Véritable icône du secteur hôtelier africain, Daniel KARBOWNIK assume depuis une année les fonctions de Vice-Président Operations du Groupe Accor, en charge de l’Afrique Sub-saharienne. Jouissant d’une grande considération dans le métier, il incarne le renouveau du management hôtelier en Afrique, ouvert et visionnaire.
Pour le Magazine BUSINESS AFRICA, il revient sur l’actualité du Groupe Accor en Afrique subsaharienne et nous livre son sentiment sur les enjeux et défis de l’hôtellerie en Afrique.
Tout d’abord comment se porte le Groupe Accor en Afrique sub-saharienne, zone dont vous assurer aujourd’hui la responsabilité ?
Le groupe Accor se porte très bien et continue d’affirmer son leadership en tant que premier opérateur hôtelier en Afrique de l’Ouest.
En Afrique de l’Est et Australe, où nous avions un déficit, nous avons commencé à redresser la situation.
Nous avons récemment inauguré plusieurs hôtels, notamment au Kenya, en Afrique du Sud, au Nigéria et en République Démocratique du Congo.
En prenant en compte toutes les marques du groupe Accor en Afrique sub-saharienne, nous opérons actuellement une soixantaine d’hôtels.
Si l’on inclut également l’Égypte, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc, notre portefeuille compte entre 120 et 130 établissements sur le continent.
A vous entendre, le contexte sécuritaire dans le monde et dans certains pays du Sahel n’a donc pas impacté négativement votre rythme de croissance ?
Pour l’instant non. Nous avons la chance de ne pas avoir d’hôtels dans les pays ouest africains où il y a eu des coups d’Etat, notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Mais il est évident que dès qu’il y a ce type de situation, toute la région est impactée en termes de flux touristiques.
D’une manière générale, on peut dire que la plupart des pays où le groupe Accor est installé, il y a une relative stabilité.
Pour ce qui concerne les crises internationales, le conflit en Ukraine par exemple a renchéri le coût de certaines denrées alimentaires. Quant au conflit isréalo-arabe, il a bien évidemment réduit le flux de voyageurs de cette région vers l’Afrique.
Quelle appréciation portez-vous sur le développement croissant des plateformes de réservation de type Airbnb ? Sont-elles de sérieuses concurrentes pour l’hôtellerie traditionnelle en Afrique ?
Il est vrai que nous commençons à sentir leur effet en Afrique, bien que cela n’ait encore rien à avoir avec ce qui se passe en Europe ou aux États-Unis.
Il faut noter qu’en Afrique la clientèle du groupe Accor est majoritairement Business or les plateformes de réservation sont surtout utilisées par des touristes. De ce fait, nous sommes en quelque sorte moins impactés.
Mais d’une manière générale, le digital occupe-t-il une place importante dans vos process et dans l’amélioration de votre expérience client ?
Chez Accor, nous intégrons la technologie digitale dans nos opérations hôtelières pour soutenir nos équipes et leur permettre de se concentrer sur des interactions personnalisées. Nous développons des hôtels qui offrent aux clients la possibilité de « vivre, travailler et se divertir » grâce à des espaces de coworking, des clubs de fitness et notre programme de fidélité ALL( Accor Live Limitless).
Voici quelques-unes de nos innovations technologiques :
Chambres intelligentes : Contrôle de l’éclairage, de la température et des divertissements via l’IA et des applications mobiles.
Clés mobiles : Accès aux chambres par des appareils mobiles, réduisant ainsi les cartes en plastique.
Application ALL: Simplification des réservations et personnalisation.
Wi-Fi gratuit : Portail multilingue facilitant la connexion des clients.
Notre stratégie technologique améliore l’efficacité, la satisfaction client et l’engagement des employés tout en favorisant la durabilité.
Le digital et l’intelligence artificielle (IA) transforme l’expérience client et optimise les opérations. Elle permet aux hôtels de prendre des décisions éclairées en analysant les préférences et les tendances. Par exemple, l’IA simplifie les réservations avec des recommandations personnalisées et aide à ajuster les prix en temps réel.
En somme, la digitalisation est un levier essentiel pour moderniser notre secteur, alliant performance opérationnelle et personnalisation des services.
Le secteur de l’hôtellerie connaît un important turn-over dans les effectifs. Comment faites-vous, au sein du groupe Accor, pour garder vos meilleurs talents ?
Chez Accor, nous avons la chance de bénéficier d’un faible taux de turn-over parmi nos collaborateurs, un résultat qui découle de notre engagement constant envers leur bien-être.
Cela crée une fidélité que nous veillons à renforcer.
