Par Simplice G. ZouhonBi
Directeur Ex├®cutif de IDCNx, cabinet de conseil en strat├®gie et gestion des politiques publiques. Il a ├®t├® Conseiller Economique Principal aux Nations Unies et Expert Economiste ├á la Banque Mondiale et ├á la BAD. Il est lÔÇÖauteur dÔÇÖune r├®cente ├®tude (2019) ÔÇ£Economic Growth and Convergence: How Far is China from Africa? ÔÇØ
Une multitude d’├®tudes ont confirm├® que les pays investissant davantage dans le capital humain (├®ducation, exp├®rience et formation professionnelle, et sant├®) ont tendance ├á atteindre une croissance ├á long terme plus ├®lev├®e (notamment gr├óce ├á lÔÇÖam├®lioration de la productivit├® et ├á une meilleure capacit├® dÔÇÖinnovation), ├á renforcer les bases de la cr├®ation dÔÇÖemplois et de la r├®duction de la pauvret├®, et ├á r├®aliser des progr├¿s plus rapides vers la prosp├®rit├®.
Avec des externalit├®s positives comme une participation citoyenne accrue ├á la vie politique, ├®conomique, sociale et culturelle ainsi quÔÇÖune baisse des conflits et une consolidation de la paix.
Dans ce contexte, lÔÇÖ├®ducation re├ºoit une plus grande attention en tant quÔÇÖun des piliers cl├®s de la formation du capital humain et de la comp├®titivit├® de chaque pays. Notamment depuis le d├®but des ann├®es 2000 dans le cadre des initiatives en faveur des objectifs du millenium pour le d├®veloppement et avec lÔÇÖacc├®l├®ration de la globalisation, tir├®e par lÔÇÖ├®conomie du savoir, lÔÇÖinnovation et le commerce.
Ainsi, plusieurs pays ont d├®cr├®t├® lÔÇÖ├®cole gratuite et/ou obligatoire jusquÔÇÖ├á lÔÇÖ├óge de 16 ans. Encore voudraient ils sÔÇÖassurer de lÔÇÖacc├¿s de ces jeunes ├á une ├®duction de qualit├®.
Le Programme international de lÔÇÖOCDE pour lÔÇÖ├®valuation des comp├®tences des ├®l├¿ves (PISA)
Dans cette perspective, lÔÇÖOCDE a lanc├® au cours de lÔÇÖann├®e 2000 un programme international pour le suivi des acquis des ├®l├¿ves (PISA en anglais). Ce test est organis├® tous les trois ans en vue dÔÇÖ├®valuer les connaissances des ├®l├¿ves de 15-16 ans et de d├®terminer ce quÔÇÖils peuvent faire gr├óce ├á leurs connaissances dans les pays membres et non-membres de lÔÇÖOCDE. Il ├®value sp├®cifiquement
le niveau de comp├®tence des ├®l├¿ves en compr├®hension de lÔÇÖ├®crit, en math├®matiques et en sciences. Le plus r├®cent test du PISA a ├®t├® organis├® en 2018.
Malgr├® les limites de lÔÇÖapproche m├®thodologique du PISA (Yong Zhao, 2019), notamment lÔÇÖabsence dÔÇÖ├®valuation dÔÇÖautres connaissances essentielles acquises ├á travers le syst├¿me ├®ducatif dans des contextes socio-culturels diff├®rents de ceux de lÔÇÖOCDE, ce test fournit des informations importantes sur la qualit├® de lÔÇÖ├®ducation aux responsables de politiques publiques, en compl├®ment des r├®sultats dÔÇÖautres tests internationauxii .
