Maguette Diop est Expert-comptable, commissaire aux comptes, associée au sein de Mazars France qu’elle a intégré en septembre 2000 en tant qu’auditeur financier.
Diplômée de Skema Business School et titulaire d’un 3ème cycle en Banque et Finance de l’université de Lyon II, elle débute sa carrière professionnelle à la direction financière et comptable de la Banque Populaire du Nord en France avant de rejoindre Mazars où elle gravit les échelons jusqu’en être en 2017, l’associée (Partner) en charge de la formation. A cette fonction, son rôle est de s’assurer de l’existence d’un contenu adéquat pour les collaborateurs des différentes lignes de métiers, y compris les associés, afin que tous aient le niveau et l’excellence technique requis pour bien mener leurs missions.
Vous êtes expert-comptable de formation et référence chez Mazars France de tout ce qui concerne la « sustainability ». Quel lien y existe-t-il entre « durabilité » et production d’états financiers ?
Pour moi le lien est évident.
Dans les ESRS, on parle de double matérialité : matérialité financière et matérialité d’impact.
Dans les états financiers, nous étions déjà habitués à parler d’impacts financiers.
Par conséquent, nous allons voir une interconnectivité forte entre les états financiers et les états de durabilité.
Dans ce cas, le rôle de l’auditeur est-il d’auditer également les états de durabilité ?
Bien attendu. D’ailleurs, bientôt on parlera plus d’auditeurs financiers mais d’auditeurs tout court.
L’Audit, qu’il soit financier ou extra financier, restera la définition d’une approche, une identification et une évaluation des risques et des réponses pour couvrir les risques afin d’émettre une opinion.
C’est pour cela que dans les états de durabilité, on ne va pas arriver tout de suite à avoir le niveau d’assurance le plus élevé comme dans le cas des états financiers, car la maturité des entreprises n’est pas la même. De ce fait, dans un premier temps, nous serons sur une assurance limitée.
En dehors de l’Audit des informations en matière de durabilité, quelle autre évolution notable voyez-vous dans la profession d’auditeur ?
L’autre évolution importante est l’intégration de l’intelligence artificielle dans la profession.
On est tous confronté à une transformation de nos métiers.
La réflexion que l’on mène est : comment confier à des robots les tâches sans valeur ajoutée, répétitives et chronophages, afin de permettre à nos équipes de se focaliser sur des travaux à forte valeur ajoutée.
Ne craignez-vous pas que cette digitalisation menace à termes, la fonction d’auditeur ou d’expert-comptable ?
Ce qui sûr c’est que l’on ne peut pas continuer à faire de l’Audit ou de l’expertise-comptable « à la Papa ». C’est une marche forcée qui nous fera travailler autrement. Mais, bien évidemment l’humain sera toujours présent car les robots ne pourront pas tout faire.
Beaucoup d’observateurs estiment que l’expertise-comptable sera demain beaucoup plus axée sur le conseil stratégique et financier que sur la production comptable proprement dite. Qu’en pensez-vous ?
Chez nous à Mazars, l’expertise-comptable, on l’appelle l’expertise-conseil. C’est vous dire que le rôle premier de l’expert-comptable est d’être aux côtés des dirigeants, pour les accompagner dans les différentes étapes de la vie de l’entreprise.
Dernière question, pensez-vous que les textes qui régissent la profession sont suffisamment adaptés ? Ou estimez-vous qu’il y a lieu de les réformer ?
D’abord personnellement, je trouve qu’il y a trop de textes, en tout cas s’agissant de la France.
Je pense qu’à un moment donné, nous devons prendre du recul et faire une évaluation.
Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un process d’amélioration et les autorités doivent prendre en compte nos observations et surtout celles des préparateurs des états financiers (et aussi des états de durabilité). Je trouve qu’elles sont parfois un peu déconnectées de la réalité du terrain.
Pour ce qui concerne l’Afrique, notamment sa partie francophone, je trouve qu’il y a un copier coller des textes régissant la profession, sans prise de recul.
Les autorités et les différents corps de contrôle doivent intégrer davantage les réalités économiques et sociales locales car les entreprises n’ont pas les mêmes niveaux de maturité en France et en Afrique.
Je pense par exemple que l’aspect accompagnement et formation, doit être un élément clé à prendre en compte et à tous les niveaux.
Propos recueillis par A.C. DIALLO – © Magazine BUSINESS AFRICA