Ouissem BARBOUCHI pr├®side OBAFRICA AM, une soci├®t├® de gestion d’actifs, de droit marocain cr├®├®e en 2014 en partenariat avec La Financi├¿re de lÔÇÖEchiquier, soci├®t├® de gestion fran├ºaise. LÔÇÖactivit├® principale dÔÇÖOBAFRICA est dÔÇÖinvestir sur le long terme dans des soci├®t├®s africaines cot├®es en bourse, offrant des valorisations attrayantes et des perspectives de forte croissance. La soci├®t├® g├¿re un fonds panafricain en partenariat avec La Financi├¿re de lÔÇÖEchiquier, elle dispose ├®galement d’un mandat de gestion au Maroc et en Tunisie pour le compte dÔÇÖun fonds de pension scandinave.
Quelles appr├®ciations avez-vous des bourses africaines, leurs performances sont-elles, selon vous, satisfaisantes ?
A lÔÇÖ├®chelle de la plan├¿te, les bourses africaines restent relativement petites. Il y a aujourdÔÇÖhui environ 1500 soci├®t├®s cot├®es en Afrique pour une capitalisation boursi├¿re dÔÇÖenviron 500MdsÔé¼. CÔÇÖest ├á peine deux fois la capitalisation boursi├¿re de LVMH┬á! En mati├¿re de performance, la majorit├® des bourses africaines affiche des niveaux satisfaisants sur une longue p├®riode et en devise locale. Sur 10 ans[1], les bourses dÔÇÖAfrique du Sud, dÔÇÖ├ëgypte ou du Nig├®ria sont respectivement en hausse de 83%┬á; 65% et 14%. Ces performances passent dans le rouge lorsquÔÇÖelles sont converties en Euro avec respectivement -10%┬á; -28% et -45%. Sur une longue p├®riode, tr├¿s peu de devises africaines ont offert de la stabilit├® et de la visibilit├® aux investisseurs ├®trangers. Seuls le Franc CFA (index├® ├á lÔÇÖEuro), le dirham marocain ou la roupie mauricienne ont affich├® une relative stabilit├®.
En tant quÔÇÖacteur majeur du secteur, quels sont selon vous les principaux freins ├á lÔÇÖ├®mergence de vraies places boursi├¿res en Afrique? et quelles sont les mesures susceptibles de donner un coup dÔÇÖacc├®l├®rateur┬á?
Au-del├á des sujets habituels que sont le risque politique et le risque devise qui sont une entrave ├®vidente ├á lÔÇÖ├®mergence des places boursi├¿res africaines, jÔÇÖidentifie trois autres freins majeurs.
Le premier est li├® au niveau de rendement quÔÇÖoffrent les bons du tr├®sor des pays africains. Certains pays ├á lÔÇÖinstar du Kenya offrent aujourdÔÇÖhui des taux r├®els qui restent plus attractifs que les rendements offerts par le march├® action.
Le deuxi├¿me est li├® ├á la liquidit├® quÔÇÖoffre la plupart des march├®s actions africains. Au Maroc, 2├¿me plus gros march├® africain en capitalisation boursi├¿re cumul├®e (60MdsÔé¼), les volumes ne d├®passent gu├¿re les 2MÔé¼ certaines s├®ances.
Le troisi├¿me est li├® aux co├╗ts de transaction. Ces derniers peuvent d├®passer les 100 points de base sur certains march├®s comme la Bourse R├®gionale des Valeurs Mobili├¿res, soit des niveaux 20 fois sup├®rieurs ├á ceux observ├®s sur la plupart des bourses dÔÇÖEurope ou dÔÇÖAm├®rique du Nord.
Ces trois freins ne sont pas g├®n├®ralisables ├á toutes les bourses africaines et il est important de rappeler que chaque bourse a sa propre dynamique. Il existe plusieurs pistes pour donner une nouvelle dynamique aux march├®s boursiers africains.
Il faut dÔÇÖabord la mise en place dÔÇÖun ├®cosyst├¿me permettant aux investisseurs, quÔÇÖils soient locaux ou ├®trangers, personnes physiques ou morales, dÔÇÖinvestir avec de la visibilit├® sur le moyen / long terme. Cet ├®cosyst├¿me passe par la cr├®ation dÔÇÖacteurs institutionnels (fonds de pension, assureurs) mais aussi par la mise en place dÔÇÖun cadre fiscal incitatif pour les personnes physiques ├á travers par exemple lÔÇÖexon├®ration des plus-values ou des dividendes.
