Les administrations fiscales en Afrique subsaharienne ont connu des réformes considérables au cours des dernières décennies. Elles sont en moyenne plus réformées et plus efficaces à plusieurs égards que les administrations fiscales des autres régions à faible revenu. Plusieurs d’entre elles ont opéré des changements organisationnels importants, ce qui leur a permis de relever efficacement un certain nombre de défis majeurs. Mais les performances de l’administration fiscale dans de nombreux pays africains, demeurent en deça des attentes. Quelles sont les problématiques fiscales actuelles ? Et comment les adresser ? Pour y répondre, le Magazine BUSINESS AFRICA a recueilli l’avis d’un expert en la matière: Julien ASSOMO, en charge de la fiscalité Groupe de la multinationale SOLEVO.
Tout d’abord, quel regard portez-vous sur l’évolution de la fiscalité en Afrique, notamment dans sa partie francophone sub-saharienne ?
Un regard positif, marqué par une connaissance accrue des règles relatives à la fiscalité internationale dans beaucoup de pays. Ce jugement doit en revanche entre nuancé du fait de l’accroissement du nombre de contrôles fiscaux, avec des montants de départ généralement élevés, et des remises en cause de certaines positions précédemment acceptées lors des vérifications antérieures.
Comment expliquez-vous la grande disparité de taux de pression fiscale entre les pays africains ?
Tout simplement par la disparité de profils économiques entre les différents pays, et de la pression exercée sur les états afin d’augmenter leurs recettes fiscales.
La question des « Prix de Transfert » revêt aujourd’hui une importance particulière dans la pratique fiscale internationale et suscite beaucoup de remous. Pourquoi selon vous ?
Tout d’abord une meilleure formation des vérificateurs en la matière, notamment avec des initiatives comme celle des « Inspecteurs sans frontière ». Ensuite, une prise de conscience par les vérificateurs de la possibilité d’arriver à des redressements significatifs dans ce domaine.
Certains juristes estiment que les prix de transfert ne sont pas fondamentalement une matière fiscale mais une question économique. Adhérez-vous à cette thèse ?
Pas vraiment. Le fiscaliste a besoin de s’appuyer sur des analyses économiques (les fameux « Benchmark »), mais il y’a nécessairement une composante fiscale, en particulier la détermination des fonctions assumées par chaque entité. Donc c’est une matière à la fois fiscale et économique.
Estimez-vous qu’en général la réglementation régissant les prix de transfert, en Afrique sub-saharienne est plutôt équilibrée ou pensez-vous qu’elle doit être revue dans certains pays ?
Elle est différente et doit être revue dans certains pays. Certains pays rejettent par exemple la méthode de marge transactionnelle de la marge nette et lui préfèrent la méthode du prix de revente (Resale minus). Beaucoup de pays refusent d’analyser les transactions d’une manière globale, mais le font transaction par transaction.
Que pensez-vous de l’adoption des règles de l’OCDE sur la digitalisation de l’économie sans cesse grandissante, dénommées sous le vocable de Pilier I ?
Elle est séduisante sur le papier en ce qu’elle aboutirait en théorie à attribuer une base taxable plus large aux pays africains dont le recours à la digitalisation, notamment en termes de E-commerce, s’accentue. Néanmoins, la mise en œuvre pourrait s’avérer compliquée
Le « mispricing » c’est à dire la minoration ou la majoration de prix par une multinationale à l’effet de tirer profit d’une situation fiscale, semble être une pratique de plus en plus utilisée. Quelles peuvent en être les conséquences sur le plan juridique ?
Une possible responsabilité de certains cadres et dirigeants notamment sur le fondement de l’abus de biens sociaux.
Le « principe de pleine concurrence » posé par l’OCDE et qui repose sur la présence physique dans un Etat, est-il selon vous, encore pertinent dans un contexte marqué par la digitalisation de l’économie ?
Comme indiqué ci-avant, c’est séduisant sur le papier et très pertinent, mais se heurte aux nécessités d’optimisation fiscale des grands groupes.
Propos recueillis par A.C. DIALLO – (©) Magazine BUSINESS AFRICA














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