INTERVIEWLA UNE

“ La gestion d’actifs en Afrique, un levier de catalyseur de la croissance de vos revenus et de prospérité économique ” Idrissa COULIBALY, Directeur Général – BNI GESTION

Lorsque l’on parle de gestion d’actifs, de quoi s’agit-il exactement ?

La gestion d’actifs, également appelée Asset Management, consiste à gérer des capitaux, qu’ils soient détenus en propre ou confiés par un investisseur.
L’objectif est d’obtenir le meilleur rendement possible en fonction du niveau de risque pris par l’investisseur. Cette industrie financière regroupe l’ensemble des acteurs gérant des actifs financiers dans une perspective de valorisation. On peut citer les sociétés de gestion de patrimoine (SGP), les agences de notation, les sociétés de gestion et d’intermédiation (SGI) et les sociétés de gestion d’Organismes de Placement Collectif (OPC) dont BNI GESTION.
Les sociétés spécialisées dans la gestion d’actifs peuvent être « indépendantes » ou être des filiales de Banques (c’est le cas pour BNI GESTION) ou de compagnies d’assurance. Elles pratiquent de plus en plus une gestion à la carte : en fonction de l’objectif patrimonial d’un client par exemple, la préparation de la retraite, le financement d’un projet futur, le gestionnaire choisit la meilleure allocation d’actif possible, alignée sur le niveau de risque accepté par le client.
La gestion d’actifs peut prendre différentes formes, telles que la gestion pilotée, la gestion collective, la gestion active et la gestion indicielle ou passive. BNI GESTION intervient dans la gestion collective par l’intermédiaire de ces huit (8) Fonds commun de placement (FCP).

Quelle appréciation portez-vous sur l’évolution de la gestion d’actifs en Afrique et plus particulièrement en Côte d’Ivoire ?

La gestion d’actifs en Afrique affiche une bonne dynamique de croissance et est particulièrement marquée par une prise de conscience de l’importance de la diversification des investissements.
S’agissant de la zone UMOA (8 pays de l’Union Monétaire Ouest Africain), l’Association Professionnelle des Sociétés de Gestion et d’Intermédiation (APSGI) et l’Association des Sociétés de Gestion d’OPC (ASGOP) jouent un rôle clé dans l’animation du marché en parfaite coordination avec le régulateur et toutes les autres parties prenantes. De manière chiffrée, on peut constater que les encours sous gestion des Sociétés de Gestion d’Actifs (SGO) ont progressé de 25% à plus de 1480 Mds FCFA (autour de 2,2 Mds d’euros) à fin 2023, traduisant ainsi une bonne dynamique de collecte de ressource.
En Côte d’Ivoire, le secteur se développe progressivement, bénéficiant de la stabilité macroéconomique et de l’innovation financière. Par exemple, selon la Direction du Trésor Public et de la Comptabilité Nationale, pour le financement des budgets, les États ont mobilisé 8.476,9 milliards de FCFA en 2022 et 22.022,9 milliards de FCFA au premier trimestre 2023 sur le marché des titres publics de l’UMOA.
En définitive, le secteur est en pleine évolution mais il y a encore une grosse marge de progression à conquérir grâce à une démographie de plus en plus galopante et jeune, constituant un vivier en termes de collecte des ressources longues.

Pensez-vous qu’il existe des spécificités africaines dans la gestion d’actifs ? Si Oui, lesquelles ?

Oui, pour ma part il en existe.
Les spécificités de la gestion d’actifs en Afrique peuvent inclure l’adaptation aux marchés locaux, la prise en compte des risques politiques et économiques spécifiques, et enfin le développement de produits adaptés aux besoins des investisseurs africains (spécificités sociales, culturelles).
A titre d’exemple, certains investisseurs en Afrique tiennent compte dans le choix de leur placement et au-delà de la recherche du rendement, du respect des préceptes religieux ou des valeurs partagées en termes d’éthiques en lien avec leurs croyances. C’est à ce titre que, parmi les 8 fonds gérés par BNI Gestion, nous avons conçu 2 fonds à vocation éthique et permettant à nos investisseurs de reverser tout ou partie de la plus-value de leur placement à des associations/œuvres caritatives.

Selon vous, en quoi la gestion d’actifs peut-elle être un instrument de croissance économique pour les pays africains ?

La gestion d’actifs peut jouer un rôle essentiel dans la croissance économique des pays africains à travers le financement des projets structurants.
De manière concrète, la gestion d’actifs permet de mobiliser les ressources longues pour financer des projets développement et à fort impact social dans les domaines tels que l’infrastructure, l’énergie, et l’éducation. L’activité de gestion d’actifs est relativement nouvelle en Afrique francophone, contrairement à la partie anglophone.

A quoi peut-on attribuer ce retard ?

En Afrique francophone, la gestion d’actifs est en effet moins développée que dans la partie anglophone du continent. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce retard dont :
L’historique et le Contexte : L’essor de la gestion d’actifs a été plus précoce dans les pays anglophones, notamment en Afrique du Sud et au Nigeria.
Les marchés financiers anglophones ont bénéficié d’une plus longue histoire de développement et d’une meilleure infrastructure.
A titre d’exemple, la Bourse du Johannesburg été créée en 1887 et celle du Nigéria en 1960 contre 1996 pour la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) pour la zone UEMOA.
Il faut noter que cette dernière est la 5ième plus grande en capitalisation et offre encore une très bonne marge de progression.
La langue et la Formation : La langue anglaise est souvent privilégiée dans les domaines financiers internationaux, ce qui favorise le développement de compétences et de formations spécifiques dans les pays anglophones.
Les professionnels formés en anglais ont eu plus d’opportunités.
L’infrastructure financière : Les places financières anglophones, telles que Johannesburg, Lagos et Nairobi, ont attiré davantage d’investissements et de gestionnaires d’actifs car les infrastructures de marché, les régulations et les incitations ont été plus favorables dans ces pays en lien avec l’expérience capitalisée.
La sensibilisation et l’éducation financière : La sensibilisation à la culture financière et boursière est essentielle pour le développement de la gestion d’actifs et des marchés financiers de manière plus large.
Les pays anglophones ont souvent été plus actifs dans la promotion de l’éducation financière et de l’investissement en bourse. Même s’il faut reconnaitre que la culture de l’entreprenariat de ces populations joue également un rôle essentiel.
La stabilité politique et économique essentielle pour attirer les investisseurs et les maintenir dans la durée.

