FINANCE & MARCHES

« L’expertise actuarielle deviendra de plus en plus incontournable » Ndeye Fatou TOURE, Director – Actuarial Services Leader PwC Afrique Francophone Subsaharienne

Ndeye Fatou TOURE dirige le département actuariel de PwC Afrique Francophone Subsaharienne. Après avoir obtenu son baccalauréat scientifique, elle s’inscrit en Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles en Mathématiques Supérieures et Mathématiques Spéciales. Par la suite, elle intègre l’Institution de Sciences Financières et d’Assurance (ISFA), à Lyon, le plus ancien organisme universitaire français habilité à délivrer un diplôme d’actuaire. Elle y obtient son diplôme d’actuaire, ce qui lui permet d’être aujourd’hui membre de l’institut des actuaires de France.
Par la suite, après une première expérience professionnelle à Axa en France, elle rejoint le cabinet PricewaterhouseCoopers à Paris, au sein du département RVMS (Risk Value Measurement Services) où elle a l’opportunité d’intervenir sur différentes missions pour de grandes institutions financières.
En 2015, Ndeye Fatou TOURE retourne dans mon pays d’origine, le Sénégal, pour prendre part au fabuleux projet de création de l’entité d’Audit et de Conseil de PwC au Sénégal qui a démarré ses activités en 2016. Pour elle l’expertise actuarielle repose d’abord sur la capacité à utiliser des données, les mathématiques et les statistiques pour comprendre le passé et prédire le futur.

En quoi consiste votre activité au sein de PWC Afrique ?

Au sein de PwC en Afrique Francophone Subsaharienne, je suis responsable du développement de l’offre Actuarielle sur l’ensemble des pays de notre territoire : Sénégal, Côte d’Ivoire, Cameroun, République Démocratique du Congo, Congo, Gabon, Madagascar, Guinée.
Nous intervenons sur des missions d’Audit et de Conseil et nous offrons un niveau d’expertise technique unique sur le marché démultiplié par les synergies entre techniques quantitatives bancaires, compétences actuarielles, et compétences statistiques.
Pour les compagnies d’assurance, nous intervenons principalement pour l’évaluation actuarielle de leurs provisions techniques et la tarification.
Nous accompagnons également les entreprises pour l’évaluation de leurs passifs sociaux, par exemple l’estimation des indemnités de départ à la retraite.
Par ailleurs, nous avons également différentes offres pour répondre aux enjeux de maîtrise et de pilotage des risques.
Par exemple, au service des banques et des IMF, nous mettons à profit notre pôle d’experts pour les assister dans leur modélisation du risque de crédit (revue des modèles de scoring).

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots le métier d’actuaire, comment cette profession est organisée en Afrique et quels types de missions vous confie-t-on ?

L’actuaire est un spécialiste de l’application des probabilités, des statistiques et de la gestion des risques. Il œuvre dans les domaines de l’assurance et de la finance en apportant des réponses concrètes en termes de valorisation de portefeuilles, tarification, modélisation des risques, mesure de solvabilité.
L’expertise actuarielle repose sur la capacité à utiliser des données, les mathématiques et les statistiques pour comprendre le passé et prédire le futur. L’actuaire analyse l’impact financier du risque et estime les flux futurs qui y sont associés pour décrire et modéliser de façon prédictive certains événements futurs facilitant ainsi l’aide à la décision.
En France l’institut des actuaires (IA) est garant de l’exercice de la profession. L’IA organise et représente la profession et est la seule habilitée à délivrer le titre d’Actuaire.
Néanmoins, en Afrique et au Sénégal en particulier, la profession d’actuaire n’est pas encore bien organisée.
Certes, de plus en plus de structures de formations supérieures proposent des masters professionnels en actuariat. Toutefois aucune structure n’est habilitée à délivrer le titre d’Actuaire à proprement dit.
Fort de ce constat, un projet de création d’un Ordre des Actuaires est en cours depuis quelques années, afin d’organiser la profession au Sénégal, d’encadrer le curriculum des formations existantes et d’être reconnu par l’association internationale des actuaires.

