Guy Martial NEZOU est le Directeur régional pour l’Afrique centrale de AEE Power, un opérateur panafricain de services énergétiques. M. NEZOU possède une expertise multisectorielle de plus de 15 ans, acquise dans le développement commercial et marketing, aussi bien auprès de start-up que des multinationales de référence. Outre dans des pays européens comme le Royaume Uni, l’Espagne, la France et la Croatie, il a activement contribué à mettre en place et à gérer plusieurs affaires et opérations réussies au Ghana, au Sénégal, en Guinée-Bissau, en Guinée équatoriale, au Gabon et au Togo. Titulaire de deux Masters (commerce et marketing international / marketing et finance), d’un diplôme de troisième cycle en Études de management, Guy Martial NEZOU est également diplômé en droit. Pour le Magazine BUSINESS AFRICA, il analyse les défis et perspectives du secteur énergétique africain, notamment dans sa partie centrale et éclaire sur le rôle majeur d’une entreprise comme AEE Power entend jouer pour réduire le déficit énergétique en Afrique.
Le besoin en énergie du continent africain, notamment dans sa partie sub-saharienne, demeure après plus 60 ans d’indépendance, très important. A quoi attribuez-vous fondamentalement, cet état de fait ?
La situation est effectivement alarmante. La production d’énergie en Afrique sub-saharienne ne va pas de pair avec l’explosion démographique et les besoins qui ne cessent d’augmenter chaque année.
Les principales raisons résident, à mon avis, au manque de politique énergétique, notamment l’absence de plan directeur d’électrification, et là ou ce plan directeur existe, il n’y a pas de mise en application.
On peut également citer parmi les raisons, le manque chronique d’investissement dans la production d’énergie et les infrastructures de production de cette énergie, d’où une production largement en deçà des besoins. On note une politique très pauvre de maintenance des infrastructures conduisant à des délestages récurrents dans certains pays Africains et même l’Afrique du Sud.
Enfin, la distance entre les points de production d’énergie et les zones de besoin exige des lignes de transport adéquat qui, manifestement, manquent.
Comment l’Afrique pourrait-elle combler son déficit énergétique et
quel type d’énergie devrait-elle, à votre avis, privilégier ?
C’est très compliqué de répondre à toute la demande seulement avec des investissements publics car les pays africains sont surendettés.
Il faut compléter avec l’investissement privé. Et pour attirer de l’investissement privé il faut mettre en place des mesures de mitigation du risque de marché. C’est justement là que les institutions multilatérales devraient jouer un rôle important.
Au-delà de ces considérations, l’Afrique, par sa situation géographique, a de sérieux atouts pour lutter contre son déficit énergétique, par le moyen de l’énergie hydro-électrique, l’énergie solaire ou éolienne pour ne citer que celles-là.
L’énergie hydro-électrique demeure une source sûre et importante pour l’Afrique qui regorge de fleuves et courants d’eaux. Les centrales hydroélectriques de type « run off the river » , sans impact environnemental négatif, seront les mieux indiquées.
L’exemple le plus éloquent est celui de la République Démocratique du Congo, avec un immense potentiel en termes de capacité de production d’énergie, référence faite au projet Grand INGA avec une capacité de plus de 40 GW de production, qui bientôt sera une réalité.
Ce projet sur lequel je voudrais insister particulièrement, présente des avantages parce qu’il ambitionne de donner de l’énergie a plus de cinquante (50) millions de personnes en RDC, évitant de ce fait la destruction des arbres et forêts qui se transforment en charbon de bois (le makala) couvrant ainsi les besoins de cette même population.
Cela est imminemment positif pour l’environnement, la population, l’économie du pays.
Chez AEE POWER, nous sommes pleinement engagés dans ce projet au travers du Consortium Chino-Espagnol.
L’énergie solaire, avec la baisse du cout du matériel nécessaire, représente pour l’Afrique sub-saharienne une autre excellente alternative avec la création de “mini-grid”, pour assurer la continuité de la fourniture de l’énergie, même dans des endroits reculés qui ne sont pas connectés au réseau national de production et de distribution d’énergie.
A ce propos, notre entreprise vient d’obtenir un contrat en RDC pour les régions de GEMENA, ISIRO et BUMBA et ces “mini-grid” seront installés pour faire face au déficit d’énergie dans cette région de l’Afrique Sub-saharienne.
Une fois ce projet réalisé, il pourrait être répliquer dans bon nombre de pays de l’Afrique Sub-saharienne, faisant face à la même problématique.
Pour terminer, je voudrais insister encore sur la nécessite d’un plan directeur énergétique à court, moyen et long terme incluant la mise en place d’une politique attractive d’investissement, mais aussi le captage des investissements disponibles, la réhabilitation des infrastructures existantes, la construction des nouvelles infrastructures de production, transport et distribution d’énergie électrique et la diversification des sources d’énergie (hydroélectrique, solaire, thermique et hybride…), tout en donnant priorité aux sources les moins coûteuses et rapides à mettre en œuvre.
Il est aujourd’hui incontestable que l’expérience de gestion publique des sociétés d’énergie a montré ses limites. Dans quel cadre le privé peut-il s’insérer dans ce secteur, qui revêt de réels enjeux de sécurité et même de souveraineté ?
