Vous avez été nommé par le président français Emmanuel MACRON, Coordonnateur du Conseil présidentiel pour l’Afrique, comment envisagez-vous cette nouvelle mission ?
Cette nomination est un honneur et une responsabilité qui m’obligent. Je prends la suite de Jules-Armand Aniambossou, nommé ambassadeur de France en Ouganda, qui a accompli un immense travail pour structurer et mettre en action le mandat du Conseil présidentiel pour l’Afrique. Ma nomination intervient dans le cadre d’un renouvellement plus large du CPA, qui compte désormais sept femmes et cinq hommes incarnant dans la diversité de leur parcours le nouveau visage de la relation entre l’Afrique et la France.
L’année 2020 sera cruciale pour le renouvellement de cette relation qui est au cœur du mandat du CPA. Elle sera marquée par de grands événements tels que le sommet Afrique France 2020 et la saison Africa 2020, des invitations précieuses à regarder et comprendre le monde d’un point de vue africain.
Ces deux rendez-vous seront des points de convergence pour les nombreuses initiatives portées par les membres du CPA, qui se concrétisent après deux années de travail.
Mon rôle sera d’assurer le bon fonctionnement du CPA, de veiller à l’unité et à la cohérence du collectif au service de nos objectifs communs, mais aussi de communiquer sur le bilan du CPA depuis sa création en août 2017
Parlons justement de ce bilan. Après deux années de fonctionnement, on se pose des questions sur l’utilité réelle de cette organisation, le bilan de ces deux ans vous paraît-il positif ?
La singularité de l’organisation et du mode d’action du CPA fait que son action est parfois mal comprise, mais c’est cette singularité qui continuera de faire sa force. Concrètement, depuis deux ans, le CPA est actif sur trois chantiers :
Il éclaire le Président de la République sur les enjeux de la relation entre la France et l’Afrique, en multipliant les rencontres avec la société civile africaine, en particulier avec ses jeunes représentants et avec des acteurs à fort impact social local.
Depuis le début de l’année 2018, une vingtaine de missions de terrain ont été organisées à l’initiative des membres du CPA ou en préparation de déplacements présidentiels. Ces missions permettent de recueillir la perception de la politique française, les attentes et les « signaux faibles » émis par la société civile et de les transmettre sans filtre (surtout lorsqu’elles sont négatives) au Président de la République. Elles contribuent aussi à la mise en réseau de structures et d’acteurs, publics comme privés, dont l’engagement sera indispensable pour créer chaque année les 20 millions d’emplois dont l’Afrique a besoin pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail.
Le CPA développe ainsi un lien permanent avec la société civile en Afrique, mais aussi avec les diasporas africaines en France.
En 2019, le CPA les a associées à l’ensemble de ses événements organisés à Paris mais aussi à Tourcoing, Reims ou Bordeaux. Plusieurs ateliers portant sur l’investissement des diasporas et l’entrepreneuriat en Afrique, la représentation des diasporas dans l’espace publics et les mobilités croisées ont alimenté la réflexion de la Présidence de la République en préparation de l’événement du 11 juillet, au cours duquel le Président a échangé avec les diasporas africaines aux côtés du Président du Ghana.
Ce dialogue est amené à se poursuivre.
Fort de ce lien avec les sociétés civiles africaines et les diasporas, le CPA formule enfin des propositions d’actions concrètes sur les secteurs d’avenir de la relation entre la France et l’Afrique.
Depuis qu’il a contribué à la préparation du discours présidentiel prononcé à Ouagadougou le 28 novembre 2017, le CPA a notamment été force de proposition sur des sujets tels que la restitution d’œuvres au Bénin, le lancement de la saison Africa 2020, ou le renforcement des mobilités croisées, en particulier pour les étudiants.
Au-delà de leur liberté de proposition, les membres du CPA ont impulsé de nombreux projets dans le domaine de la ville durable, de l’agro-écologie, de l’innovation numérique, de l’entreprenariat, de la santé, du sport comme levier de développement ou de la culture.
L’éducation sera aussi un secteur d’action prioritaire dans les mois à venir.
Le CPA est assez hétéroclite dans sa composition… comment comptez-vous faire travailler ensemble, ce petit monde aux parcours si différents ?
Cette diversité est la principale force du Conseil présidentiel pour l’Afrique.
Dans leur secteur de compétence, chacun de membres met son expertise, sa capacité d’impulsion et de mise en réseau au service de la concrétisation de la stratégie présidentielle. C’est autour de cette feuille de route, détaillée dans le discours de Ouagadougou, que les membres se rassemblent.
Les membres du CPA ont en effet tous été choisis pour leur investissement dans la relation entre l’Afrique et la France, pour leur action en faveur du développement du continent et pour leur volonté d’engagement en faveur d’un partenariat d’opportunités partagées entre la France et l’Afrique dans son intégralité, Afrique francophone, anglophone, lusophone, du Nord au Sud et d’Est en Ouest.
Mon rôle est de veiller à ce que, dans la variété de leur parcours et de leurs engagements, les membres du CPA participent de manière collective à l’effort de renouvellement de la relation entre l’Afrique et la France. La diversité des profils des membres est une richesse au service d’un collectif organisé.
De nombreuses organisations existent déjà, tendant à une refondation des relations franco-africaines ou pour un rôle plus accru de la Diaspora africaine en France, quelle est la valeur ajoutée du CPA ?
Vis-à-vis des structures existantes, la création du CPA par le Président Emmanuel Macron représente une triple innovation.
C’est d’abord un changement institutionnel, car le CPA inscrit son action en dehors du cadre administratif.
Sans se substituer à l’administration et aux conseillers du Président de la République, il complète le dispositif en allant à la rencontre des acteurs qui échappent parfois aux institutions traditionnelles, notamment les jeunes.
C’est aussi un changement de méthode. Les membres du CPA entretiennent un lien direct, sans filtre, entre la société civile africaine et la Présidence de la République.
Grâce aux remontées de perception, à leur capacité de mise en réseau et leurs recommandations issues des attentes du terrain, ils participent à un dialogue ouvert et constructif.
Ils portent des messages qui rompent avec les visions traditionnelles de l’Afrique en France et de la France en Afrique.
C’est enfin un changement dans sa composition. Par leur âge et leurs initiatives novatrices, les membres du CPA incarnent la nouvelle génération de Français et d’Africains désireux de bâtir une nouvelle relation partenariale et équilibrée.
Interview réalisée par A.C. DIALLO