Vous avez d’abord exercé le métier d’actuaire en France avant de rentrer au Sénégal, y a-il une spécificité africaine dans la pratique du métier ?

L’exercice de mon métier reste le même et je suis soumise aux mêmes exigences de qualités et de déontologies que tous les actuaires membres de l’IA.
Il faut toutefois reconnaître que l’actuariat en Afrique est encore à ses frémissements.
En effet, l’offre de produits financiers et assuranciels étant plus limitée dans nos régions, les problématiques actuarielles sont moins complexes.
Cependant, à ma grande satisfaction, le rôle de l’actuaire se démocratise de plus en plus en Afrique. En effet, l’Afrique Subsaharienne est caractérisée par des niveaux élevés de croissance économique qui dépendent de plus en plus de la capacité à mobiliser des financements, accentuant ainsi la nécessité d’accélérer l’inclusion financière.
Pour accompagner ce développement, les secteurs bancaires en Afrique subsaharienne ont connu une croissance rapide au cours des deux dernières décennies.
Dans un contexte macroéconomique risqué, notamment à la suite des crises bancaires, la solvabilité et la stabilité financière sont devenues des préoccupations majeures au développement du secteur bancaire en Afrique.
De plus, la dépendance entre la concurrence croissante dans les secteurs bancaires de l’Afrique Subsaharienne et le risque de crédit est saillante : la multiplication des acteurs pouvant encourager une prise de risque supplémentaire par les intermédiaires financiers.
Cet environnement fait alors de la maîtrise et la gestion du risque de crédit une nécessité absolue, ce qui met en lumière le rôle de l’actuaire dans le secteur bancaire et des IMF.
Par ailleurs, pour accompagner ce développement, le rôle de l’assurance est de mieux en mieux compris par les acteurs économiques (Transférer son risque à un assureur permet de sécuriser ses investissements) et les Etats (l’assureur est un investisseur institutionnel).
Grâce à ce contexte économique et cette évolution favorable des mentalités, l’Assurance est en forte croissance dans notre région.
Et, pour garantir l’effectivité de ce potentiel pour les assureurs, qui dépend entre autres du renforcement de la confiance, la promotion de l’actuariat est un passage obligatoire.
Ainsi, les organes de contrôle bancaire, assuranciels et même comptables, font jouer un rôle de plus en plus prépondérant à l’actuariat, pour la régulation de nos économies.
Et c’est fort de ce constat que nous avons tenu, à PwC AFSS, à mettre à disposition de notre région cette expertise actuarielle qui devient incontournable dans nos régions.

Les données sont la matière première de l’actuaire, or l’Afrique est un continent où elles manquent cruellement, comment arrivez-vous à travailler ?

Etant donné que nous travaillons pour la plupart avec des compagnies privées, la problématique de la disponibilité de l’information est moins prononcée que la perception que chacun peut en avoir. Certes la qualité des données disponibles est perfectible, mais nous arrivons tout de même à nous adapter.
Toutefois certaines études requièrent des statistiques au niveau macroéconomique qui sont moins accessibles.
Ces données proviennent en général des études réalisées par nos Instituts Nationaux de Statistique (INS), les organismes internationaux, les instituts de recherche…

Et quid de la question du Genre et notamment de la représentativité des femmes dans votre métier ? Quels conseils donneriez vous aux jeunes femmes qui souhaitent se lancer ?

Tout d’abord, la formation d’actuariat est à forte dominante mathématique et les filières scientifiques demeurent malheureusement encore insuffisamment accessibles aux femmes.
Ensuite le métier d’actuaire reste quand même encore peu connu malgré le besoin. Ces deux facteurs combinés expliquent sans doute le fait que les hommes soient majoritaires dans l’exercice de cette profession.
Cependant, comme nous le constatons pour les autres métiers plus « scientifiques » qui ont longtemps eu une connotation « masculine », les femmes s’illustrent de plus en plus dans ce métier. La preuve, PwC est le premier des big 4 en Afrique Francophone Subsaharienne à avoir mis en place une équipe d’actuaires et, j’ai le grand honneur, en tant que femme, de diriger cette équipe.
Propos recueillis par A.C. DIALLO

© Magazine BUSINESS AFRICA – 2021

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