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« La Banque de demain sera guidée par la volonté du client et la recherche d’efficacité » Jerôme EHUI, Directeur Général de VERSUS BANK

La participation de l’industrie bancaire africaine au financement des économies du continent, dépendra de sa capacité à relever un certain nombre de défis. Ces défis tiennent aussi bien à l’évolution des formes que prendront les risques bancaires qu’à la nécessaire adaptation de l’offre bancaire à l’évolution permanente des besoins de ses différentes clientèles. C’est, en partie, ce qui ressort de l’entretien accordé au Magazine BUSINESS AFRICA, par M. Jerôme EHUI, figure emblématique du microcosme financier ivoirien et Directeur Général de VERSUS BANK.

Comment, selon vous, l’Afrique peut-elle améliorer le taux de bancarisation de ses populations ?

L’Afrique, en ce début de 21ème siècle, n’a plus le choix. Elle doit bancariser quoiqu’il en coûte. 2050, c’est-à-dire demain, il y aura plus de 2 milliards d’africains, soit près de 30% de la population mondiale. Par ailleurs, l’intelligence artificielle commence à changer la vie de certains avant de bousculer celle de toutes les populations. Nous sommes à un moment de notre histoire qui équivaut, à la fin du 19ème siècle, à la révolution industrielle et aux gigantesques bouleversements que le Monde a connu en passant d’une ère agricole à une ère industrielle. Alors comment ? Pour en revenir à votre question. En passant d’une banque garante du commerce de l’argent, des titres, des effets de commerce et des valeurs en bourse, à une banque en phase avec l’aspiration des clients pour une consommation autonome, responsable, économe. Pour cela, les banquiers devront poursuivre la digitalisation, contribuer à instruire la clientèle, inventer de nouveaux services, encore inexistants, et mettre l’expérience client au premier rang de leurs préoccupations. A titre d’exemple, la même banque devra s’intéresser et servir aussi bien le Cadre supérieur ou moyen qui a des volontés d’investissements que  la population dans l’informel qui cherche à pérenniser ses moyens de subsistance.

Après des années de Covid, aujourd’hui le conflit russo-ukrainien et ses conséquences inflationnistes, le secteur bancaire africain, peut-il encore faire preuve de résilience ?

Commençons, si vous le voulez bien, par une définition. La résilience opérationnelle est la capacité d’une organisation à se préparer aux perturbations, à s’adapter et à prospérer dans un environnement changeant. Ce n’est donc pas une question de défense, mais une disposition progressive pour gérer des évènements de plus en plus complexes d’un point de vue financier, stratégique, réputationnel et cyber-risque. Les banques avaient compris cela, après la crise de 2008, et c’est pourquoi, elles ont entrepris vigoureusement de se conformer aux réformes initiées par Bâle III. Tout comme, elles cherchent à s’approprier, maintenant, le Digital Operationnel Resilience Act, DORA, rentré en vigueur en début 2023, dont la règlementation traite des risques liés aux TIC. Ainsi, tout comme elles ont fait face aux crises que vous évoquez, elles feront face aux crises à venir d’autant que leur attention, dans ce cadre, est devenue maximale.

Ne pensez-vous pas que le développement des Fintech en Afrique, va pousser les banques traditionnelles à revoir leur modèle économique, voire redéfinir leur rôle ?

Permettez-moi une première remarque. Il n’y a plus de banque traditionnelle. Ou alors, seulement, dans la mémoire collective; mais dans la réalité, il en est tout autre. Pouvez-vous consulter votre compte bancaire par Internet 24 heures sur 24 ? Toutes les banques vous le proposent. Pouvez-vous pré-autoriser vos dépenses mensuelles récurrentes, comme gérer votre finance ? Pouvez-vous avoir accès à de nouveaux services? De plus en plus de banques y recourent. Bienvenue dans l’Open banking, à savoir dans un monde où votre compte bancaire vous fournit des services utiles à votre vie de tous les jours. Les Fintech sont-elles responsables de cette mutation ? En partie, certainement. Enfin, quand nous interrogeons la clientèle, une grande majorité pense que l’intelligence artificielle remplacera le Conseiller pour des opérations courantes, mais pas pour des conseils personnels. La banque, avec son expérience séculaire, aura la compétence d’être sur les deux volets, proximité et digitalisation.

Vous dirigez en Côte d’Ivoire VERSUS BANK, quelle est la spécificité de son approche dans l’écosystème bancaire ivoirien ?

