FINANCE & MARCHES

Gestion d’actifs: «Il y a encore de la ressource à capter» Eugène CISSE KOUOH BOLLO, D.G de ASCA Asset Management (Groupe Attijariwafa Bank)

Diplômé de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun, option Finance internationale, Eugène CISSE totalise une quinzaine d’années d’expérience professionnelle dans la finance. C’est dans la salle des marchés de la banque anglaise la Standard Chartered Bank qu’il débute sa carrière. Il y occupera successivement les fonctions de trader sur les produits de taux et de change et celui de commercial pour les produits dérivés. Enfin, il a occupé la fonction d’Assistant ALM Manager jusqu’à sa nomination en 2016 à la fonction de Gérant Taux au sein de la société de gestion de portefeuille ASCA Asset Management (ASCA AM), filiale du groupe bancaire Attijariwafa bank en charge de la gestion de portefeuille en Afrique Centrale). En 2020, en reconnaissance de ses mérites, le voilà propulsé Directeur Général, avec pour mission d’optimiser la performance de l’entreprise et de développer ses activités dans toute la zone CEMAC. A noter qu’en dehors de ses fonctions au sein d’ASCA AM, Eugène CISSE assure également la vice-présidence de l’Association des Sociétés de Gestion de Portefeuille de l’Afrique Centrale et suit actuellement des cours de perfectionnement à la Wharton School, Ecole de commerce de la Pennsylvanie aux Etats-Unis.

Pouvez-vous nous faire une brève présentation de ASCA Asset Management ?

ASCA Asset management (ASCA AM) est la filiale du groupe bancaire Attijariwafa, en charge de la gestion de portefeuille pour la zone Afrique Centrale. Elle a été agréée en 2016 et son siège est situé à Douala au Cameroun avec une couverture sous régionale sur la CEMAC. Ses principales activités concernent la gestion des placements à travers les Fonds Communs de Placement (FCP) et les Sociétés d’Investissement à Capital Variable (SICAV), le placement de l’épargne salariale, c’est à dire tout ce qui est relatif à la gestion des régimes de retraite à travers des fonds communs de placement d’entreprises ou autres, mais également tout ce qui est structuration des solutions d’investissement, ainsi que tout ce qui relève de la gestion des Fonds Communs de Créances. A titre de référence, nous avons en charge la gestion des fonds de la Caisse de Retraite de la Banque Centrale des Etats de L’Afrique Centrale (BEAC) via un mandat de sous délégation.

Selon vous, existe-t-il une approche africaine de la gestion d’actifs différentes de ce qui se passe ailleurs, en Europe par exemple ?

Oui certainement, puisque les contextes sont différents. Il faut savoir que l’activité de gestion d’actifs est assez récente en Afrique en général et en CEMAC en particulier. En zone CEMAC à ce jour, les produits de placement connus du grand public demeurent les dépôts à terme, les bons de caisse et depuis Novembre 2011 le marché des titres publics émis par adjudication c’est-à-dire les Bons du Trésor Assimilables ainsi que les Obligations du Trésor Assimilables. L’un des facteurs clefs de différenciation tient au taux de bancarisation en zone CEMAC qui est de l’ordre de 13% versus une moyenne de 29% en Afrique aujourd’hui. Deuxièmement, l’éducation financière reste à construire  d’où une nécessité à former des masses. Le corpus règlementaire et juridique accompagné par des mesures d’incitations fiscales est en cours de perfectionnement et de consolidation car on ne pourrait construire un marché de la gestion d’actifs sans ces éléments. Et enfin, un facteur qui militerait en notre faveur serait la digitalisation dans la commercialisation de l’OPCVM et ce, à travers le mobile banking par exemple.


Justement sur le plan économique, pouvez-vous nous expliquer en quoi la gestion d’actifs peut-elle être un instrument de développement pour les pays africains ?

L’encours sous gestion (ASG) sur le marché de la CEMAC représentait 0,02% du PIB nominal en zone CEMAC en 2017. Aujourd’hui, celui-ci représente quasiment 0,23% dudit PIB. Idem, le ratio dépôts bancaires / PIB nominal est à peu près de 27% de nos jours alors que celui de l’ASG/ PIB nominal est de 0,83%. Ces chiffres montrent qu’il y’a encore de la ressource à capter sur le marché de la gestion d’actifs et que ce dernier demeure ouvert aux nouveaux arrivants. Cette situation est comparable au marché monétaire qui, dès son lancement en Novembre 2011 a connu des débuts difficiles du fait de la nouveauté du produit. En pourcentage du PIB de la CEMAC, l’encours des titres a fortement progressé de 0,1 % en Novembre 2011, date de lancement du marché des titres publics, à peu près à 4% du PIB aujourd’hui. Ceci pour dire que les différentes ressources collectées auprès de ménages, entreprises ou autres servent par la suite à financer les Etats à travers la participation à certaines opérations de levée de fonds. Ce fut d’ailleurs le cas de la plupart des opérations sur les marchés monétaire et boursier où nos Fonds Communs de Placement à travers notre Société de Bourse Attijari Securities Central Africa (ASCA) participent à la plupart des opérations.

Comment ce secteur est-il régulé ? Est-il nécessaire selon vous d’engager des réformes concernant la régulation du secteur ?

C’est la Commission de Surveillance du Marché Financier de L’Afrique Centrale (COSUMAF) qui assure la fonction de régulateur. D’ailleurs, tout travail étant perfectible, le corpus réglementaire et juridique est en train d’être revu afin de donner une aisance aux assets managers et autres acteurs à pouvoir opérer dans un contexte plus sécurisé. Il est prévu d’intégrer dans les nouveaux textes réglementaires, tous les aspects relatifs à la lutte contre le blanchiment d’argent ou contre le financement du terrorisme, mais aussi les modalités de consolidation des fonds propres des sociétés de gestion de portefeuille.

Dernière question, en rapport avec le contexte covid19. En votre qualité d’observateur privilégié de la vie économique africaine, pouvez-vous nous dire, à quelle échéance le continent pourrait-il renouer avec sa croissance d’avant ?

De manière globale, le taux de croissance pour l’Afrique subsaharienne reculerait à -3% sur 2020 et celui de la CEMAC à – 2,9% selon le FMI. En revanche à l’horizon 2021, la même Institution table sur des taux de croissance respectifs de 3,1% et 2,8% pour l’Afrique subsaharienne et la CEMAC. Néanmoins, il convient de préciser que cette croissance en zone CEMAC serait tributaire principalement de la volatilité des prix de produits de base (en l’occurrence le baril de pétrole), de la situation sécuritaire dans le Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun, en RCA et au Tchad, et bien entendu aux stricts respects des mesures barrières édictées par les différents gouvernements.

Propos recueillis par A. Touré

©Magazine BUSINESS AFRICA – 2021

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