus compétitive, notamment lorsqu’elle postula pour un poste à la Banque Mondiale. Elle y fera une belle carrière. D’abord en tant qu’Analyste et, gravitant progressivement les échelons, jusqu’au poste de Manager couvrant un portefeuille de plus de 3000 clients à travers le monde, incluant le Siège (Washington DC) mais aussi Chennai et l’Amérique Latine. Safietou NDIAYE SARR dirige aujourd’hui LEADERS VISION, un cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement des leaders à travers du coaching, des programmes de perfectionnement en leadership et du conseil en RH.

Pensez-vous que les entreprises africaines et notamment sénégalaises soient suffisamment conscientes de l’importance du coaching dans leur stratégie RH ?

Quand je suis rentrée au Sénégal, j’ai été agréablement surprise par l’intérêt que les entreprises portaient pour le coaching. Je pense que les dirigeants commencent à comprendre l’influence positive que le coaching peut avoir sur leurs managers et sur le bon fonctionnement de l’entreprise. Ils ont également compris que le coaching permet d’aller de l’avant et de grandir psychologiquement et professionnellement. L’analogie des sportifs qui ont un Coach même s’ils sont au Top est toujours utile. Ce que j’aime entendre c’est « Mme Sarr, j’aimerais que telle ou telle personne soit coachée parce que je vois son potentiel et je veux qu’il/elle puisse l’exploiter davantage. Voici le plan de carrière que j’ai pour lui/elle ». Ces dirigeants ont compris. Mais il y a encore du chemin à faire. Je ne pense pas que le coaching soit nécessairement intégré dans la stratégie RH. C’est encore un peu « ad hoc » dans certains cas ou improvisé. Je pense que les dirigeants doivent d’abord se sentir à l’aise en évoquant le fait qu’ils sont accompagnés par un coach, pour que le coaching soit normalisé davantage et plus intégré au sein de la culture organisationnelle. Aux USA ou en Europe, par exemple, il est fréquent de voir que le numéro un de l’entreprise a un coach, parce que cette relation tient une place importante de soutien et d’accompagnement, notamment dans la gestion des hommes et dans la prise en charge des défis opérationnels et stratégiques.

Certains observateurs estiment qu’aujourd’hui le Management RH est une fonction plus stratégique qu’opérationnelle. Est-ce également votre avis ?

Dans nos programmes de leadership, nous remarquons que la fonction RH commence à incorporer davantage l’aspect stratégique mais garde toujours une composante opérationnelle assez importante. Le point positif est que les entreprises ont compris qu’une stratégie RH doit être une partie intégrante de la stratégie organisationnelle, qu’il doit y avoir une corrélation directe entre la gestion des talents (j’inclus l’acquisition, le « on boarding » et le développement) et l’atteinte des objectifs de l’entreprise. Elles comprennent de plus en plus que les soft skills sont aussi importants que les compétences techniques, qu’un bon système de gestion des performances et du feedback est nécessaire et que l’équipe doit être unie et soudée pour atteindre une réussite collective. J’apprécie également le fait qu’il y ait une meilleure prise en charge de l’humain.  Mais comme je l’ai dit précédemment, la partie opérationnelle peut parfois prendre le dessus et les empêcher de se focaliser sur les véritables enjeux qui font la différence entre une structure qui fonctionne (se maintient en vie) et celle qui sera pérenne. Il est important pour l’entreprise de prendre du recul pour mieux identifier son avantage comparatif et s’assurer que cet avantage est incorporé dans sa stratégie RH mais aussi et surtout de mettre en place une véritable structure RH avec des objectifs clairs et une « Employee Value Proposition » (EVP) qui inclut le bien-être des collaborateurs et la création d’un milieu de travail sain et épanouissant, pour attirer et retenir le meilleur talent. J’insisterai aussi sur la nécessité de planifier les orientations à long terme pour assurer un bon match entre les besoins de l’entreprise et les ressources humaines.

