ANALYSE

“Il faut repenser le modèle assurantiel africain” Abdou DIAGNE, Directeur Général de TRANSVIE

Abdou DIAGNE est Directeur Général de TRANSVIE créée en 2008 et spécialisée dans les assurances vie, assurances de personnes et protection sociale. Diplômé de l’Institut Supérieur de Management de Dakar et de Sciences Po Paris, Monsieur DIAGNE a débuté sa carrière dans le secteur bancaire. Il a par la suite travaillé comme Responsable Administratif et Financier dans une entreprise de BTP avant d’intégrer le milieu du conseil. En 2008, il est recruté comme Consultant au BIT (Bureau International du Travail). C’est de là que commence l’histoire avec Transvie qui capitalise 12 ans d’expérience et est citée comme modèle au Sénégal et dans la sous-région.

D’abord quelques mots sur TRANSVIE, quelle est sa particularité dans le secteur assurantiel sénégalais ?

TRANSVIE a pour mission d’apporter une réponse à l’épineuse problématique de la protection sociale des populations, entendez par là les risques sociaux liés à l’existence, parmi lesquels l’accès aux soins de santé figure en première position.
Basé sur un modèle inclusif, pensé par des africains et pour des africains, TRANSVIE est entrain de repenser le modèle assurantiel africain.
Après avoir maillé le territoire Sénégalais, TRANSVIE continue son ascension par son ouverture dans la sous-région avec ses filiales d’Abidjan et Lomé, rendant ainsi effective la portabilité de l’assurance, et faisant de cette assurance un excellent outil d’intégration africaine.

Quelles sont, selon vous, les caractéristiques de votre métier d’assureur social en Afrique ? Pensez-vous qu’il existe une spécificité africaine dans l’exercice de ce métier en Afrique ?

L’assurance sociale la plus connue est exercée par des organismes à adhésion théoriquement obligatoire : il s’agit d’institutions passant pour publiques, telles que l’Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal (IPRES), la Caisse de Sécurité Sociale (CSS) ou les Institutions de Prévoyance Maladie (IPM).
Cette assurance sociale couvre expressément les travailleurs salariés déclarés du secteur formel.
De ce fait, cette sécurité sociale ne couvre qu’une faible partie de la population.
L’assurance sociale privée à adhésion volontaire est, quant à elle, fondée sur la mutualité, c’est à dire un esprit de partage non orienté vers le profit de ses initiateurs, mais celui des participants.
Elle a permis de mettre à la portée de larges populations vivant dans le secteur informel le service effectif d’une solidarité mise en œuvre au sein de mutualités autorisées par la loi sociale nationale et par le règlement communautaire UEMOA.
L’argument décisif des mutuelles sociales telles que TRANSVIE, c’est la pertinence quotidienne du rapport qualité prix dans le domaine qui est sa spécialité actuelle, l’assurance maladie.
Car les acteurs n’ayant pas accès aux solutions traditionnelles (IPM, ou assurances privées régies par le code CIMA), ainsi que les insatisfaits de ces systèmes alternatifs existants sur le marché, sont recrutés sur une base strictement volontaire ; et ils ne choisissent cette sécurité onéreuse que parce qu’elle se révèle payante, à travers une gamme de produits répondant aux divers niveaux de besoins en la matière.
C’est ainsi que nous avons depuis plus de 10 ans, enregistré au Sénégal, d’abord, des adhésions croissantes de groupes d’employés du secteur des transports, de commerçantes et de commerçants indépendants, de membres de groupements d’artisans et de pêcheurs.
C’est ainsi aussi, toujours au Sénégal, que viennent vers nous de plus en plus d’entreprises, petites, moyennes et grandes, soucieuses de qualité supérieure au juste prix (environ 800).
Car, des économies sont réalisées par le système de gestion mutualiste ; et la compression des coûts est soignée par des outils électroniques performants, qui mettent en place les prises en charge, contournent certaines fraudes classiques dans le domaine, sans compromettre la garantie de l’accès aux meilleurs prestataires médicaux, ni la diligence des règlements des prestations garanties, ni celle des éventuels remboursements.
Pour toutes ces bonnes raisons, le modèle TRANSVIE a d’ailleurs pu être implanté dans plusieurs pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), en Côte d’Ivoire comme au Togo. Et d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest semblent intéressés par la mise en place d’une gestion mutuelle efficace et les prospections nécessaires sont en cours.
Quant à la spécificité africaine, même si l’on se limite au seul risque social qu’est la santé (pour l’instant), le champ à couvrir est énorme et les nouvelles technologies en réduisant les charges commerciales et administratives, aident à rendre accessibles et assurables de plus en plus de laissés pour compte des systèmes traditionnels ; mais il demeure dans ce domaine de l’extension de l’assurance, notre entreprise fait figure de pionnier.