Les r├®sultats du PISA ne sont pas directement comparables ├á lÔÇÖIndice de D├®veloppent Humain (Nations Unies), lequel combine trois indicateurs : lÔÇÖesp├®rance de vie, le PIB par habitant, et le niveau dÔÇÖinstruction de la population mesur├® par la dur├®e moyenne de scolarisation et le taux dÔÇÖalphab├®tisation. LÔÇÖon peut par contre approfondir lÔÇÖanalyse des relations entre les r├®sultats du syst├¿me ├®ducatif (tel que mesur├® partiellement par le PISA), lÔÇÖaccumulation de capital humain et les performances des pays en termes de croissance ├®conomique (Coulombe et al, 2004) et dÔÇÖinnovation.
Les r├®sultats du PISA 2018iii
A ce jour, 90 pays -dont les USA, le Chili, la Chine, le Canada, la Su├¿de, lÔÇÖAllemagne, Costa-Rica, la R├®publique Dominicaine, le Maroc, la Serbie, Singapour, le Vietnam et plusieurs autres pays dÔÇÖAsie, dÔÇÖEurope, dÔÇÖAm├®rique Latine et de lÔÇÖOc├®an Indien- ont particip├® aux tests du PISA. 80 pays en 2018 contre 43 au lancement du programme en 2000.
Selon lÔÇÖOCDE, ┬½ les r├®sultats de 2018 montrent que les ├®l├¿ves de 15 ans de la Chine et de Singapour ont obtenu des scores en compr├®hension de lÔÇÖ├®crit, en math├®matiques et en sciences nettement sup├®rieurs ├á ceux de tous les autres pays et ├®conomies qui ont particip├® aux tests. LÔÇÖEstonie, le Canada, la Finlande, lÔÇÖIrlande et la Cor├®e du Sud ont ├®t├® les pays de lÔÇÖOCDE les plus performants ┬╗.
LÔÇÖAfrique Sub-Saharienne, grande absente des ├®valuations internationales des connaissances des ├®l├¿ves dans le cadre du PISA
Aucun des (48) pays de lÔÇÖAfrique Sub-Saharienne nÔÇÖa particip├® ├á ce test international PISA dÔÇÖ├®valuation du niveau de connaissance des ├®l├¿ves, depuis son lancement en 2000. Alors que les cadres strat├®giques de ┬½ r├®duction de la pauvret├® ┬╗, pr├®par├®s au d├®but des ann├®es 2000 par les pays africains et des institutions internationales, et les plans dÔÇÖaction pour les OMD ont permis de consacrer des d├®penses plus importantes aux secteurs de lÔÇÖ├®ducation et de la sant├®. Principalement avec les ├®conomies r├®alis├®es sur le remboursement de la dette dans le cadre de lÔÇÖinitiative en faveur des pays ├á faible revenu et tr├¿s endett├®s, mais aussi des fonds provenant du budget national des Etats et des partenaires au d├®veloppement.
Ces efforts ont contribu├® ├á lÔÇÖam├®lioration du taux net de scolarisation des ├®l├¿ves dans le primaire et le secondaire en Afrique, lequel a respectivement atteint 78 % et 35 % en 2017, contre 60 % et 21% en 2000 (UNESCO, 2019). Ceci, dans un contexte dÔÇÖaccroissement rapide de la population jeune de moins de 24 ans, lequel repr├®sente aujourdÔÇÖhui 60% de la population du continent. Une question r├®currente reste la qualit├® de cette ├®ducation, notamment par rapport aux normes internationales et son ad├®quation aux besoins de lÔÇÖ├®conomie.
Certes, des exercices dÔÇÖ├®valuation des r├®sultats de lÔÇÖ├®ducation existent au niveau de chaque pays ou de groupes de pays africains. Mais, ils sont moins fr├®quents et nÔÇÖoffrent pas une base factuelle de comparaison internationale de la qualit├® de lÔÇÖ├®ducation, notamment avec les pays les plus performants (Chine, Japon, Cor├®e du Sud, Canada, Finlande, etc.) et dÔÇÖautres pays de m├¬me niveau de d├®veloppement.