La gestion publique des sociétés d’énergie a effectivement montré ses limites parce qu’en Afrique, il existe toujours la notion de « l’Etat Providentiel », qui doit tout prendre en charge et tout assurer pour le citoyen. Conséquence, le paiement des factures d’électricité est une tâche ardue et difficile, faisant resurgir le problème d’insolvabilité des potentiels clients …
Le privé apparaît donc comme une alternative crédible pour dynamiser ce secteur au travers des investissements privés et une gestion beaucoup plus efficace et efficiente.
Un exemple type serait les PPP ( Public Private Partnership ) ou les IPP (Independent Power Producer) avec l’ouverture du marché de l’électricité dans certains pays africains, comme en RDC par exemple où nous avons une forte présence.
Ces PPP et IPP apportent beaucoup à ces pays et permettent le développement du secteur énergique avec des contrats dans le type B.O.T (Built Operate Transfer) qui permet aux Etats, à moyen et long terme, de devenir propriétaires de ces infrastructures réalisées par le secteur privé.
L’arrivée des privés dans le secteur énergétique est aussi synonyme de qualité et d’efficacité parce que les dirigeants ne sont pas sous la pression des politiques qui nomment souvent les gérants dans le cas des sociétés d’états et qui leur imposent des directives et objectifs contraires aux règles de bonne gestion.
Quant à la question de la souveraineté, elle se pose parce que dominer le secteur de l’énergie dans un pays, c’est aussi tenir un des leviers les plus importants de l’économie de ce pays entre ses mains. On peut donc influencer certaines décisions stratégiques qui pourraient être prises.
D’où la nécessité de trouver toujours un mix équilibré, afin que l’Etat ait un contrôle de la production, du transport et de la distribution de l’énergie sur son territoire.
Les énergies renouvelables ont le vent en poupe sur le continent. Mais l’Afrique pourrait-elle raisonnablement compter sur le soleil pour amorcer son développement, notamment industriel ?
Les énergies renouvelables ont effectivement le vent en poupe dans le monde entier.
Un exemple fort en est le secteur automobile avec les véhicules électriques et hybrides qui ne cessent de se multiplier partout à une vitesse incroyable.
Les marchés « off-grid », principalement basés sur ces énergies renouvelables et qui sont des solutions idéales pour les populations rurales et les petites entreprises, peuvent jouer un rôle important dans l’électrification de l’Afrique parce que plus adaptés pour les régions et zones isolées.
Le coût du matériel nécessaire pour les « mini-grid » a chuté de plus de moitié ces dernières années : les panneaux solaires, les batteries, les inverters etc… conséquence cette option apparaissant autrefois très couteuse, est aujourd’hui viable à tout point de vue, ce qui permettra d’affronter le défi de l’accès universel à l’électricité en Afrique pour l’horizon 2030.
Quelques mots sur AEE Power, dont vous assurer la direction pour l’Afrique centrale, quelles sont ses principales activités et comment envisage-t-elle son développement sur le continent en cette période fortement impactée par le Covid 19 ?
AEE Power est un entrepreneur EPC panafricain et développeur énergétique, spécialisé en infrastructures énergétiques en Afrique subsaharienne.
La philosophie de la compagnie se caractérise par la qualité, la sécurité, l’environnement et la politique de formation et d’intégration du personnel local dans les pays où nous opérons.
Notre mission, c’est l’électrification de l’Afrique, avec les africains, et pour l’Afrique.
Nos principales activités s’articulent autour des axes suivants :
-La fourniture de solutions de construction clé en main pour le secteur énergétique en Afrique.
-Les partenariats : Développement, investissement, possession et maîtrise des actifs énergétiques via des solutions PPP et IPP focalisées spécialement sur l’énergie renouvelable avec un pipeline représentant plus de 500 MW de développement d’énergie renouvelable en Afrique, à divers stades de maturité.
-Les services (Opération & Maintenance) : assurer le fonctionnement, la maintenance et des solutions de formation pour le secteur énergétique en Afrique subsaharienne.
-La commercialisation énergétique: notre ambition est de devenir un acteur clé dans le secteur énergétique sur le continent, afin de réduire l’immense fossé d’approvisionnement en électricité.
En ce sens, nous avons créé Katanga Energy (KATen) qui a obtenu la première licence d’importation et de vente d’électricité en République Démocratique du Congo.
Par ailleurs, en cette période de Covid-19, conscient de l’importance vitale et stratégique de notre travail dans le développement des pays dans lesquels nous travaillons et leur population, nous continuons de travailler avec ardeur et passion, transmettant à tout notre personnel, l’importance de notre mission et la satisfaction du travail bien fait.
Evidemment, nous avons pris et continuons de prendre aussi toutes les dispositions nécessaires afin de ne mettre en danger, à aucun moment, la santé et l’intégrité de notre personnel pendant cette période. C’est un travail difficile, il est vrai, mais la joie, la satisfaction et le grand privilège de contribuer à notre façon, au développement de ce grand continent et l’Afrique Subsaharienne en particulier, est ce qui, nous seulement à moi, comme toute l’équipe de AEE POWER et ses partenaires, nous remplis d’une immense fierté et satisfaction que je ne peux pas décrire.
Nous avons de grands projets que nous poursuivons inclus le gigantesque Projet de INGA en RDC qui marquera un tournant dans l’histoire de ce pays.
Le chemin est encore long mais notre génération a pour ambition de laisser un héritage important dont nos enfants et futures générations seront fiers. L’électrification de l’Afrique…Let’s make it happen !
Propos recueillis par A.C DIALLO
© Magazine BUSINESS AFRICA – 2021