Vous parliez, plus avant, de banque traditionnelle. VERSUS BANK était, à mon arrivée, une banque traditionnelle forte de son expérience et de la qualité de son personnel. En m’appuyant sur l’engagement des administrateurs, l’appétit et le courage du personnel, et sur une vision moderniste que j’ai cherché à lui apporter, VERSUS BANK a pu procéder avec succès à son aggiornamento. Elle est passée de petite banque, selon notre classification, à banque moyenne. Elle propose, aujourd’hui, cinq agences, soit le double en trois ans, tout en ayant digitalisé, pour la clientèle, la gestion des comptes et mis en avant l’expérience client dont je parlais précédemment. De plus, VERSUS BANK tout en servant avec attention la clientèle qui lui fait confiance depuis les premiers jours, s’est engagée à servir avec les produits adéquats les PME, les Femmes et les jeunes. Ce qui positionne VERSUS BANK en accord parfait avec la politique du Gouvernement.

Le financement des PME demeure encore un défi majeur en Afrique, comment vous-y prenez-vous à VERSUS BANK ?

Votre question est d’autant plus pertinente que le financement des PME est la clé indispensable pour passer de développement à émergence. Juste un peu d’histoire en rappelant que depuis 2012, les Grandes entreprises ont fait le job en s’investissant dans le développement du pays. Le secteur privé ivoirien a ainsi contribué fortement au quasi-doublement du PIB. Quant à l’émergence, elle ne sera atteinte qu’avec les PME qui sont le réservoir de richesses de notre Nation tant en terme d’emplois que de créativité. Il vous suffit, pour vous en convaincre, de passer en revu tous les plans que le Gouvernement met en place. Alors, comment nous y prenons-nous à VERSUS BANK ? D’abord, j’ai tenu à participer à tous les colloques organisés autour et pour les PME afin d’y collecter, dans le détail, toutes les attentes des Responsables d’entreprise. Mais aussi, pour y tenir un discours de sérieux et de responsabilité. En effet, la banque n’est pas hostile aux PME. Bien au contraire. Mais le banquier que je suis et que sont mes collègues ont besoin de transparence et d’un dialogue honnête pour résoudre les problèmes d’asymétrie d’information et pour minimiser la perception du risque. C’est ainsi que chez VERSUS BANK à l’opposé de la digitalisation qui s’appuie sur agilité et célérité, j’ai demandé au personnel de consacrer tout le temps nécessaire, en Be to Be, pour accéder aux demandes des Responsables de PME.

Il est aujourd’hui beaucoup question de digitaliser de nombreux services banques. N’y a t-il pas, s’agissant de l’Afrique, quelques risques à vouloir tout digitaliser lorsque l’on sait l’importance du contact humain chez les africains ?

Je pense avoir déjà répondu à votre question en précisant, auparavant, que digitalisation et proximité seront les deux piliers de la banque de demain. Piliers d’autant plus incontournables que les banquiers que nous sommes, devront accompagner, assister, conseiller tous nos clients jeunes, femmes, employés, ouvriers, entrepreneurs, primo-accédant, dans les bouleversements à venir. Comme leur offrir tous les services dématérialisés auxquels ils aspirent.

Dernière question, à quoi ressemblera, selon vous, la banque africaine de demain ?

Profitons de votre question pour bien comprendre le Monde qui s’agrège devant nous. En 1865, l’électricité, le téléphone et le moteur à combustion ont fait basculer le Monde dans l’ère industrielle, en remplaçant la main de l’Homme par la machine. Il s’en est suivi de formidables acquis pour les humains: réduction du temps de travail, congés payés, éducation, santé, cadre de vie et j’en passe. De nos jours, l’intelligence artificielle va remplacer, au cours de ce siècle, le cerveau de l’homme qui est finalement une machine qui enregistre, analyse, comprend et propose et s’en suivra des acquis inimaginables, il y a quelques années, dans absolument tous les domaines d’activités. La banque va devoir y répondre avec un statut de tiers de confiance dans un processus de continuité et non de rupture. Dans ce cadre, deux mouvements vont guider les banques: la volonté du client et la recherche d’efficacité. C’est pourquoi, les banquiers seront attentifs, notamment, à la parité femmes-hommes, à l’environnement, aux nouveaux services, mais aussi à la sécurité, la gestion des données, la conformité et la formation continue. Alors, je vous donne rendez-vous non dans dix ans, ni dans cinq, mais dès l’année prochaine, car je suis sûr de vous annoncer des nouveautés dont nous ne pouvons pas encore parler. Nous sommes rentrés dans un monde qui bouge !

Propos recueillis par A.C. DIALLO – ©Magazine BUSINESS AFRICA

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