On parle de l’avant et l’après COVID-19, serait-ce également le cas pour les assureurs-sociaux privés tels que TRANSVIE ? Quels sont les défis auxquels seront confrontés les professionnels de l’assurance en Afrique et au Sénégal en particulier ?
Une étude générale de l’effet du COVID 19 sur les économies africaines montre que l’impact ressenti varie selon les secteurs : d’une part, les travailleurs de l’économie informelle constituant un segment de notre portefeuille, nous pouvions craindre, du fait de la mensualisation de nos cotisations, des défections et un arrêt ou un ralentissement de notre progression ; et la maladie ayant été annoncée comme une cause de morbidité supplémentaire importante, avec des risques d’aggravation (et de renchérissement) dans les cas de co-morbidité, nous pouvions légitimement craindre en mars-avril une détérioration de notre trésorerie et de notre exploitation.
Ces impacts n’ont pas été ressentis à TRANSVIE, ni sous la forme d’un ralentissement de notre progression, ni sur celui du retard ni affaissement de nos encaissements ; il est vrai que le paiement de la prime est la condition contractuelle du droit à garantie et que cette dépense d’assurance est, dans de nombreux cas, traitée comme prioritaire. En fait, en début septembre, les objectifs de production de l’année sont déjà réalisés.
Par ailleurs, la sinistralité de février à juin n’a augmenté que de moins de 2 % par rapport à 2019.
Avec le recul, on peut penser que les divers opérateurs intervenant sur la couverture maladie auraient peut-être dû se concerter pour partager leurs expériences, au lieu de se replier chacun sur ses difficultés et ses angoisses.
Peut-être est-il encore temps de le faire, maintenant que des voix autorisées semblent voir dans le cours de l’épidémie une caractérisation très différente des schémas apocalyptiques prédits.

S’agissant du Sénégal, quelles sont les mesures et réponses apportées par le secteur de l’Assurance pour la couverture des pertes d’exploitation liées au Covid-19 ? La couverture du risque pandémique est-elle prévue dans les contrats d’assurance ?

TRANSVIE étant une société d’assurance spécialisée en assurance maladie, on pourrait concevoir qu’elle soit concernée, en cas de perte d’exploitation ou cessation totale d’activités de nos clients de l’économie informelle, à la suite de l’apparition d’un nombre important de travailleurs assurés contractant la maladie contagieuse.
Ce cas de figure n’existe pas dans notre portefeuille.
Mais, compte tenu des clientèles de particuliers, travailleurs indépendants, de l’adaptation de nos offres à une clientèle très hétérogène, nous avons un produit qui offre une indemnité forfaitaire journalière en cas d’hospitalisation, pour compenser le manque à gagner consécutif. C’est notre « perte d’exploitation » après maladie, vendue dans un package comprenant diverses prestations médicales proprement dites.

Certains assureurs, notamment en Europe, plaident pour la mise en place d’un mécanisme de mutualisation (Etat-Assurances) afin de créer un « régime d’assurance pandémie » capable de répondre à une crise comme celle du Covid-19. Que pensez-vous de la mise en place d’un tel mécanisme dans le contexte africain ?
Le contexte européen du COVID-19 est différent de celui que nous vivons au sud du Sahara.
Le Président de SOS médecin au Sénégal, le Dr Massamba SASSOUM DIOP l’a bien souligné.
Par rapport à la population, la morbidité et surtout la mortalité constatées au Sénégal (et ailleurs en Afrique de l’Ouest) semblent 100 fois moins importantes que ce qui a été observé en Europe ou en Chine. Il parait même, d’après une étude américaine que le Sénégal figure parmi les trois meilleurs élèves de la classe, pour ce qui est de sa réponse médicale à la pandémie. Avec une telle spécificité, l’on ne saurait copier les solutions envisagées dans la région que vous citez en modèle.
Car nos problèmes face au COVI 19 sont différents.

A la suite de cette épidémie, quel type de nouveaux produits adaptés à ces risques, les assureurs devront-ils demain proposer à leur clientèle ?

Pour le moment, une telle étude n’est pas à l’ordre du jour, à TRANSVIE, en tout cas.

Interview réalisée par A.S. TOURE

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