A Abidjan comme à Dakar, nous comptons des collaborateurs avec 15, 20, voire 30 ans d’ancienneté. Chez nous, la gestion du capital humain n’est pas confiée à une simple direction des ressources humaines, mais à une Direction Talents et Culture, reflétant notre vision plus large et humaine du management.
Quelle appréciation portez-vous sur le rôle des Agences publiques de promotion touristique en Afrique ? Pensez-vous qu’elles mesurent les enjeux et font le nécessaire ou estimez-vous qu’elles peuvent faire plus et mieux ?
Cela dépend des pays. Il existe, dans certains pays africains sub-sahariens, une vraie prise de conscience de la nécessité de développer l’attrait touristique, tourisme d’affaires comme de loisir.
Personnellement, je pense que le tourisme peut être un véritable facteur de développement économique d’un pays et une formidable source d’emplois pour les jeunes.
Oui mais cela fait des années que l’on parle de potentialités touristiques de l’Afrique, sans que l’on en perçoive les retombées réelles. Selon vous, le prix élevé des billets d’avion, comme le déplorent certains, y est-il pour quelque chose ?
Il est vrai que les prix des billets d’avion en Afrique restent élevés.
Bien que le marché s’ouvre progressivement, il y a encore peu de compagnies à bas coût en Afrique subsaharienne, contrairement à d’autres régions.
Une plus grande ouverture du ciel africain à des transporteurs à tarif réduit pourrait certainement donner un nouvel élan au secteur touristique.
Il convient également de noter que les taxes aéroportuaires, encore très élevées dans plusieurs pays du continent, représentent un frein à l’accessibilité des destinations.
Quel est votre opinion sur l’hôtellerie de demain en Afrique ? Business ou Loisir ?
Je pense qu’il y aura les deux.
Certains pays s’adaptent parfaitement à l’hôtellerie de loisir comme le Sénégal ou le Kenya d’autres à l’hôtellerie d’affaires ou même les deux comme la Côte d’Ivoire, le Nigéria ou le Ghana.
Quelles sont les actions RSE que le Groupe Accor mène en Afrique subsaharienne ?
Nous sommes actuellement en phase de finalisation des certifications « éco-tourisme » dans l’ensemble de nos hôtels en Afrique.
Nous avons mis en place des calculateurs de gaspillage alimentaire pour ajuster nos buffets et réduire le volume de nourriture non consommée.
Un service entier est dédié à cette initiative, avec des Ambassadeurs dans chaque établissement.
Par ailleurs, nous nous engageons à nous intégrer pleinement au tissu local des pays où nous opérons.
A ce titre, nous avons développé une soixantaine de partenariats avec des écoles et centres de formation, permettant d’accueillir des jeunes stagiaires et de les préparer à leur insertion professionnelle.
Pour citer quelques exemples concrets :
-L’hôtel MERCURE HOTEL NAIROBI UPPERHILL est le premier hôtel en Afrique de l’Est à proposer des expériences locales à travers le programme « Discover Local ».
Le menu s’inspire des saveurs locales et soutient les producteurs locaux avec un jardin d’herbes et des marchés mensuels.
-Le MÖVENPICK AMBASSADOR HOTEL ACCRA soutient la Fondation Eugenius pour les personnes en situation de handicap, en organisant des événements et des programmes d’aide tels que « Kilo for Kindness », offrant nourriture, vêtements et matériel scolaire à des fondations locales.
Le secteur hôtelier demeure tout de même, en Afrique, très concurrentiel, dans un environnement économique souvent très difficile. Dans ce contexte, quelles sont les perspectives du groupe Accor en Afrique sub-saharienne ?
Cette année, nous avons inauguré un Novotel à Kinshasa et un autre à Lubumbashi, ainsi qu’un Pullman à Nairobi.
Par ailleurs, un Mövenpick en Namibie a été entièrement rénové.
A la fin décembre, nous procéderons à la réouverture des trois établissements Ibis emblématiques de Dakar et d’Abidjan, qui seront tous transformés en Ibis Styles
grâce à une rénovation complète.
De plus, il y a un mois, nous avons ouvert à Abidjan le premier Adagio d’Afrique subsaharienne et nous ouvrirons le 1er décembre un nouveau Novotel, nouvelle génération, à Abidjan Marcory.
Pour 2025, nos projets incluent l’ouverture d’un Mövenpick à Kigali, d’un Novotel à Kolwezi et d’un Ibis Style à Kinshasa.
Comme vous pouvez le constater, nous avons de nombreux projets en cours.
Il est important de souligner que le continent africain est l’une des principales priorités du groupe, une information récemment confirmée par Sébastien Bazin, président du Groupe Accor.
Propos recueillis par A.C. DIALLO – © Magazine BUSINESS AFRICA