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«La dette ne devrait pas être la ressource principale des Etats africains» Stanislas ZEZE, PDG de Bloomfield Investment Corporation

Pour le Magazine BUSINESS AFRICA, Stanislas ZEZE, PDG de Bloomfield Investment Corporation, revient sur la 5ème édition de la Conférence Risque Pays organisée à Abidjan en juin dernier. Il explique notamment l’objectif de cette rencontre, les raisons de la baisse de la note de la Côte d’Ivoire et livre son analyse sur une problématique devenue cruciale : la dette publique africaine.

Quel est l’objectif des conférences Risque Pays dont avez organisé la cinquième édition au mois de juin à Abidjan ?

L’objectif de ces conférences organisées par Bloomfield est de discuter du rapport Risque Pays que nous produisons sur différents pays. Nous sommes, comme vous l’avez mentionné, à la cinquième édition et nous avons jusque-là organisé ces conférences que pour la Côte d’Ivoire.
Le rapport Risque Pays met en relief la cartographie des risques Pays de la Côte d’Ivoire, c’est à dire les forces, faiblesses et opportunités de l’économie ivoirienne. Pour cette cinquième édition qui s’est tenue le 3 juin 2021, nous avons eu, au cours de quatre panels thématiques, à recevoir les opinions du gouvernement, représenté par le ministre de l’économie et des finances, le ministre du budget et du portefeuille de l’Etat et enfin le ministre de la solidarité et de la lutte contre la pauvreté. Nous avons également pu entendre les opinions de la société civile, du secteur privé et des organisations internationales.  A la fin de la conférence nous avons publié une synthèse des débats.

Justement, quelles ont été les conclusions du rapport sur Risque Pays consacré à la Côte d’Ivoire ?

Dans notre rapport, nous avons baissé la note de la Côte d’Ivoire de 5,7 à 5,6. A noter que cette note est sur 10.
En termes de méthodologie, il faut savoir qu’une note comprise entre 0 et 2 correspond à un risque systémique, nous n’encourageons pas à investir de ces cas.
Entre 2 et 4 nous sommes dans une situation de risque avéré mais dans laquelle, avec certaines mesures, il est possible d’investir. Entre 4 et 6, c’est la situation de risque modéré, donc aucun frein à l’investissement. Entre 6 et 8, aucun risque, nous encourageons les investissements dans ce pays. Et enfin entre 8 et 10 nous sommes dans le cas de risque extrêmement faible où il est fortement conseillé d’investir.
La Côte d’Ivoire est en situation de risque modéré, donc aucun frein à l’investissement. Nous avons toutefois mis en relief quelques faiblesses. L’économie ivoirienne est assez résilience et a démontré sa capacité à résister aux chocs dont celui de la pandémie du Covid-19. Il faut savoir que dans toute l’espace UEMOA la Côte d’Ivoire et le Bénin sont les deux pays à avoir enregistré une croissance positive : le Bénin 2% et la Côte d’Ivoire 1,8%. Mais les 1,8% de la Côte d’Ivoire ont été réalisés malgré la fermeture de l’économie ivoirienne. L’une des raisons est que la Côte d’Ivoire a une économie très diversifiée, où tous les secteurs d’activités sont porteurs. Par ailleurs le pays a fait des réformes qui ont rendu son économie très résiliente. Cette résilience est hélas à court terme. L’idée de la conférence était aussi de voir quelle est la capacité de la Côte d’Ivoire d’avoir une résilience beaucoup plus importante et surtout à moyen et long terme et comment la Côte d’Ivoire pourra relancer son économie.
Une des faiblesses retenues a trait à la gestion de la dette, notamment la structure de la dette. Il faut savoir que 64% de la dette est en devises étrangères, ce qui pose un problème à moyen terme. Et le service de la dette, qui est l’élément le plus important, représentait en 2019, 88% des recettes fiscales et douanières. Ce taux est tombé à 51% en 2020, simplement parce qu’il y a eu un moratoire sur le paiement de la dette qui devra d’ailleurs demeurer en 2021. Mais à la levée de ce moratoire, on repartira sur des taux de 88% voire plus.  Cette situation d’insoutenabilité de la dette pourrait rebasculer la Côte d’Ivoire dans les Pays pauvres très endettés (PPTE). Évidemment cela est pour nous une source d’inquiétudes et la solution c’est que la Côte d’Ivoire s’inscrive dans une logique de formalisation de son économie afin d’avoir une base fiscale beaucoup plus large de sorte à augmenter les revenus de l’Etat.
La dette ne devrait pas être la ressource principale de l’Etat mais plutôt une ressource supplémentaire.
Un autre point de faiblesse sur lequel on a mis l’accent, c’est l’éducation. Dans le dernier classement PISA pour les pays d’Afrique francophone, la Côte d’Ivoire vient en avant dernière position alors que l’éducation est une des priorités du gouvernement ivoirien qui consacre depuis 10 ans 20% de son budget à ce secteur.

Les rapports que vous publiés sont-ils utilisés par les États ? Qu’en font-ils ?

L’engouement autour de ces conférences montrent bien l’utilité de ces rapports qui sont bien sûr exploités par les politiques, le secteur privé, les investisseurs. Ces rapports sont des outils d’aide à la décision et permettent de mieux comprendre l’environnement des affaires des pays concernés et avoir une vue panoramique des faiblesses et des opportunités.

Cela fait, vous l’avez rappelé, cinq ans que vous organisez ces conférences Risque Pays en Côte d’Ivoire, prévoyez-vous de les tenir dans d’autres pays africains ?

Nous publions des rapports Risque Pays pour d’autres États africains, ce sont les conférences que nous organisons depuis cinq ans en Côte d’Ivoire. Mais nous sommes actuellement en discussions avancées avec trois autres pays d’Afrique francophone pour l’organisation de ces conférences. Dans les prochains jours nous annoncerons ces pays ainsi que les dates retenues. En tous cas je me réjouis qu’il y ait une vraie volonté politique d’appliquer des solutions locales, régionales et panafricaines pour résoudre les problématiques de transformation des économies africaines.

Propos recueillis par A.C. DIALLO

© Magazine BUSINESS AFRICA – 2021

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