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« L’accès à l’énergie, la souveraineté alimentaire et la création d’emplois pour la jeunesse sont les bases de l’émergence du continent africain » Dr Mabouba DIAGNE, V-P chargé des Finances et des Services institutionnels- BIDC

Tout d’abord pouvez-vous nous dire quelques mots sur la BIDC ?

La BIDC est la banque d’investissement et de développement de la CEDEAO. Elle accompagne le secteur privé et le secteur public sur des programmes d’investissement présentant un fort potentiel d’impacts. Elle est issue de la transformation, en 1999, de l’ex-Fonds de Coopération, de Compensation et de Développement de la CEDEAO en un groupe bancaire dénommé Groupe de la BIDC. Le Fonds avait lui-même été créé en 1975, en même temps que le Secrétariat Exécutif de la CEDEAO (aujourd’hui Commission de la CEDEAO) et est devenu opérationnel en 1979. Sa contribution dans l’appui aux Etats-membres de la CEDEAO est estimée à près de 600 millions de dollars US. La BIDC a ainsi mobilisé des lignes de financement à travers le monde entier et est, depuis ces trois dernières années, très active sur le marché financier sous régional, notamment celui des obligations locales dans la zone UEMOA. Durant l’année 2023, elle a accompagné des gouvernements comme celui du Sénégal pour le Train Express Régional (TER) et celui de la Côte d’Ivoire pour un projet d’aménagement agricole de grande envergure.

Ne craignez-vous pas que la situation de crise politique que vit actuellement la sous région ouest africaine, impacte négativement sur les capacités de mobilisation de ressources financières de la BIDC ?

Il est vrai que lorsque nous levons des fonds, la question des crises politiques au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger, est souvent évoquée notamment avec les agences de notation. Mais si nous en jugeons par les performances enregistrées par la BIDC, ces crises n’ont pas été des obstacles majeurs.

Comment, dans ce cas, arrivez-vous en tant que banque d’investissement à vocation régionale, à vous adapter à ces nouvelles donnes ?

Vous savez, l’Afrique est un continent de challenge. Dans le contexte actuel, nous arrivons à surmonter les défis en misant sur d’autres pays plus stables comme la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo…

On parle beaucoup de perception du risque qui serait surévalué par les bailleurs de fonds s’agissant des pays africains. Êtes-vous de cet avis ?

Pour ma part, je crois que les responsabilités sont partagées. S’il est vrai que les partenaires occidentaux exagèrent quelques fois, il faut également que les pays africains assument leurs responsabilités. Aujourd’hui 90% des besoins alimentaires en Afrique sont importés. Et quand on voit ces centaines de jeunes africains qui meurent dans la mer par manque d’espoir, on est obligé d’attirer l’attention des dirigeants africains, afin qu’ils se concentrent sur l’essentiel, à savoir la sécurité alimentaire, la création d’emplois pour la jeunesse, l’accès à l’énergie.

Aujourd’hui il y a d’importantes ressources en pétrole et gaz qui sont découvertes dans les pays de la sous-région. Comment tirer profit de ses ressources sans compromettre l’avenir des générations futures ?

Un pays ne peut véritablement se développer que sur les ressources qu’il a. Les pays africains qui bénéficient de cette manne pétrolière ou gazière doivent, bien entendu, les utiliser. Mais en cherchant d’en tirer de la plus-value.

Un pays comme le Sénégal, au lieu de se contenter d’exporter du gaz, doit se donner les moyens d’exporter également les produits dérivés, autrement dit faire du « Gas to Power » et fournir les pays voisins comme le Mali, la Gambie, la Guinée-Bissau, qui ont un besoin crucial d’électricité. Pour aller plus loin, la production de gaz peut également permettre le développement d’une industrie de fertilisants, notamment de l’urée pour accroître la production agricole. Il y a donc des opportunités extraordinaires à saisir.

Si l’on suit votre raisonnement, l’accès à l’énergie serait donc un des facteurs essentiels de l’émergence économique des pays africains ?

Oui l’énergie, la souveraineté alimentaire et une politique de création d’emplois pour la jeunesse sont, à mon avis les bases de l’émergence économique du continent africain.

Propos recueillis par A.C. DIALLO – ©Magazine BUSINESS AFRICA

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