Nous notons quÔÇÖune ├®tude r├®cente de la BAD (Morsy et Mukasa, 2020), sur la base de donn├®es dÔÇÖenqu├¬tes du BIT, a confirm├® une forte inad├®quation entre la formation des jeunes et lÔÇÖemploi dans une dizaine de pays africainsiv. Le test du PISA permettrait d├®j├á une ├®valuation des
fondamentaux de lÔÇÖ├®ducation primaire et secondaire, avec des comparaisons de performance entre les pays africains et les autres pays, de m├¬me niveau de d├®veloppement ou d├®velopp├®s.
En outre, le co├╗t par pays de cet investissement pour lÔÇÖ├®valuation de la qualit├® de lÔÇÖ├®ducation, est faible, ├á moins de 700 000 Euros sur 3 ans par nouveau pays participant.
La prochaine ├®valuation mondiale de lÔÇÖ├®ducation (PISA) en 2021: une opportunit├® pour lÔÇÖAfrique, et un test du leadership des institutions r├®gionales en faveur du d├®veloppement du capital humain
La prochaine ├®valuation internationale des comp├®tences des ├®l├¿ves initialement pr├®vue en 2021 dans le cadre du PISA, sera finalement organis├®e en 2022 pour tenir compte des difficult├®s du monde de lÔÇÖapr├¿s COVID-19. Elle offre une nouvelle opportunit├® pour une participation des pays de lÔÇÖAfrique Subsaharienne et une ├®valuation de la comp├®titivit├® de leur syst├¿me ├®ducatif (primaire et secondaire), avec une analyse de lÔÇÖimpact du Covid-19 sur les performances des ├®l├¿ves, toutes choses ├®tant ├®gales par ailleurs. En b├®n├®ficiant des enseignements de la participation de la Tunisie (2000-2015), de lÔÇÖAlg├®rie (2015), du Maroc (2018) et dÔÇÖautres pays en d├®veloppement (Tha├»lande, Vietnam, etc.) ├á cet exercice.
Compte tenu du r├┤le catalyseur de lÔÇÖ├®ducation pour la r├®alisation de lÔÇÖAgenda 2063 de lÔÇÖUnion Africaine, la transformation socio-├®conomique du continent et le d├®veloppement durable (dont lÔÇÖobjectif #4 est une ├®ducation de qualit├®), la Banque Africaine de D├®veloppement et la Commission Economique pour lÔÇÖAfrique devraient joindre leurs efforts pour soutenir la pr├®paration et une participation des pays dÔÇÖAfrique Sub-Saharienne ├á cette ├®valuation et ├á dÔÇÖautres ├®valuations internationales pertinentes de lÔÇÖ├®ducation. Et contribuer ├á lÔÇÖanalyse technique des r├®sultats ainsi quÔÇÖ├á la formulation dÔÇÖun plan dÔÇÖaction dans le cadre de strat├®gies nationales de d├®veloppement du capital humain (├®ducation, formation professionnelle et sant├®), sous le leadership de chaque Gouvernement et de lÔÇÖUnion Africaine, en partenariat avec les autres agences sp├®cialis├®es des Nations Unies (UNICEF, UNESCO, BIT etc.).
Ce serait un pas important dans la bonne direction pour soutenir, avec plus dÔÇÖefficacit├®, les Gouvernements face aux d├®fis de lÔÇÖ├®ducation et de lÔÇÖemploi des jeunes, am├®liorer la comp├®titivit├® du capital humain, et renforcer les bases dÔÇÖune transformation structurelle de lÔÇÖ├®conomie et de la prosp├®rit├® en Afrique.
*PISA: Programme for International Student Assessment
i https://ssrn.com/abstract=3635867
ii Notamment le TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study) qui ├®value les connaissances en math et en sciences des ├®l├¿ves dans plusieurs pays (57 pays en 2015) depuis 1995.
iii https://www.oecd.org/pisa/PISA-results_ENGLISH.png
iv Benin, Congo, Egypte, Liberia, Madagascar, Malawi, Ouganda, Tanzanie, Togo et Zambie
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