INTERVIEWLA UNE

«Les disparités de genre coûtent cher à nos économies» Jocelyne N’GUESSAN, Directeur Général Adjoint Corporate – Banque Atlantique C.I

Madame N’Guessan, comment percevez-vous l’évolution du leadership féminin dans le secteur financier en Afrique ces dernières années ?

D’abord, permettez-moi de rendre hommage à toutes ces femmes et jeunes filles qui aspirent à des rôles de leadership.
A elles, je dis : persévérez, croyez en vos capacités, restez passionnées et soyez en permanence des solutions.
Concernant l’évolution du leadership féminin, il est indéniable que la présence féminine dans le secteur financier s’accroît. Les femmes occupent des rôles de plus en plus significatifs, bien qu’elles ne soient pas encore majoritaires aux niveaux les plus élevés.
Ces femmes apportent rigueur, détermination et une capacité à influencer positivement leurs environnements de travail.
Volontaires, engagées, appliquées, en assumant les missions qui leur sont confiées.
Elles apportent autant à leurs équipes qu’à leur hiérarchie, l’obsession du travail bien fait dans leurs prises de décisions, la cohérence, l’écoute et la sérénité.
Le leadership se cultive et j’espère que dans cinq ans, le temps aura naturellement permis à d’autres femmes de s’épanouir dans leurs parcours professionnels, entrainant l’émergence de nouveaux talents.

Le management féminin dans le secteur financier diffère-t-il vraiment de celui d’autres secteurs ?

Votre question suppose une différenciation que je ne constate pas.
Le management féminin est universel, qu’il s’applique à la finance ou à tout autre secteur.
Il repose sur l’empathie, la capacité d’adaptation et une gestion fine des émotions.
Les femmes construisent des relations de confiance, essentielles pour mobiliser et diriger les équipes vers les objectifs communs.
Relation de confiance basée sur un savoir-faire démontré, une sincérité dans les échanges, une transparence dans l’action.
Loin des stéréotypes qui prônent une approche plus agressive, les femmes prouvent que compassion et résilience sont des leviers de leadership efficaces.

Certains qualifient le management féminin de bienveillant, d’émotionnel, d’autres parlent d’impasse ou de clivage. Quel est votre avis ?

Je préfère redéfinir le débat.
Les femmes apportent effectivement un style de management recherché par les entreprises modernes, caractérisé par une approche relationnelle et transformative.
Particulièrement attentives aux enjeux de diversité, les femmes ont initié une véritable dynamique de transformation qui s’est avérée être un moteur de progrès pour l’entreprise.
Cette aspiration au changement contribue activement à l’innovation et à l’amélioration des performances.
En effet, une étude de Morgan Stanley et Goldman Sachs montre que les entreprises avec une forte présence féminine dans le top management affichent de meilleures performances.
Ceci n’est pas dû au hasard, mais au fait que la diversité dans les équipes de direction conduit à des décisions plus réfléchies et inclusives.

Est-il, selon vous, nécessaire d’adopter des mesures législatives ou réglementaires pour assurer une meilleure représentation féminine dans les COMEX, comme c’est le cas dans certains pays ?

Bien que réticente à la contrainte, je reconnais que si elle s’avère nécessaire pour briser les plafonds de verre, alors elle est bienvenue.
Les disparités de genre coûtent cher à nos économies, et des mesures pour promouvoir l’égalité des chances sont bénéfiques. Les législations peuvent catalyser le changement là où la volonté fait défaut.

Quel rôle jouent les conjoints dans la carrière professionnelle des femmes cadres ?

René Écochard, professeur d’écologie humaine, nous enseigne que chacun sait combien l’accueil de la psychologie de l’autre comme une richesse est indispensable pour l’épanouissement de la vie conjugale.
L’équilibre vie professionnelle-vie personnelle est essentiel, et les conjoints qui soutiennent les ambitions professionnelles de leurs partenaires contribuent grandement à leur réussite fussent-ils hommes ou femmes.

A votre avis, quels sont les principaux obstacles que rencontrent encore les femmes pour accéder à des postes de leadership ?

Le temps est favorable à l’éclosion du potentiel professionnel des femmes dans tous les secteurs d’activité.
Simone de Beauvoir écrivait en 1949 : « On ne naît pas femme, on le devient ».
Plutôt que d’insister sur les contraintes, je préfère me focaliser sur la détermination des femmes notamment africaines à réussir. Cet élan est à saluer.
Les barrières socioculturelles persistent, mais la dynamique est en train de changer. La visibilité des femmes réussissant dans leurs carrières crée un cercle vertueux, encourageant d’autres à suivre.
Dans le secteur financier ivoirien, comme dans d’autres domaines économiques, les femmes prouvent qu’elles apportent des méthodes de travail innovantes, favorisent une diversification des opinions et injectent un dynamisme renouvelé.
Les défis existent, mais l’accent devrait être mis sur la capacité des femmes à surmonter ces obstacles grâce à leur détermination.

Au regard de votre expérience et de votre parcours, être une femme a-t-il été un avantage ou un défi supplémentaire ?

Pour moi, être une femme n’a ni été un avantage ni un défi en soi.
Ma mission a toujours été de réussir les tâches qui me sont confiées, indépendamment de mon genre.
Au quotidien, je m’investis dans mes différentes fonctions car j’ai toujours autant d’appétit à réussir de manière saine mais non moins déterminée.
Mes valeurs m’ont guidée à être juste et efficace, voyant chaque obstacle comme une occasion d’apprendre et de m’améliorer.

Propos recueillis par A.C. DIALLO – ©Magazine BUSINESS AFRICA

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page