Il faut aussi et surtout que les ├®metteurs jouent le jeu. En effet, trop dÔÇÖentreprises africaines se limitent au minimum en mati├¿re de communication financi├¿re et refusent quasi syst├®matiquement les rendez-vous demand├®s par les investisseurs. Malheureusement, trop dÔÇÖentreprises oublient combien la bourse peut leur ├¬tre utile sur le long terme. Diversifier le financement de la croissance, accro├«tre la notori├®t├® et r├®gler dans certains cas des probl├®matiques patrimoniales sont autant dÔÇÖarguments qui militent pour inciter les entreprises ├á aller en bourse et en respecter les r├¿gles.
Quels sont, sur le continent africain, les secteurs dÔÇÖactivit├®s o├╣ il serait aujourdÔÇÖhui int├®ressant dÔÇÖinvestir ?
Le continent africain compte aujourdÔÇÖhui 1,2mds dÔÇÖhabitant dont la moiti├® a moins de 24 ans. Pour cette population, les enjeux sont immenses. Elle constitue le terreau dÔÇÖune classe moyenne qui finira par ├®merger. Il faudra dans un premier temps la nourrir, lÔÇÖhabiller, lÔÇÖ├®duquer, la soigner. Dans un second temps, il faudra lui donner les moyens de se loger, dÔÇÖ├®pargner, de sÔÇÖassurer. De fait, tous les secteurs b├®n├®ficieront de lÔÇÖ├®mergence de cette classe moyenne. Au sein dÔÇÖOBAFRICA, nous privil├®gions les secteurs de la consommation de base, de lÔÇÖ├®ducation, de la sant├® et de lÔÇÖassurance.
Comment le Covid 19 a-t-il impact├® les bourses africaines et ├á quelle ├®ch├®ance peut-on esp├®rer avoir des valorisations ├®quivalentes ├á celles avant le Covid 19 ?
Au 16 octobre, lÔÇÖAfrique comptait 1,6 millions de cas et 39 000 morts. CÔÇÖest ├á peu de chose pr├¿s, ├á la m├¬me p├®riode, autant de morts que la France pour une population 20 fois sup├®rieure. Malgr├® un impact relativement limit├® de la COVID 19, les bourses africaines ont ├®t├® s├®v├¿rement affect├®es en 2020. En bas du classement, figurent lÔÇÖIle Maurice (-32% en MUR┬á; -41% en Ôé¼), la BRVM (-23% en XOF) et le Ghana (-18% en GHS┬á; -23% en Ôé¼). En excluant le Zimbabwe (+540%) dont la performance boursi├¿re ne refl├¿te pas une r├®alit├® de march├®, seuls le Rwanda (+9,5% en RWF┬á; 1,4% en Ôé¼), le Nig├®ria (+6,8%) et le Malawi (+3,6%) sont en territoire positif.
En mati├¿re de valorisation, ce sont aujourdÔÇÖhui la BRVM, le Kenya et le Nig├®ria qui affichent les niveaux de valorisation les plus attractifs avec des multiples de r├®sultat net / capitalisation boursi├¿re (Price Earning ratio) de respectivement 6 fois ; 9 fois et 10 fois[2].
Au sein dÔÇÖOBAFRICA AM, cÔÇÖest le march├® ├®gyptien que nous appr├®cions le plus actuellement. Avec plus de 100 millions dÔÇÖhabitants, lÔÇÖ├ëgypte est aujourdÔÇÖhui le troisi├¿me pays le plus peupl├® derri├¿re le Nig├®ria et lÔÇÖ├ëthiopie. Selon le FMI, le pays devrait afficher une croissance de 3,5% en 2020. Une performance remarquable compte tenu de la crise mondiale actuelle.
Aussi, apr├¿s plusieurs ann├®es dÔÇÖinflation ├á deux chiffres faisant suite au passage au r├®gime de change flottant de 2016, le pays a d├®sormais retrouv├® des niveaux plus normatifs (4-5%).
Le march├® ├®gyptien est, avec les march├®s sud-africain et marocain, celui qui affiche le niveau de maturit├® le plus ├®lev├®. A cela sÔÇÖajoutent des ├®quipes dirigeantes de qualit├® et une communication financi├¿re claire et transparente. Le march├® ├®gyptien compte aujourdÔÇÖhui un peu plus de 250 soci├®t├®s cot├®es dans des secteurs allant de lÔÇÖ├®ducation ├á la sant├® en passant par les syst├¿mes de paiement. Le tout avec des niveaux de valorisation particuli├¿rement attractifs (Price Earning┬á: 14 fois) Autant dÔÇÖ├®l├®ments qui militent pour y rester investi sur le long terme !
[1] du 16 octobre 2010 au 16 octobre 2020
[2] Source : Bloomberg
┬® Magazine BUSINESS AFRICA – 2020
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