Henriette GOMIS-BILLON est titulaire d’un PhD de l’Université de Miami en Floride, d’un Master of Arts en Politique internationale et Amérique Latine obtenu à George Washington University et d’un Bachelor of Arts en Relations Internationales de l’American University de Washington. Elle débute sa carrière dans l’enseignement supérieur, à l’université d’Abidjan puis à l’ENA ainsi que l’Université Internationale de Grand Bassam, avant de se consacrer à la stratégie de mécénat en Afrique, au développement durable et à la Responsabilité Sociétale des entreprises. C’est ainsi qu’elle a exercé en tant que Directrice Communication, Qualité et RSE à Orange Côte d’Ivoire et Secrétaire Générale de la Fondation Orange Côte d’Ivoire. En 2013, elle rejoint le Groupe SIFCA en qualité de Directrice de la Communication et du Développement Durable. Mme BILLON occupe également la fonction de Secrétaire Générale de la Fondation SIFCA, dont elle est co-fondatrice.
Qu’est ce qui a motivé la création de la Fondation SIFCA et quels en sont les objectifs ?
Le Groupe mène énormément d’activités sociales. Il était important de départager ses activités RSE, de ses activités de mécénat pur. Les initiatives RSE sont étroitement reliées à ses secteurs d’activité, à son empreinte géographique, aux impacts de ses opérations sur ses environnements. Les activités de mécénat portés par la Fondation SIFCA sont des projets sociaux qui ne sont ni reliés au business, ni rattachés nécessairement à l’empreinte géographique du Groupe. Pour une question d’éthique, tout d’abord, mais aussi pour une bonne cohérence et une parfaite structuration de notre politique sociale. La Fondation SIFCA est une association à but non lucratif créée en 2014. Elle vient renforcer l’engagement social du Groupe SIFCA en dehors de ses zones d’activités agro-industrielles, et le mécénat de compétence est l’un de ses leviers principaux.
Quel bilan faites-vous de la démarche RSE adoptée par SIFCA, à travers sa Fondation ?
La Démarche RSE du Groupe SIFCA est distincte des activités de la Fondation et s’inscrit dans le cadre de la relation d’affaires ou de bon voisinage que nous entretenons avec les communautés vivant autour de nos sites agro-industriels. Nous avons mis en place avec chacune de ses communautés riveraines, un cadre permanent de dialogue qui nous permet de sélectionner et de réaliser des projets qui correspondent à leurs besoins. Ces projets financés en tout ou partie par nos filiales, sont d’ordre social à travers la construction, la réhabilitation ou l’équipement d’infrastructures dans les domaines de la Santé, de l’Éducation de l’Environnement ou d’ordre économique à travers la formation, l’appui technique et l’aide à l’autonomisation des jeunes et des femmes issus de ces villages. Nous intervenons également à la demande des communautés dans tout autre domaine qui est important pour nos parties prenantes telles que le sport, la culture, la réhabilitation de bâtiments, de pistes, etc… Ces initiatives RSE gagnant-gagnant impulsées depuis 2007, nous permettent de maintenir un climat de confiance apaisé propice à la pérennité de nos activités et au développement communautaire.
Selon vous, la démarche RSE est-elle philanthropique ou s’agit-il d’un véritable investissement à long terme ?
Je suis convaincue qu’aucune activité ne doit prospérer seule au milieu de parties prenantes qui elles restent dans un besoin criard. Ce comportement n’est pas responsable et il n’est pas durable. Toute entreprise qui décide de s’inscrire dans une démarche RSE, devrait le faire volontairement, et dans la pleine conscience de l’impact de ses activités sur la vie ou sur l’avenir des communautés, clients ou fournisseurs. Nous faisons de la RSE depuis plus de 40 ans et ce bien avant ce phénomène de mode aujourd’hui qui oblige pratiquement tout le monde à se déclarer une fibre écologique ou sociale. Pour nous, investir dans la RSE c’est préserver intelligemment ses intérêts mais également les intérêts de ses parties prenantes. La fondation SIFCA est là pour s’occuper des questions de philanthropies, qui restent des questions très importantes en Afrique elles font partie de nos valeurs et de notre culture. Comme j’aime à le rappeler souvent, nul n’a le monopole du cœur en Afrique, et les plus généreux restent encore les plus démunis, qui n’hésitent pas à partager leur seul repas avec l’étranger ou à adopter un orphelin malgré leurs difficultés financières.
