Lazeni COULIBALY est le directeur général de la SOCOMCI (Société des Commodités de Côte d’Ivoire). Créée en 2014, cette société anonyme a pour activité principale la production, la transformation et la distribution du riz local ivoirien. Elle importe également du riz en provenance d’Asie.
Dans cet entretien, Monsieur COULIBALY présente les défis de la filière riz local ainsi que les moyens de les relever. Il évoque également les grandes ambitions qu’il nourrit pour la SOCOMCI.
Pouvez-vous nous brosser la situation actuelle de la filière riz en Côte d’Ivoire ?
La filière riz se porte de mieux en mieux en Côte d’Ivoire.
Il faut dire que ces dernières années, l’État ivoirien a décidé d’y mettre un accent particulier. Cela a commencé par l’acquisition de 30 usines pour le riz local, qui ont été installées sur tout le territoire ivoirien, en raison d’une usine par région. Sur ces 30 usines, la SOCOMCI s’est vue attribuer les 4 usines des régions du Nord du pays, devenant ainsi un des leaders de pool.
Le riz est-il, aujourd’hui devenu une denrée de grande consommation en Côte d’Ivoire ? Avez-vous des chiffres ?
Le riz est consommé par les populations ivoiriennes à hauteur de 90%.
Je peux également dire qu’aujourd’hui la Côte d’Ivoire produit environ 1 million de tonnes de riz local sur une consommation nationale qui tourne autour de 3.200.000 tonnes par an. L’importation de riz est évaluée à 2 millions de tonnes par an.
Compte tenu de cette forte consommation, comment faire en sorte que progressivement la production locale remplace le riz importé ?
C’est cela le véritable défi.
Le premier levier est qu’il fallait une volonté politique ferme. Aujourd’hui cette volonté politique est pleinement affirmée.
Il faut dire que la crise sanitaire, avec les pénuries en tout genre qui en ont suivi, a certainement convaincu les pouvoirs politiques africains de l’importation de la sécurité alimentaire, autrement dit, de produire localement et de consommer ce que nous produisons.
Mais est-ce que le riz peut avoir le même succès que le café-cacao ?
La terre et le climat en Côte d’Ivoire sont-ils, selon vous, favorables à la culture du riz ?
Je crois que la terre vietnamienne n’est pas plus propice à la culture du riz que la terre ivoirienne. La Côte d’Ivoire peut produire du riz pour les ivoiriens et même exporter le surplus dans la sous-région.
Tout cela pour dire que la terre et le climat de la Côte d’Ivoire sont très favorables à la culture du riz et le riz peut bien sûr avoir le même succès que la filière café-cacao en Côte d’Ivoire.
Concrètement, que faut-il faire pour transformer ce désir en réalité ? Qu’attendez-vous des pouvoirs publics ivoiriens en ce sens ?
Ce qu’on attend des pouvoirs publics, c’est de s’impliquer davantage dans l’organisation, la structuration et la formation des acteurs de la filière riz local.Nous leur demandons également de s’impliquer davantage dans la question de financement des promoteurs de la filière riz local.
En effet le financement est une des difficultés majeures que rencontrent les acteurs de la filière.
Enfin nous demandons à l’Etat de mettre en place un système de péréquation, permettant aux seuls producteurs de riz local d’importer du riz proportionnellement à la quantité de leur production.
Le problème ne vient-il pas, aussi, du fait que le riz importé coûte moins cher sur le marché que le riz local ?
On peut dire comme ça mais ce n’est pas tout à fait exact.
Le riz importé peut coûter moins cher que le riz local parce que tout simplement ce dernier n’est pas produit dans les mêmes conditions.
Si les problèmes que j’ai déjà évoqués et qui ont trait au financement, à la formation, à la structuration mais aussi à la disponibilité des intrants à faible coût, étaient réglés, je vous assure que le riz local coûterait le même prix que le riz importé.
En tant que directeur général, pouvez-vous nous dire quels sont les grands projets que la SOCOMCI envisage de mener dans les années à venir ?
Nous allons tout d’abord moderniser l’outil de production, par la mise à niveau des 4 usines que l’État nous a octroyé. Nous sommes d’ailleurs en négociation avec une banque de la place pour le financement de cette mise à niveau.
Par ailleurs, grâce aux fondations Heineken et Louis Dreyfus, nous avons pu former et structurer plus de 12.000 fermiers de notre zone, regroupés en coopératives. Cela permettra de produire du riz local en qualité et en quantité et donc d’en augmenter fortement le rendement.
L’autre projet que nous avons est la construction d’une usine de très grande capacité, respectant les standards internationaux.
Nous sommes en discussions avancées avec des partenaires financiers et industriels afin que ce projet voit le jour dans les meilleurs délais.
Propos recueillis par A.S. TOURE
© Magazine BUSINESS AFRICA – 2022