Il est souvent évoqué l’insuffisance de produits de placements, en dehors de ceux émis par les Etats, pour expliquer le manque de dynamisme du secteur. Etes-vous de cet avis ?

L’insuffisance de produits de placement diversifiés peut effectivement limiter le dynamisme du secteur, car elle restreint les options des investisseurs et la capacité à gérer efficacement les risques.
Au sein de la zone UMOA, cette insuffisance devrait normalement être corrigée par la mise en œuvre de nouvelles réformes et des projets en cours entre les acteurs du marché, BRVM : plateforme d’interconnexion boursière, bourse des matières premières agricoles, Fonds d’Investissement Alternatifs, Fonds Commun de Placement à Risques en faveur du financement des PME, etc.

Quel est votre sentiment sur la façon dont la gestion d’actifs est régulée dans l’UMOA, zone où vous exercez ? Les nouveaux dispositifs d’encadrement juridique et règlementaire du secteur, vous semblent-ils adaptés ?

La régulation de la gestion d’actifs au sein de l’UMOA est la prérogative de l’Autorité des Marchés Financiers de l’Union Monétaire Ouest Africain (AMF-UMOA).
Notre régulateur a entrepris depuis 2020, une série de révision et de reformes du cadre règlementaire de l’activité boursière dans la zone à l’effet de favoriser le développement du marché financier.
Sur les évolutions récentes, on peut citer la mise en œuvre d’un cadre réglementaire relatif aux Fonds Commun de Placement à Risque « FCPR », la publication d’une taxonomie des projets verts susceptibles de faire l’objet d’émission obligataires vertes, sociales et durables sur le marché financier.
Cependant, la régulation des entreprises de technologies financières (Fin Tech) associées aux acteurs actuels pourraient accélérer le développement du Marché et renforcer la stabilité et l’efficacité du marché financier de l’UMOA.

Quelles sont les actions privilégiées, qui doivent être menées pour moderniser et rendre le marché financier régional plus attractif ?

Pour moderniser et rendre le marché financier régional plus attractif, plusieurs actions peuvent être envisagées à commencer par :
Vulgariser l’éducation financière et boursière : il est important pour nos Etats d’incorporer l’éducation financière et boursière dans nos programmes éducatifs pour permettre aux populations dont « 70% a moins de 30 ans » d’avoir des notions sur l’importance de l’épargne financière.
Pour ce qui concerne BNI Gestion, en synergie avec la Banque Nationale d’Investissement et la SGI BNI Finances, nous avons lancé fin 2023 un vaste programme de sensibilisation sur la culture financière à l’endroit des étudiants et jeunes diplômés, en partenariat avec l’ensemble des Universités et les Grandes Ecoles (Institut National Polytechnique Houphouët Boigny de Yamoussoukro (INPHB) à Abidjan, Centre d’Etudes Africain et de Gestion à Dakar (CESAG).
Renforcer la base des investisseurs : Il est essentiel d’inciter les investisseurs institutionnels et surtout les populations à participer aux opérations d’OPV (offre publique de vente) et d’émission des obligations souveraines ou privées sur le marché primaire. Ce renforcement passe en grande partie par l’amélioration des conditions et des moyens d’accès au marché ;
Instituer un Fonds de protection des épargnants : Ce fonds va renforcer la confiance des investisseurs vis-à-vis du marché ;
Digitaliser le processus de l’investissement sur le marché financier : Il s’agira d’adopter une logique de digitalisation du processus financier, ce qui va au-delà de la simple dématérialisation.
L’implication des Fintech (IA, gestion de flux important) dans ce process permettra de transformer, d’introduire et de déployer de nouveaux services financiers adaptés sur les territoires de la zone UMOA ;
Renforcer les capacités opérationnelles des collaborateurs : les acteurs métiers auront une bonne compréhension des enjeux en lien avec l’implication des Fintech et la gestion de l’activité.

Quelques mots sur BNI Gestion dont vous assurez la Direction Générale, quelle est sa spécificité sur le marché financier ivoirien et ses perspectives de développement ?

BNI Gestion est une Société de Gestion d’OPCVM (SGO) agréée par l’AMF-UMOA. Elle est filiale de la BNI, Banque Nationale d’Investissement de Côte d’Ivoire, première Banque Citoyenne classée 5ème sur le plan National avec plus de 1700 Mds de taille de bilan à fin 2023.
Pionnière et acteur majeur de l’industrie de la gestion de l’épargne financière depuis environ 15 ans, BNI Gestion se distingue par :
1- La diversité et l’accessibilité de son offre de produits de placements dont (2) fonds diversifiés à vocation éthique, (3) fonds dédiés à la retraite complémentaire des entreprises et (3) fonds grand public dont (1) obligataire ;
2- Sa stratégie d’investissement dynamique et par la performance de ses fonds : Nos fonds éthiques ont été classés 1er et 2ième en termes de performance de valeur liquidative au premier semestre 2023 ;
3- Son engagement envers ses clients.

Interview réalisée par A.C. DIALLO – © Magazine BUSINESS AFRICA

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