Quelle est votre perception de l’évolution de la RSE en Côte d’Ivoire ?
Elle a beaucoup évolué positivement et il est difficile voir impossible pour une grande entreprise aujourd’hui de ne pas faire de la RSE un outil stratégique incontournable de sa gouvernance et de son développement. Cependant, je pense que nous serions encore plus efficaces si les mêmes attentes étaient appliquées à tous. Encore trop de grandes entreprises font passer leurs profits uniquement avant tout et les moyennes ou petites entreprises ne se sentent pas concernées alors que la RSE est l’affaire de tous. Même une PME devrait s’obliger à se donner des objectifs de responsabilité sociétale. Plus nous serons nombreux à tenir compte de notre impact sur la société et mieux nous nous porterons.
Le rôle de l’entreprise de demain est-il d’être également contributive à son écosystème environnemental et social ?
Une Entreprise nait avant tout pour réaliser du profit et offrir des emplois stables en veillant au respect des conditions de travail. La vraie question à poser, est comment parvenir à maintenir sa compétitivité sur des marchés de plus en plus concurrentiels. C’est partant de cette notion de compétitivité, que la contribution à un écosystème environnemental et social, prend toute son importance. Une Entreprise qui se veut pérenne et compétitive, doit s’imposer de respecter un système de valeurs sociales et environnementales. Ce système de valeurs, gage de fiabilité, ne date pas d’aujourd’hui. Il a été introduit et définit depuis 1992 à la conférence des Nations Unies à Rio de Janeiro.
Pour promouvoir la RSE dans les entreprises, l’Etat doit-il s’impliquer davantage ? Prendre des mesures coercitives pour les grandes entreprises qui font des bénéfices importants et accorder des incitations fiscales pour les PME par exemple ?
Toutes les initiatives privées contributrices au développement durable des régions, méritent d’être encouragées et non contraintes.
Pour revenir à la Fondation SIFCA dont vous assurez le secrétariat général, quelles sont ses perspectives pour les prochaines années ? Avez-vous des projets pour l’avenir ou allez-vous plutôt consolider ce qui est déjà en cours ?
En toute humilité, mes 20 années d’expérience dans les activités sociales m’ont appris que les petits projets ont un impact immédiat et bénéficient aussi à grand nombre de personnes. Lorsque nous finançons la formation agricole de femmes à des cultures maraichères ou vivrières, lorsque nous offrons des bourses scolaires ou des formations techniques à des jeunes gens déscolarisés ou lorsque nous construisons des cantines scolaires en milieu rural, nous essayons de régler un problème immédiat de nutrition, de déscolarisation, de précarité ou de recherche d’emploi. Cependant ces petits projets sont chronophages et nous sollicitent énormément. Notre priorité reste de consolider nos engagements en essayant de répondre présents aux très nombreuses sollicitations du monde rural, notamment celles dans les domaines de préservation de la Biodiversité et de protection des forêts. Cela reste un grand défi car le Groupe dépense déjà beaucoup dans le social de ses 30 000 salariés composés à 80% de non-cadres, pour ses communautés environnantes ensuite et la Fondation reste en petite dernière. Cependant, je suis fière de vous dire que nous commençons la construction cette année du 1er centre de NUTRITION en cancérologie au sein du Centre national d’Oncologie médicale et de Radiothérapie Alassane Ouattara d’Abidjan (CNRAO). La pose de la 1ère pierre a eu lieu en octobre 2022 et ce centre permettra aux malades et aux accompagnants de se restaurer et de bénéficier de conseils en bonne nutrition lorsqu’on est atteint d’un cancer. Nous sommes très heureux d’accompagner l’état de Côte d’Ivoire et le ministère de la Santé ainsi que les équipes du CNRAO avec à leur tête le professeur Judith Didi Koko sur ce beau projet.
Propos recueillis par Anne-Cécile DIALLO
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