Avec la crise sanitaire les modes de fonctionnement de nombreuses entreprises ont été bouleversés et beaucoup de professions se sont retrouvées à l’arrêt. Ces changements brutaux se sont accompagnés de conséquences économiques qu’il s’agissait de prévenir et de limiter. Un an plus tard, l’heure n’est pas encore au bilan mais on peut d’ores et déjà tirer quelques enseignements.
BUSINESS AFRICA a rencontré Sahid YALLOU, directeur général d’Ecobank Sénégal, pour recueillir son analyse de la situation et les mesures prises par l’établissement qu’il dirige pour soutenir la reprise de l’activité, notamment des PME sénégalaises.
Quel peut être selon vous l’apport des banques africaines pour atténuer l’impact de la crise sanitaire et assurer les conditions d’une relance économique post crise ?
La crise sanitaire est venue avec son lot de difficultés mais elle a également permis de tester le degré de résilience des économies et particulièrement du système financier. Notre système bancaire est relativement jeune mais depuis que nos économies se sont modernisées c’est la première fois que nous subissons une crise aussi profonde que brutale. Il est heureux de constater que les banques africaines ont pu résister, plus particulièrement dans la zone UEMOA où on a pu se rendre compte que les fondamentaux des banques sont restés solides. Et cela on le doit au régulateur, c’est-à-dire la BCEAO qui, très tôt a pris des mesures fortes, anticipatives et bien éclairées pour assurer la stabilité du système financier en garantissant l’accès à la liquidité mais également en accommodant les règles prudentielles pour permettre de stabiliser les portefeuilles. Ceci a permis aux banques de pouvoir soutenir non seulement leurs propres fondamentaux mais également de pouvoir accompagner les clients qui ont été durement impactés par cette crise.
Par ailleurs, vous avez certainement pu constater que les émissions de titres publics des États sur les marchés financiers ont été réalisées avec succès. Tout ceci montre très clairement que les banques sont engagées à soutenir les économies nationales afin qu’elles retrouvent leur vitesse d’avant crise.
Quelles ont été les actions spécifiquement menées par Ecobank Sénégal dans l’optique de minimiser l’impact de cette crise ?
Pendant cette période de crise, notre objectif principal, aussi bien à Ecobank Sénégal qu’à l’échelle du groupe, a été de démontrer notre capacité de résilience. Pendant la période de fermeture des frontières, le volume des transactions a fortement baissé. Notre activité a été à ce moment durement impactée. Il a fallu faire preuve d’imagination pour maintenir notre niveau d’activité et grâce aux nombreux efforts, nous avons même pu légèrement améliorer notre résultat annuel. Côté expérience-client, nous avons accompagné efficacement nos clients particuliers comme entreprise, avec nos solutions digitales. Le nombre et la valeur de nos transactions digitales a connu une très forte croissance.
En tant que Directeur Général d’Ecobank Sénégal, quels enseignements tirez-vous de cette crise ?
Cette crise nous a révélé la pertinence du choix stratégique que le groupe Ecobank a fait il y a cinq ans, d’investir pleinement dans la digitalisation. On a pu offrir à nos clients, des services à distance qui ont permis la continuité des activités tout en respectant la distanciation physique.
Justement parlant de cette digitalisation, quels en ont été les faits marquants ?
D’abord je tiens à préciser que plus qu’un choix, le digital est aujourd’hui devenu une obligation, notamment pour les banques et institutions financière. Au sein du groupe nous avons vite perçu cette nécessité et en 2016, le groupe a intégré la digitalisation comme un élément majeur de sa stratégie. Le premier fait marquant est d’avoir réussi à implémenter la culture de la banque à distance, notamment grâce à notre application mobile. Aujourd’hui, lorsque vous êtes client particulier chez Ecobank, vous n’avez besoin de venir à l’agence que pour signer un document ou demander un crédit. Pour tout le reste, il est possible de le faire à distance, à partir d’un smartphone. Nous sommes allés plus loin en permettant de pouvoir se connecter sans internet à certains services avec le code USSD #2222#.
La digitalisation nous a également permis d’élargir le périmètre de la clientèle cible de la banque et de franchir un pas vers l’inclusion financière. En effet avec notre application, le client peut ouvrir un compte Xpress qui est certes un compte digital limité en termes de volume de transactions mais qui donne plus de liberté tout en offrant une expérience-client unique. Nous avons pu quasiment doubler le nombre de nos clients en l’espace de cinq ans grâce à cette application.
Le processus de digitalisation s’est également renforcé dans le segment de services aux entreprises et aux gouvernements.
La dernière étape que nous avons engagée il y a un an, concerne notre capacité technologique à pouvoir intégrer et accompagner les fintechs dans leur projet d’offrir des services innovants. Nous nous positionnons aujourd’hui comme une banque plateforme ouverte et servant de pont entre ce monde d’entrepreneur investi dans l’innovation technologie, les services financiers, le régulateur etc. Nous sommes d’ailleurs, à juste titre reconnus sur le marché comme le pionnier et un maillon essentiel de la digitalisation des services bancaires.
La problématique du financement des PME demeure crucial en Afrique, quelle est l’approche d’Ecobank Sénégal sur cette question ?
En réponse à la problématique du financement des PME, le groupe Ecobank a signé un mémorandum d’entente avec l’Union Africaine pour adresser cet important levier dans le développement de l’Afrique. Cet accord concerne le financement des PME mais aussi un accompagnement non financier. Et à Ecobank Sénégal, nous avons fait notre, cette ambition d’autant plus que dans le pays, 99% des entreprises sont des PME.
Par ailleurs, la BCEAO a mis en place il y a un peu plus de deux ans, le dispositif PME. C’est un dispositif innovant en termes de réglementations bancaires et qui incite véritablement les banques à financer davantage ce segment en leur offrant certains avantages. C’est dans la poursuite de cet objectif que nous avons multiplié des partenariats avec des structures comme L’ADEPME, structure étatique en charge du développement de l’écosystème des PME, l’UNACOIS (l’une des plus grandes faîtières regroupant les commerçants) pour laquelle nous avons dégagé une enveloppe de FCFA 15 milliards pour accompagner les distributeurs et revendeurs, avec des conditions de garantie très light et une grille tarifaire hautement compétitive. Nous avons récemment structuré avec l’ADEPME le financement d’une centaine de jeunes pousses choisies à travers le concours Business Plan.
Nous sommes irrémédiablement investis dans cette mission de pouvoir apporter une réponse pertinente et audacieuse à la question du financement des PME au Sénégal.
Dernière question, sur quels grands chantiers Ecobank Sénégal compte inscrire ses actions ?
Notre chantier numéro 1 reste bien évidemment le digital car notre ambition est de nous positionner comme une banque plateforme, de faire l’open-banking l’un de nos piliers phares, suffisamment agile, disponible et apportant des réponses pertinentes aux besoins du client.
Notre deuxième priorité, est le financement des PME-PMI, comme expliqué tantôt.
Le troisième grand chantier que nous avons, c’est l’approfondissement du marché financier. Nous avons un marché obligataire et un marché des actions à la BRVM, assez bien connus. Mais nous avons aussi un marché monétaire géré par UMOA TITRES et traitant surtout des titres publics. Fort de notre licence de SVT (Spécialiste en Valeur du Trésor), nous voulons être un acteur majeur dans l’animation et la dynamisation du compartiment secondaire, pour en faire un instrument d’approfondissement du marché dans la sous-région.
Propos recueillis par A.S. TOURE
©Magazine BUSINESS AFRICA – 2021