Les outils digitaux dans la GRH tendent de plus en plus à se développer et à s’uniformiser, n’y a-t-il pas un risque qu’ils n’intègrent pas suffisamment les spécificités africaines de la GRH ?

Vous savez, je suis d’avis que les outils GRH sont universels mais que c’est dans leur application que l’on doit prendre en compte le contexte et les spécificités africaines. Donc c’est à nous de le faire. Par exemple, une cartographie des compétences ou un outil de gestion des performances ou d’entretien annuel peut être le même. Maintenant, dépendamment du pays où l’on se trouve, on peut incorporer les compétences qui sont plus importantes par exemple dans la cartographie ou pour l’entretien annuel. Mais, même au sein de l’Afrique et entre différents secteurs, on peut avoir des contextes différents, donc tous ces facteurs doivent être considérés.

Vous êtes à la tête du Cabinet LEADERS VISION, crée à Dakar. S’agissait-il d’un désir d’indépendance professionnelle ou existait-il un réel besoin à combler ?

 Je dirai un peu des deux. J’avoue que j’adore mon indépendance professionnelle et la flexibilité de travailler pour moi-même surtout que ça me permet d’aller voir mes enfants régulièrement. Mais je pense que la véritable raison est liée à mon désir de travailler exclusivement sur quelque chose qui me tient à cœur et pour l’Afrique. Durant ma carrière j’ai toujours été intéressée par l’impact des managers sur leurs collaborateurs. J’ai vu des gens très épanouis au travail avec un haut niveau d’engagement grâce à l’aide d’un bon manager et d’autres employés malheureux et démotivés à cause d’un « mauvais » manager. J’ai toujours été animée par une volonté d’apprendre à faire face à cette problématique et donc j’ai décidé de rejoindre le département de la Banque Mondiale qui s’occupait de la sélection et du développement des managers pour comprendre leurs véritables enjeux et les indicateurs de succès. J’ai aussi été dans la fonction et j’ai compris que c’est un rôle où l’on peut se sentir un peu seul et qui n’est pas sans challenge. On a besoin d’être accompagné. Donc mon objectif a toujours été de rentrer au Sénégal et d’aider les managers à mieux prendre en charge les défis organisationnels, mieux gérer leurs équipes et créer un environnement de haute performance.

Votre cabinet conseille des organisations internationales ainsi que des grandes entreprises, quels types de solutions leur apportez-vous ?

Nous apportons des solutions à trois niveaux. Au niveau individuel, j’accompagne les dirigeants et les managers en général à mieux gérer les défis opérationnels et stratégiques et à mieux remplir leur rôle afin qu’il puisse avoir plus d’impact. J’accompagne aussi les collaborateurs dans la gestion de leurs carrières :  Discuter des options possibles et se positionner pour évoluer dans leur carrière et atteindre leurs objectifs professionnels. Enfin, nous offrons des programmes de leadership pour aider les managers à identifier les défis liés à leur rôle et leur contexte et les prendre en charge avec succès. Les programmes incluent beaucoup d’échanges entre participants mais nous donnent aussi l’opportunité de les mettre au défi et de partager avec eux les bonnes pratiques de management et de leadership.

Envisagez-vous d’étendre votre expertise à d’autres secteurs ou dans d’autres pays de la sous-région ?

Je travaille déjà avec la sous-région puisque certains de mes clients sont des organisations régionales. Je n’envisage pas d’étendre mon expertise parce que dans ce que je fais, il est important de garder ses clients, j’ai déjà un portefeuille assez étoffé, ce qui est une bonne chose, n’est-ce pas ? Mais la cible sur laquelle je veux me focaliser davantage ce sont les femmes. Actuellement, je leur donne toujours la priorité mais j’aimerais me concentrer exclusivement sur elles. Je les comprends, j’ai vécu ce qu’elles ont vécu et je sais que sans elles, l’Afrique n’avancera pas au bon rythme.

Propos recueillis par A. C. Diallo

© Magazine BUSINESS AFRICA

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